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KANT: le monde est-il mauvais ?

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Que le monde est mauvais, c'est là une plainte aussi ancienne que l'histoire et même que la poésie plus vieille encore, bien plus, aussi ancienne que le plus vieux de tous les poèmes, la religion des prêtres. Pour eux tous néanmoins le monde commence par le Bien ; par l'âge d'or, la vie au Paradis, ou par une vie plus heureuse encore, en commun avec des êtres célestes. Toutefois ils font bientôt disparaître ce bonheur comme un songe ; et alors c'est la chute dans le mal (le mal moral avec lequel le physique alla toujours de pair) qu'ils font se précipiter en l'accélérant pour notre chagrin; en sorte que maintenant (mais ce maintenant est aussi vieux que l'histoire) nous vivons aux derniers temps, que le dernier jour et la fin du monde sont proches (...). L'opinion héroïque opposée qui s'est établie sans doute seulement parmi les philosophes et à notre époque notamment chez les pédagogues, est plus nouvelle, mais bien moins répandue, à savoir que : le monde progresse précisément en sens contraire, du mal vers le mieux, sans arrêt (il est vrai d'une manière à peine sensible) et que tout au moins on trouve une disposition à cet égard dans la nature humaine. KANT

« « Que le monde est mauvais, c'est là une plainte aussi ancienne que l'histoire et même que la poésie plus vieille encore, bien plus, aussi ancienne que le plus vieux de tous les poèmes, la religion des prêtres. Pour eux tous néanmoins le monde commence par le Bien ; par l'âge d'or, la vie au Paradis, ou par une vie plus heureuse encore, en commun avec des êtres célestes.

Toutefois ils font bientôt disparaître ce bonheur comme un songe ; et alors c'est la chute dans le mal (le mal moral avec lequel le physique alla toujours de pair) qu'ils font se précipiter en l'accélérant pour notre chagrin; en sorte que maintenant (mais ce maintenant est aussi vieux que l'histoire) nous vivons aux derniers temps, que le dernier jour et la fin du monde sont proches (...). L'opinion héroïque opposée qui s'est établie sans doute seulement parmi les philosophes et à notre époque notamment chez les pédagogues, est plus nouvelle, mais bien moins répandue, à savoir que : le monde progresse précisément en sens contraire, du mal vers le mieux, sans arrêt (il est vrai d'une manière à peine sensible) et que tout au moins on trouve une disposition à cet égard dans la nature humaine.

» KANT. Une plainte ancienne : le monde est mauvais Pour Kant, dire que « le monde est mauvais » est une plainte ancienne.

Celle des historiens qui appartiennent à notre temps, puis des poètes qui dépeignent des âges mythiques, enfin des prêtres présents dès le début de l'humanité. Pour tous ces plaignants, la méchanceté du monde est relative, elle s'inscrit dans le temps de l'histoire, elle s'oppose à un temps absolu, antérieur et extérieur au monde, qui mérite la majuscule : le Bien.

On le nomme l'âge d'or — et l'on songe ici à la formulation des poètes — ou le Paradis, et l'on songe ici à la formulation des prêtres.

Et si l'on peut pour ces songeries aller plus loin encore, ce temps, hors du temps, est celui d'une vie extraterrestre partagée avec des êtres célestes.

Kant rapporte cela, moqueur et en « distance ».

Il se contente de rapporter une croyance : « Pour eux tous...

» L'annonce de la fin du monde Il y a aussi une fiction sur l'après de ce monde mauvais, la fin du monde : « maintenant nous vivons aux derniers temps ».

Ce maintenant, aussi, « est aussi vieux que l'histoire ».

Il ne renvoie qu'à une actualité mythique qui n'est inscrite dans aucune histoire réelle en train de se faire.

Ce maintenant est une simple parole, qui ne témoigne d'aucune expérience, d'aucune réflexion, disqualifiant tous ceux qui se plaignent. L'opinion opposée : le monde progresse du mal vers le mieux À « l'opposé », Kant expose l'opinion selon laquelle « le monde progresse du mal vers le mieux ».

Cette opinion s'est constituée à la suite d'une réflexion de la part de philosophes, et peut-être même d'une pratique, celle de pédagogues qui traitent non de l'au-delà, mais des choses d'ici-bas.

Comment des pédagogues pourraient-ils exercer leur métier, s'ils ne croyaient pas — et ne constataient pas — une perfectibilité de l'esprit humain? Le monde progresse, mais la progression se fait d'une manière à peine sensible.

Il y a l'idée d'un temps qui indéfiniment se déroule, avec une lente progression vers le mieux, qui n'est pas le Bien, simple vision asymptotique d'une fin de l'histoire qui n'en finit pas d'advenir. Il y a en l'homme une disposition au bien, laissant espérer des progrès Mais voit-on ce progrès ? Il faut écarter de cette question, dit Kant, la démarche empirique, qui ne s'y retrouverait guère dans les hauts et les bas, les avancées et les reculs.

Car c'est d'une question de principe qu'il s'agit.

Et c'est là ce qui fait tout le prix de cette thèse selon laquelle le monde progresse du mal vers le bien.

Il y a, dit Kant, qui semble bien épouser cette position, dans la « nature humaine » une disposition à ce progrès.

On le sait par d'autres textes, il y a en l'homme une disposition à exister comme un être moral, respectueux de la loi et sensible au remords.

Donc une situation où « ne peut être greffé absolument rien de mauvais ». »

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