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KANT: un usage pratique de la raison

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Je ne saurais donc admettre Dieu, la liberté et l'immortalité selon le besoin qu'en a ma raison dans son usage pratique nécessaire, sans repousser en même temps les prétentions de la raison pure à des vues transcendantes, car, pour atteindre à ces vues, il lui faut se servir de principes qui ne s'étendent en réalité qu'à des objets de l'expérience possible et qui, si on les applique à une chose qui ne peut être objet d'une expérience, la transforment réellement et toujours en phénomène, et déclarent ainsi impossible toute extension pratique de la raison pure. J'ai donc dû supprimer le savoir pour lui substituer la croyance. Le dogmatisme de la métaphysique, ce préjugé qui consiste à vouloir avancer dans cette science sans commencer par une critique de la raison pure, voilà la véritable source de toute cette incrédulité qui s'oppose à la morale, et qui elle-même est toujours très dogmatique. KANT

 Ce texte est un extrait de la préface à la seconde édition de la Critique de la raison pure. Dans cette préface, Kant explicite ce qu’est la démarche critique et en montre tous les enjeux. La critique consiste, non pas à étendre plus loin notre savoir, mais au contraire à adopter un point de vue réflexif sur la production de ce savoir et ses conditions de légitimité. Il s’agit pour la raison de se retourner sur elle-même et de déterminer les bornes de son pouvoir, les limites de son champs d‘application. La critique produit donc une limite entre un domaine d’exercice légitime de la raison pure, et un domaine où elle ne pourrait pas avoir son mot à dire.

                A ce point de la présentation, le lecteur pourrait avoir l’impression que l’objectif de la Critique de la raison pure est purement négatif. Il s’agirait en effet simplement de limiter l’exercice de la raison pure en expliquant pourquoi certains objets lui sont par nature inaccessibles.  Dans l’extrait que nous commentons, Kant cherche justement à démentir cette opinion. Il y révèle en effet le véritable objectif de la Critique de la raison pure: il s’agit de ménager une place pour un usage pratique de la raison. La raison possède en effet deux aspects chez Kant: elle est « théorique » ou « pure » en tant qu’elle cherche à connaître, et elle est pratique en tant qu’elle pose les principes de l’agir humain. Elles correspondent à deux modalités du rapport de l’esprit à l’objet: le savoir pour la raison pure et la croyance pour la raison pratique. Le but de ce passage est donc de monter que l’aspect négatif de la critique (la restriction de l’exercice de la raison pure) n’est pas une fin en soi, mais n’est qu’un moment nécessaire pour permettre ce qui est le véritable objectif de Kant: une réhabilitation de la raison dans son usage pratique.

                La thèse du texte est donc énoncée ligne 9: « J’ai donc du supprimer le savoir pour lui substituer la croyance ». La problématique que nous adopterons est donc la suivante: en quoi est-il nécessaire de limiter notre pouvoir de connaître pour assurer la possibilité d’une morale? L’argumentation procède selon trois moments distincts:

                Du début à « … vues transcendantes », Kant pose le véritable objectif de la critique: c’est la garantie d’un usage pratique de la raison qui s’impose de manière première et absolument nécessaire. Or, pour cela, il faut que soit possible une croyance en Dieu, la liberté et la nécessité. Ce n’est que dans la mesure où un usage illimité de la raison pure entre en contradiction avec la possibilité de cette croyance que sa critique devient nécessaire.

                Dans un second temps, de « car… » à « …substituer la croyance ». Kant explique pourquoi cet usage illimité de la raison pure empêche l’usage de la raison dans son aspect pratique.  Le principe de cette explication repose sur le fait que la raison pure n’a pour objet que des phénomènes, statut qu’il est impossible d’assigner aux objets de la croyance.

                Enfin, de « Le dogmatisme… » à la fin du texte, donne un second argument pour prouver la positivité de la critique: le discrédit dont fait objet la morale résulte de l’exercice non critique de la raison pure. La critique permettra donc de la réhabiliter.

« Introduction: Ce texte est un extrait de la préface à la seconde édition de la Critique de la raison pure.

Dans cette préface, Kant explicite ce qu'est la démarche critique et en montre tous les enjeux.

La critique consiste, non pas à étendre plus loin notre savoir, mais au contraire à adopter un point de vue réflexif sur la production de ce savoir et ses conditions de légitimité.

Il s'agit pour la raison de se retourner sur elle-même et de déterminer les bornes de son pouvoir, les limites de son champs d‘application.

La critique produit donc une limite entre un domaine d'exercice légitime de la raison pure, et un domaine où elle ne pourrait pas avoir son mot à dire. A ce point de la présentation, le lecteur pourrait avoir l'impression que l'objectif de la Critique de la raison pure est purement négatif.

Il s'agirait en effet simplement de limiter l'exercice de la raison pure en expliquant pourquoi certains objets lui sont par nature inaccessibles.

Dans l'extrait que nous commentons, Kant cherche justement à démentir cette opinion.

