Karl Heinrich MARX (1818-1883)
Extrait du document
«
L'augmentation des besoins et des moyens de les satisfaire engendre la
pénurie de besoins et l'indigence.
Comment cela ? L'économiste nous en
fournit la preuve : 1°) Il réduit les besoins de l'ouvrier à la subsistance la
plus indispensable et la plus misérable de la vie physique ; il réduit son
activité au mouvement mécanique le plus abstrait ; et il dit que l'homme
n'a pas d'autres besoins, ni activité, ni jouissance, car, cette vie-là, il la
proclame humaine, existence humaine.
2°) Pour base de son calcul, et
comme norme générale - parce que valable pour la masse des hommes il choisit la vie (l'existence) la plus indigente possible ; il fait de l'ouvrier
un être insensible et dépourvu de besoins.
Le moindre luxe lui paraît
condamnable chez l'ouvrier.
(...) L'économie politique, cette science de la
richesse, est donc en même temps la science du renoncement, de
l'indigence, de l'épargne : il lui arrive réellement de vouloir épargner à
l'homme le besoin d'air pur ou de mouvement physique Cette science de
la mirifique industrie est aussi la science de l'ascétisme, et son véritable
idéal est l'avare ascétique mais usurier et l'esclave ascétique mais
producteur.
Son idéal moral, c'est l'ouvrier qui porte la caisse d'épargne
une partie de son salaire.
Elle est donc - malgré ses airs mondains et
lascifs - une vraie science morale, la plus morale des sciences.
Sa grande
maxime, c'est l'abnégation, le renoncement à la vie et à tous les besoins
humains.
La problématique:
"Le développement de la production conduit-il à l'abondance pour tous ?" Le croire, c'est tomber dans l'illusion, certains
diront le mensonge, de l'économie capitaliste.
Les faits semblent suffisants pour le prouver : à l'époque où Marx écrit,
la condition ouvrière est plus misérable encore, sans doute, que la condition d'esclave dans l'Antiquité.
Si les choses
ont changé depuis, on ne peut cependant oublier que l'amélioration des conditions de vie des salariés en général
s'accompagne de l'aggravation du chômage.
Mais il est tout aussi vrai que les faits sont toujours susceptibles de
multiples interprétations, aussi si l'on veut dénoncer l'illusion selon laquelle la recherche du profit par quelques-uns
conduit au bien commun, il faut rechercher la logique qui unit capitalisme et misère.
C'est ce que fait Marx ici, sur un
ton nettement polémique.
On remarquera que ce texte, contrairement sans doute à ce que l'on attendrait de son
auteur, ne s'intéresse pas tellement à la logique strictement économique, mais met en évidence une collusion entre les
principes de l'économie libérale et la valorisation de l'austérité.
En effet, l'histoire des mentalités n'est pas
indépendante de l'évolution des moyens de production.
Pour comprendre le texte.
La révolution industrielle est créatrice de richesses.
La considérable augmentation des moyens de production doit
entraîner tout naturellement un développement de la consommation, laquelle permet à son tour un nouveau progrès
des moyens de production.
La logique du capitalisme devrait donc, semble-t-il, nous conduire à une société
d'abondance, dans laquelle les besoins humains seront de plus en plus éloignés des simples besoins vitaux, ce qui
devrait permettre le plein épanouissement des possibilités humaines.
Mais cette perspective idyllique ne semble pas correspondre à la réalité des faits.
Karl Marx relève le paradoxe suivant
: « l'augmentation des besoins humains et des moyens de les satisfaire engendre la pénurie de besoins et l'indigence ».
Ce constat fait référence évidemment à la misère de la condition ouvrière.
Contrairement à ce que prétend le mythe
libéral selon lequel la recherche du profit individuel doit conduire à l'amélioration du sort de tous, par le biais justement
de l'augmentation des richesses, la réalité des faits semble montrer l'aggravation des inégalités, jusqu'à l'insupportable.
Il faut donc s'efforcer de discerner la logique cachée qui a pu conduire à ce constat paradoxal.
Pour ce faire, Marx
analyse la pensée de « l'économiste », entendons par là l'économiste libéral.
Or, cette pensée est d'abord et
fondamentalement réductrice.
De tous les aspects de la vie humaine, ne sont pris en compte que ceux qui jouent
directement un rôle économique, ce qui, remarquons-le, va à l'encontre des ambitions d'épanouissement dont nous
avons parlé plus haut.
Qu'est-ce qu'un ouvrier d'un point de vue strictement économique ? C'est d'abord un outil de
production, dont le coût et le rendement peuvent être comparés à ceux d'une machine, avec laquelle il risque d'ailleurs
d'entrer en concurrence.
C'est ainsi que son activité est réduite « au mouvement mécanique le plus abstrait ».
Or, de même qu'une machine, un ouvrier a, si l'on ose dire, un coût d'entretien, dans la mesure où il doit reconstituer
ses forces sans quoi son rendement se trouverait gravement amoindri.
Il n'entre évidemment là nulle « charité », au
contraire, mais il est vrai que le patronat doit assurer la survie de l'ouvrier, c'est-à-dire la satisfaction de ses besoins
vitaux, mais seulement de ceux-ci.
Voilà pourquoi « l'économiste » dit, non pas forcément explicitement mais toute la
logique de son discours y conduit, « que l'homme n'a pas d'autres besoins, ni activité, ni jouissance ».
Etre un homme,
c'est donc essentiellement se nourrir et travailler, et même travailler pour se nourrir et se nourrir pour travailler.
Par conséquent, la logique même de la perspective économique (toujours au sens libéral du terme), qui est d'abord de
rechercher les moyens de produire le maximum de richesses, conduit à une anthropologie de type ascétique.
La vie «
normale » exclut le luxe et toute superfluité, et donc, « comme norme générale (...) il choisit la vie (l'existence) la plus
indigente possible ».
On voit par là comment un point de vue qui peut sembler purement moral, car la condamnation du.
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