KANT: Supposons que quelqu'un affirme, en parlant de son penchant au plaisir
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Supposons que quelqu'un affirme, en parlant de son penchant au plaisir, qu'il lui est
tout à fait impossible d'y résister quand se présente l'objet aimé et l'occasion : si,
devant la maison où il rencontre cette occasion, une potence était dressée pour l'y
attacher aussitôt qu'il aurait satisfait sa passion, ne triompherait-il pas alors de son
penchant ? On ne doit pas chercher longtemps ce qu'il répondrait.
Mais demandez-lui
si, dans le cas où son prince lui ordonnerait, en le menaçant d'une mort immédiate, de
porter un faux témoignage contre un honnête homme qu'il voudrait perdre sous un
prétexte plausible, il tiendrait comme possible de vaincre son amour pour la vie, si
grand qu'il puisse être.
Il n'osera peut-être assurer qu'il le ferait ou qu'il ne le ferait
pas, mais il accordera sans hésiter que cela lui est possible.
Il juge donc qu'il peut
faire une chose, parce qu'il a conscience qu'il doit la faire et il reconnaît ainsi en lui la
liberté qui, sans la loi morale, lui serait restée inconnue.
La liberté ne peut être connue et affirmée comme fait qu'à travers l'expérience
morale.
C'est par le sentiment du devoir que l'homme découvre en lui la liberté.
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
À travers l'exposé de deux situations, Kant entend montrer le pouvoir de la liberté, par laquelle je reconnais qu'il
m'est possible de préférer le devoir à ma propre vie.
Dans le premier cas, un homme, sommé de choisir, préfère la
vie à la satisfaction d'un désir, même pressant.
Il y a là le résultat simple d'une comparaison entre deux
penchants, la force de l'un étant capable de vaincre l'autre.
Dans le deuxième cas, la situation est inverse.
Placé
face au devoir, l'homme affirme qu'il doit préférer mettre en jeu sa vie, même s'il ne peut assurer qu'il en sera
capable.
Le devoir s'oppose au penchant, mais n'en triomphe pas forcément.
Mais que j'obéisse ou non à mon
devoir, l'action m'est imputable : au moment d'agir, il m'était possible d'agir conformément au devoir.
Le devoir est la forme à travers laquelle s'impose à nous la loi morale, précisément parce que nous ne sommes pas
seulement des êtres rationnels, mais aussi soumis aux penchants de la sensibilité.
Mais, inversement, si nous reconnaissons la loi morale comme un devoir, c'est que nous ne sommes pas seulement
soumis aux penchants de la sensibilité, mais encore des êtres rationnels.
La loi, en général, est ce qui régit sans
exception les objets ou les êtres auxquels elle s'applique.
Elle revêt donc la forme de l'universalité.
La loi morale
est ce qui me permet de généraliser la maxime de mon action.
[Introduction]
Les débats renaissent périodiquement pour savoir si nous sommes libres ou si nous n'en avons que l'impression.
Kant
propose ici un critère simple permettant de vérifier que la liberté est bien présente en nous : il suffit d'examiner la
conscience du devoir et ce qu'elle nous révèle.
[I.
On suspend aisément un penchant]
a.
Le premier exemple esquissé par Kant indique que le plaisir ne constitue pas pour l'homme une obligation véritable :
un homme qui affirme ne pouvoir y résister s'en montre en fait très capable en fonction des circonstances.
b.
La volonté, ou la simple prudence, est donc ici plus forte que l'impulsion lorsque c'est la vie du sujet qui se trouve
en jeu.
c.
Le plaisir qui nous met en relation avec un objet extérieur, peut ainsi être différé par un principe interne de l'individu,
que l'on peut repérer comme participant de sa capacité à juger ou de sa raison ; et il n'y a même pas à proprement
parler conflit entre les deux, tant la solution semble rapide.
[II.
La loi morale ne souffre pas d'être oubliée]
a.
D'une tout autre orientation est la seconde situation évoquée : l'individu n'y est plus attentif à son corps et à ses
satisfaction sensibles, il est soumis à un ordre.
Et cet ordre venant de l'extérieur paraît d'autant plus respectable qu'il
s'accompagne d'une menace sur la vie même du sujet en cas de désobéissance.
b.
Mais l'ordre concerne un faux témoignage à porter contre un honnête homme : mensonge et injustice.
c.
Cette fois il ne s'agit plus d'opposer satisfaction et conservation de sa vie, le choix est entre conserver sa vie au
prix d'une injustice et la perte d'autrui.
Est-il possible que, dans ce cas, le sujet arrive à « vaincre son amour pour la
vie » (alors que, dans le premier exemple, c'est celui-ci qui l'emportait évidemment) ?
d.
C'est, dit Kant, possible.
Sans doute l'individu sera-t-il partagé entre son devoir et son amour de la vie (« il n'osera
peut-être assurer qu'il le ferait ou qu'il ne le ferait pas »).
mais le fait qu'il ne choisisse pas simplement, comme dans le
premier cas, de sauver sa vie, suffit à indiquer qu'il perçoit, contre le pouvoir extérieur, une puissance interne qui est.
»
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