Il y révèle en effet le véritable objectif de la Critique de la raison pure: il s'agit de ménager une place pour un usage pratique de la raison.

La raison possède en effet deux aspects chez Kant: elle est « théorique » ou « pure » en tant qu'elle cherche à connaître, et elle est pratique en tant qu'elle pose les principes de l'agir humain.

Elles correspondent à deux modalités du rapport de l'esprit à l'objet: le savoir pour la raison pure et la croyance pour la raison pratique.

Le but de ce passage est donc de monter que l'aspect négatif de la critique (la restriction de l'exercice de la raison pure) n'est pas une fin en soi, mais n'est qu'un moment nécessaire pour permettre ce qui est le véritable objectif de Kant: une réhabilitation de la raison dans son usage pratique. La thèse du texte est donc énoncée ligne 9: « J'ai donc du supprimer le savoir pour lui substituer la croyance ».

La problématique que nous adopterons est donc la suivante: en quoi est-il nécessaire de limiter notre pouvoir de connaître pour assurer la possibilité d'une morale? L'argumentation procède selon trois moments distincts: Du début à « … vues transcendantes », Kant pose le véritable objectif de la critique: c'est la garantie d'un usage pratique de la raison qui s'impose de manière première et absolument nécessaire.

Or, pour cela, il faut que soit possible une croyance en Dieu, la liberté et la nécessité.

Ce n'est que dans la mesure où un usage illimité de la raison pure entre en contradiction avec la possibilité de cette croyance que sa critique devient nécessaire. Dans un second temps, de « car… » à « …substituer la croyance ».

Kant explique pourquoi cet usage illimité de la raison pure empêche l'usage de la raison dans son aspect pratique.

Le principe de cette explication repose sur le fait que la raison pure n'a pour objet que des phénomènes, statut qu'il est impossible d'assigner aux objets de la croyance. Enfin, de « Le dogmatisme… » à la fin du texte, donne un second argument pour prouver la positivité de la critique: le discrédit dont fait objet la morale résulte de l'exercice non critique de la raison pure.

La critique permettra donc de la réhabiliter. I.

Dans la première partie du texte, Kant commence par poser qu'il existe un usage pratique nécessaire de la raison, et que celui-ci repose sur une croyance en Dieu, la liberté et l'immortalité. - Pourquoi? Comme nous l'avons vu, l'usage pratique de la raison correspond à sa dimension morale: la raison est pratique lorsqu'elle me dit ce que je dois faire, c'est-à-dire lorsqu‘elle énonce des lois pratiques.

Se comporter moralement consiste à prendre les lois pratiques pour maximes de nos actes, même si ceci va parfois à l'encontre de nos propres désirs et de nos intérêts. Certaines croyances sont nécessaires pour que soit possible un comportement moral: nous devons croire en la liberté humaine, car si les hommes ne sont pas libres, il ne déterminent pas eux-mêmes le principe de leurs actes, il serait donc vain de s'efforcer à prendre pour principe les lois pratiques.

Nous devons également croire en Dieu et en l'immortalité de l'âme pour avoir l'espoir que, dans l'autre royaume, les bons seront récompensés et les mauvais punis.

En effet, ce n'est pas le cas durant la vie terrestre où l'homme juste est souvent désavantagé.

Ainsi, pour obéir à la loi morale, il est nécessaire de croire que cette obéissance contribue à faire notre bonheur dans une vie future.

C'est ce que Kant appelle, dans « De l'opinion, de la science, de la foi » (Critique de la raison pure), la « croyance morale » et il la justifie ainsi: il est impératif que j'obéisse à la loi morale, or il n'y a qu'une seule condition pour que cette obéissance se produise: c'est qu'il existe un Dieu et un monde future.

Je dois donc croire en ces deux objets, pour me permettre d'agir moralement. - Ensuite, Kant pose que permettre ces croyances implique de « repousser en même temps les prétentions de la raison pure à des vues transcendantes ».

Avant d'expliquer pourquoi, dans une deuxième partie, demandons-nous d'abord ce que signifie ces « prétentions » de la raison pure? Une « vue transcendante » est une vue par laquelle la raison serait capable de sortir de la subjectivité pour saisir les choses telles qu'elles existent en dehors de nous, c'est-à-dire les choses en soi.

Or, la critique nous révèle que cette prétention est illégitime: en effet, dès le premier paragraphe de l' « Esthétique transcendantale » (Critique de la raison pure), Kant explique que toute matière qui pénètre dans l'esprit humain est déterminée par les « formes a priori » que lui impose celui-ci.

L'esprit humain n'a donc accès qu'à des « phénomènes », c'est-à-dire aux choses telles qu'elles apparaissent à l'esprit .

La raison ne peut prétendre conclure quoi que ce soit concernant les choses en soi, elle est bornée à la sphère des phénomènes.

Alors pourquoi la raison pure a-t-elle des « prétentions (…) à des vues transcendantes »? Autrement dit, pourquoi la raison a-t-elle naturellement tendance à vouloir outrepasser ses propres limites? Kant l'explique dans. »

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