KANT: Prenons un acte volontaire, par exemple un mensonge pernicieux
Extrait du document
«
Prenons un acte volontaire, par exemple un mensonge pernicieux, par
lequel un homme a introduit un certain désordre dans la société, dont on
recherche d'abord les raisons déterminantes qui lui ont donné naissance,
pour juger ensuite comment il peut lui être imputé avec toutes ses
conséquences.
Sous le premier point de vue, on pénètre le caractère
empirique de cet homme jusque dans ses sources que l'on recherche dans la
mauvaise éducation, dans les mauvaises fréquentations, en partie aussi
dans la méchanceté d'un naturel insensible à la honte, qu'on attribue en
partie à la légèreté et à l'inconsidération, sans négliger les circonstances
tout à fait occasionnelles qui ont pu influer.
Dans tout cela, on procède
comme on le fait, en général, dans la recherche de la série des causes
déterminantes d'un effet naturel donné.
Or, bien que l'on croit que l'action
soit déterminée par là, on n'en blâme pas moins l'auteur, et cela, non pas à
cause de son mauvais naturel, non pas à cause des circonstances qui ont
influé sur lui, et non pas même à cause de sa conduite passée ; car on
suppose qu'on peut laisser tout à fait de côté ce qu'a été cette conduite et
regarder la série écoulée des conditions comme non avenue, et cette action comme entièrement
inconditionnée par rapport à l'état antérieur, comme si l'auteur commençait absolument avec elles
une série de conséquences.
Ce blâme se fonde sur une loi de la raison où l'on regarde celle-ci comme
une cause qui a pu et a du déterminer autrement la conduite de l'homme, indépendamment de toutes
les conditions empiriques nommées.
Et l'on n'envisage pas la causalité de la raison comme une sorte
de concours, mais comme complète en elle- même, alors même que les mobiles sensibles ne lui
seraient pas du tout favorables mais tout à fait contraires ; l'action est attribuée au caractère
intelligible de l'auteur, il est entièrement coupable à l'instant où il ment ; par conséquent, malgré
toutes les conditions empiriques de l'action, la raison était pleinement libre, et cet acte doit être
attribué entièrement à sa négligence.
VOCABULAIRE:
EMPIRIQUE (adj.): Qui découle de l’expérience ou qui ne se règle que sur elle.
Le savoir empirique découle
largement de l’habitude, qui lui permet de repérer des régularités dans l’expérience (par exemple, telle plante
soulage toujours telle douleur).
Ce savoir s’obtient par tâtonnements, par essais et erreurs, mais ce n’est
pourtant pas un savoir scientifique ou expérimental.
En effet, il ne sait pas vraiment expliquer ce qu’il observe,
il ignore les causalités réellement agissantes (par exemple, l’action physique-chimique de la plante dans
l’organisme).
Pourquoi sommes-nous capables d'agir par devoir ? Nous sommes soumis à nos tendances, nos désirs, nos
passions ; et pourtant, la raison peut nous dicter des conduites contraires à toutes nos inclinations, comme le
montrent de nombreux exemples où des hommes n'hésiteraient pas à sacrifier leur vie pour une cause qu'ils
jugent noble.
C'est là une preuve en faveur de la liberté humaine.
Problématique.
Pour montrer l'universalité du sentiment moral et du devoir, Kant va s'appuyer sur l'exemple d'un mensonge
grave, d'une trahison, aux conséquences extrêmes.
On peut bien expliquer cet acte par le jeu des tendances.
Mais on ne l'en blâmera pas moins parce qu'on partira du principe qu'il pouvait ne pas mentir, quelles que soient
les causes psychologiques qui ont pu le pousser.
Enjeux.
Si nous partions du principe que tous nos actes sont déterminés par des causes indépendantes de nous, ce qui
est cependant parfois le cas, alors nous ne pourrions plus condamner des actions qui, pour nous, sont
cependant éminemment condamnables.
Au-delà de tout ce qui peut déterminer nos actes, nous avons tous ce
sentiment que les hommes ne sont pas des robots soumis à leurs pulsions, mais des êtres libres.
Analyse.
·
Thème.
L’acte libre et volontaire.
Ce texte traite de la capacité qu’a l’homme de décider, ou non, de
l’ensemble de ses actes.
C’est donc la question de la détermination qui est ici posée.
·
Thèse.
Pour Kant ; si l’homme peut effectivement être sous le coup d’une détermination empirique
(éducation, suite et enchaînement de causes et conséquences), l’ensemble de ses actes est totalement libre.
La raison est libre, et il s’agit là de la cause première de tous les actes humains.
·
Enjeux..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le bois dont l'homme est fait est si courbe qu'on ne peut rien y tailler de droit. Kant
- Les sens sans la raison son vides, mais la raison sans les sens est aveugle (Kant)
- La paresse et la lâcheté - KANT, Réponse à la question: Qu'est-ce que les Lumières?
- Montrez les différents éléments de l’argumentation qui permettent d’établir que Kant a une conception de la conscience qui se trouve être encore ici d’inspiration cartésienne
- E. Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique: la conscience