KANT: une propriété du pouvoir de la raison
Extrait du document
«
« Une propriété de la raison consiste à pouvoir, avec l'appui de l'imagination, créer
artificiellement des désirs, non seulement sans fondements établis sur un instinct
naturel, mais même en opposition avec lui ; ces désirs, au début, favorisent peu à
peu l'éclosion de tout un essaim de penchants superflus, et qui plus est, contraires
à la nature, sous l'appellation de « sensualité ».
L'occasion de renier l'instinct de la
nature n'a eu en soi peut-être que peu d'importance, mais le succès de cette
première tentative, le fait de s'être rendu compte que sa raison avait le pouvoir de
franchir les bornes dans lesquelles sont maintenus tous les animaux, fut, chez
l'homme, capital et décisif pour la conduite de sa vie.
» KANT.
> QUESTIONS
1) Dégagez l'idée directrice et la structure de ce texte.
2) Expliquez:
a) "créer artificiellement des désirs"
b) "sa raison avait le pouvoir de franchir les bornes dans lesquelles sont maintenus tous les animaux"
3) En quel sens peut-on dire que la raison affranchit l'homme de la nature ?
> QUESTION 1
Kant définit l'humanité par la raison, qui rend seule l'homme capable de s'émanciper de l'état de nature.
Il procède en
deux temps : d'abord un exemple, puis une généralisation.
Il valorise en premier lieu la « sensualité » comme « propriété de la raison » permettant à l'homme de s'« opposer » à
l'instinct naturel.
L'exemple est original, en général parce que l'on a tendance à rapprocher la sensualité de l'animalité
(toute une tradition philosophique, issue du platonisme, peut ici être visée), et en particulier parce que l'on assimile
souvent Kant à un rigoriste condamnant la part sensuelle en l'homme.
Or ce n'est pas d'un point de vue moral que se
place le texte.
Le but est de montrer (deuxième moment, à partir de « L'occasion...
») que toutes les manifestations de la raison,
sensualité y compris, témoignent de la capacité spécifiquement humaine à « franchir les bornes » de l'instinct naturel.
> QUESTION 2
a.
« créer artificiellement des désirs » Il s'agit presque d'un pléonasme.
Car la création humaine est toujours une
rupture avec le cours naturel : elle est toujours « artificielle ».
Kant utilise cette formule pour insister sur cette rupture
(thèse du texte).
Car contrairement au besoin, enraciné dans l'instinct naturel, le désir n'est pas nécessaire.
Il est
spécifiquement humain parce qu'il est de l'ordre de la représentation, et non de la simple contrainte corporelle : je peux
avoir besoin de manger, mais désirer tel plat plutôt que tel autre, et raffiner à l'infini.
À partir du moment où l'homme
passe du besoin au désir (bon ou mauvais, fondé ou infondé), il entre dans la sphère rationnelle.
Il renie « l'instinct de
la nature » en s'en émancipant.
b.
« sa raison avait le pouvoir de franchir les bornes dans lesquelles sont maintenus tous les animaux » Kant rappelle
d'une part que l'homme est et reste un animal.
Mais il possède quelque chose de plus que tous les autres : la raison.
Elle est, comme l'explique Descartes dans la cinquième partie du Discours de la méthode, « ce qui nous rend hommes et
nous distingue des bêtes ».
Cette raison est tout entière en chaque homme.
Mais elle est à l'état de friche.
L'homme
peut ou non en développer les « propriétés » (première ligne du texte) ou les « pouvoirs ».
L'un de ces pouvoirs
consiste à faire alliance avec l'imagination pour entrer dans le
domaine de la sensualité.
Mais cela n'est pas le seul.
Lorsqu'il réfléchit sur la raison « pure » et sur la raison « pratique
», Kant s'attache ainsi à montrer quelles en sont les « limites », c'est-à-dire jusqu'où elle peut s'étendre, et à quel
moment elle doit savoir s'arrêter.
Cela permet à l'homme de savoir jusqu'où et comment il peut connaître, sans
démissionner ou se leurrer.
La notion de « limite » de la raison a donc une connotation positive et dynamique.
Or Kant
l'oppose à la notion de « borne ».
Les animaux sont en effet maintenus dans des « bornes » factuelles et instinctives,
au-delà desquelles ils ne pourraient même pas penser s'aventurer.
Leurs besoins s'étendent jusqu'où s'étend la loi du
corps, et non au-delà ou à rebours, comme le désir humain.
Un animal affamé comblera le manque par la première proie
venue, tandis que l'homme pourra verser dans la gourmandise, voire sombrer, dans deux illimitations : l'anorexie et la
boulimie, toutes deux contraires à l'instinct naturel.
> QUESTION 3
[Introduction].
»
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