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Karl Heinrich MARX (1818-1883)

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La production des idées, des représentations et de la conscience est d'abord directement et intimement mêlée à l'activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce spirituel des hommes apparaissent ici encore comme l'émanation directe de leur comportement matériel. Il en va de même de la production spirituelle telle qu'elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc., de tout un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels, agissants, tels qu'ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et du mode de relations qui y correspond, y compris les formes les plus larges que celles-ci peuvent prendre. La conscience (Bewusstsein) ne peut jamais être autre chose que l'être conscient (das bewusste Sein) et l'être des hommes est leur processus de vie réel. Et si, dans toute l'idéologie, les hommes et leurs rapports apparaissent placés la tête en bas comme dans une camera obscura ce phénomène découle de leur processus de vue historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son processus de vie directement physique. A l'encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c'est de la terre au ciel qu'on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu'ils sont dans les paroles, la pensée et l'imagination d'autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os; non, on part des hommes dans leur activité réelle; c'est à partir de leur processus de vie réel que l'on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. Et même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus de leur vie matérielle que l'on peut constater empiriquement et qui est lié à des présuppositions matérielles. De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d'autonomie. Elles n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Karl Heinrich MARX (1818-1883)

« VOCABULAIRE: EMPIRIQUE (adj.): Qui découle de l’expérience ou qui ne se règle que sur elle.

Le savoir empirique découle largement de l’habitude, qui lui permet de repérer des régularités dans l’expérience (par exemple, telle plante soulage toujours telle douleur).

Ce savoir s’obtient par tâtonnements, par essais et erreurs, mais ce n’est pourtant pas un savoir scientifique ou expérimental.

En effet, il ne sait pas vraiment expliquer ce qu’il observe, il ignore les causalités réellement agissantes (par exemple, l’action physique-chimique de la plante dans l’organisme). Selon la conception chrétienne et idéaliste de l'histoire, ce sont essentiellement les idées qui mènent le monde et qui en commandent l'évolution, même économique et matérielle.

Pour Marx et Engels, au contraire, c'est un fait d'expérience que toute la production spirituelle des hommes telle qu'elle s'exprime dans la langue de la politique, du droit, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc., est l'émanation directe de leur comportement et «commerce» matériel. Encore faut-il savoir lire cette expérience.

Le mérite de Marx et Engels, à leurs propres yeux, est d'avoir démontré — ce que n'avaient pas vu les matérialistes eux-mêmes avant eux, lesquels avaient bien compris «le rapport de la pensée et de l'être dans la nature, mais pas dans l'histoire » — que toute la production spirituelle est le reflet dans notre cerveau de la production matérielle, c'est-à-dire des rapports économiques ou plus précisément des rapports de production.

C'est pourquoi on peut en appeler ses diverses formes les superstructures. Cette conception idéaliste est, en fait, celle de la classe dominante.

"Les pensées des classes dominantes sont à toutes les époques les pensées dominantes, c'est-à-dire que la classe qui est la puissance matérielle de la société est également sa puissance spirituelle dominante ».

Qu'on puisse distinguer les «idéologues actifs », «qui font leur industrie principale de la fabrication de l'illusion que cette classe se fait sur elle-même» et les membres de cette classe qui, pris par la réalité de la vie pratique, la partagent passivement, ne change rien au fond des choses'.

C'est donc chez les premiers que l'on trouve l'illusion idéologique constituée en une doctrine explicite, où elle s'affirme comme réalité et vérité, et, au premier chef, chez Hegel.

Pour lui, la réalité n'est que la manifestation extérieure de l'Idée : « Hegel fait de l'homme l'homme de la conscience, au lieu de faire de la conscience la conscience de l'homme, de l'homme réel, vivant dans un monde réel, objectif et conditionné par lui ».

Selon Marx, Hegel a « mis les choses sens dessus dessous », puisque « les idées ne sont rien d'autre que les choses matérielles transposées et traduites dans la tête des hommes ».

Mais il faut souligner que de cette mystification, Hegel et les idéalistes sont eux-mêmes les dupes, comme tous les membres de la classe dominante qui doit « pour parvenir à ses fins, représenter son intérêt comme l'intérêt commun de tous les membres de la société ».

La dialectique de Hegel « se tient debout sur la tête », il faut la reprendre et s'en servir mais en la remettant sur ses pieds.

Elle permet ainsi de dénoncer l'illusion idéologique, car, écrit Engels, « l'idéologie est un processus que le soi-disant penseur accomplit bien avec conscience, mais avec une conscience fausse.

Les forces matérielles véritables qui le mènent lui restent inconnues, sinon ce ne serait point un processus idéologique ».

L'illusion est de croire que tout acte humain qui se réalise par l'intermédiaire de la pensée est fondé également dans la pensée. Des diverses formes de superstructure qui s'édifient sur la base économique, aucune n'est autonome par rapport à cette base.

Toutefois elles en sont en quelque sorte plus ou moins éloignées.

«L'État, dit Engels, s'offre à nous comme la première puissance idéologique sur l'homme », laquelle se rend indépendante de la société.

Les formes de superstructure les plus éloignées sont la philosophie et la religion.

« Ici la liaison des représentations avec leurs conditions d'existence matérielles devient de plus en plus complexe, de plus en plus obscurcie par les anneaux intermédiaires.

Mais elle existe cependant ».

Le processus mental propre à ces formes d'idéologie s'élabore selon leurs propres lois, ce qui leur confère l'apparence d'entités autonomes, mais ce n'est qu'une apparence, encore que « cela reste inconscient chez eux, sinon c'en serait fini de toute idéologie ». C'est pourquoi Marx et Engels disent que ces superstructures n'ont pas d'histoire, pas de développement historique, «puisque toute l'idéologie se réduit ou bien à une fausse interprétation de l'histoire ou à une abstraction totale de cette histoire» et que « l'idéologie n'est elle-même qu'un des côtés de cette histoire »9.

L'histoire vraie est l'histoire des hommes réels; elle a « pour base le développement du procès réel de la production, et en cela et partout de la production matérielle de la vie immédiate ».

A partir d'elle s'explique la genèse des formes de la conscience qui permet — ce que Hegel a vainement tenté — de se représenter l'histoire dans sa totalité. Mais cette « totalisation » de l'histoire n'est possible que si l'on tient compte de l'action réciproque, qui ne remet pas en question la conception marxiste du monisme matérialiste, et elle n'est pas autre chose que la dialectique.

S'élevant contre les critiques incompréhensifs du marxisme, Engels écrit : « Ce qui manque à tous ces messieurs, c'est la dialectique.

Ils ne voient toujours ici que la cause, là que l'effet (...).

Tout ce grand cours des choses se produit sous la forme d'action et de réaction de forces, sans doute très inégales — dont le mouvement économique est de beaucoup la force la plus puissante, la plus initiale, la plus décisive.

On voit comment se définit ce qu'on appellera ultérieurement le «matérialisme dialectique».

Ressaisir sous le déroulement de l'histoire le mouvement dialectique, c'est aussi la démystifier et dénoncer l'illusion idéologique.. »

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