KANT: Les jugements mathématiques sont tous synthétiques a priori
Extrait du document
«
« Les jugements mathématiques sont tous synthétiques.
Cette proposition semble
avoir échappé jusqu'ici à l'observation de tous ceux qui ont analysé la raison
humaine, et elle paraît même en opposition avec toutes leurs suppositions ; elle est
pourtant incontestablement certaine, et elle a une grande importance par ses
résultats.
En effet, comme on trouvait que les raisonnements des mathématiques
procédaient tous suivant le principe de contradiction (ainsi que l'exige la nature de
toute certitude apodictique), on se persuadait que leurs principes devaient être
connus aussi à l'aide du principe de contradiction, en quoi l'on se trompait ; car si le
principe de contradiction peut nous faire admettre une proposition synthétique, ce
ne peut être qu'autant qu'on présuppose une autre proposition synthétique, d'où
elle puisse être tirée, mais en elle-même elle n'en saurait dériver.
Il faut remarquer d'abord que les propositions proprement mathématiques sont
toujours des jugements a priori et non empiriques, puisqu'elles impliquent une
nécessité qui ne peut être tirée de l'expérience.
Si l'on conteste cela, je restreindrai
alors mon assertion aux mathématiques pures, dont la seule idée comporte
qu'elles ne contiennent point de connaissances empiriques, mais seulement de
connaissances pures a priori.
» KANT.
VOCABULAIRE:
EMPIRIQUE (adj.): Qui découle de l’expérience ou qui ne se règle que sur elle.
Le savoir empirique découle largement
de l’habitude, qui lui permet de repérer des régularités dans l’expérience (par exemple, telle plante soulage toujours
telle douleur).
Ce savoir s’obtient par tâtonnements, par essais et erreurs, mais ce n’est pourtant pas un savoir
scientifique ou expérimental.
En effet, il ne sait pas vraiment expliquer ce qu’il observe, il ignore les causalités
réellement agissantes (par exemple, l’action physique-chimique de la plante dans l’organisme).
A priori: Ce qui précède l’expérience, et n’est tiré que de l’esprit ou de la raison.
Chez Kant, les formes a priori de la sensibilité (l’espace et le temps) et de l’entendement (les catégories) rendent
possible l’expérience (l’a priori est ici transcendantal).
Les marques de l’a priori sont l’universalité et la nécessité.
L’expérience, quant à elle, n’offre que des généralisations et du contingent.
JUGEMENTS ANALYTIQUES ET SYNTHETIQUES CHEZ KANT
Kant distingue 3 types de jugements:
a) Le jugement analytique (ou tautologique) est un jugement qui n'a pas besoin de l'expérience, l'esprit n'a pas besoin
de sortir de lui-même pour connaître.
Ces jugements indépendants de l'expérience sont dits a priori.
Ils ont une qualité
et un défaut.
Leur qualité est la rigueur et la certitude de ne pas se tromper.
Leur défaut: l'esprit piétine, bégaie et
n'apprend rien.
Exemples: un triangle a 3 angles, ma grand-mère est la mère de mon père ou de ma mère.
b) Le jugement synthétique nous donne une information nouvelle, ils sont dérivés de l'expérience.
Par exemple, tous les
corps sont pesants ou ma grand-mère est blonde: je ne l'aurai jamais su par la seule pensée.
Les jugements
synthétiques sont a posteriori.
Ils ont eux aussi un avantage et un inconvénient.
Leur avantage est leur fécondité:
j'apprends quelque chose, leur inconvénient: l'expérience est aléatoire, partielle voire partiale (ma grand-mère est
peut-être une fausse blonde !), je tire, par induction, des énoncés généraux dont rien ne me dit qu'ils ne seront pas
plus tard invalidés par d'autres expériences.
c) Les jugements synthétiques a priori.
Ces jugements sont aussi féconds que les synthétiques et aussi rigoureux que
les analytiques.
Les mathématiques offrent l'exemple de tels jugements.
Un énoncé aussi simple que 7 + 5 = 12 est à
la fois synthétique (je ne peux tirer par analyse du 7 et du 5 le nombre 12) et a priori (je n'ai pas besoin d'en passer
par l'expérience pour l'affirmer).
D'après la tradition rationaliste antérieure à Kant, les propositions mathématiques ne viennent pas, et ne dépendent
pas, de l'expérience car on y considère qu'aucun fait ne peut les corriger.
Kant n'est pas l'initiateur de l'idée que les
mathématiques sont a priori, mais on lui doit d'avoir répandu l'affirmation que les propositions mathématiques sont
logiquement (et non psychologiquement ni chronologiquement) antérieures à l'expérience qui les présuppose.
Plus
personnelle chez Kant est la raison donnée : à l'origine des mathématiques on trouve les intuitions de l'espace et du
temps, l'intuition de l'espace est à l'origine de la géométrie, celle du temps, à l'origine de l'arithmétique.
Or l'espace et
le temps (c'est bien de l'espace et du temps physiques qu'il s'agit) ne sont pas des êtres naturels indépendants de
l'humanité, mais des formes pures a priori de la sensibilité.
C'est donc le caractère a priori de l'espace et du temps qui
explique le caractère a priori des mathématiques.
Conscient du progrès des mathématiques, Kant ne pouvait pas croire que leurs jugements soient des tautologies, des
énoncés analytiques, le dédoublement sans fin d'une identité où le prédicat d'une proposition ne fait que déployer une
partie du contenu du sujet.
Les jugements mathématiques sont synthétiques, le prédicat est censé ajouter une
information concernant le sujet de la proposition, introuvable dans l'analyse de son contenu.
Une fois la profondeur de
l'idée de Kant reconnue, il faut signaler certains problèmes pour lesquels on ne trouve pas de solution aisée dans le.
»
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