KANT: Le concept du bonheur est un concept indéterminé
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«
PRESENTATION DE "FONDEMENTS DE LA METAPHYSIQUE DES MOEURS" DE
KANT
Dans ce premier grand ouvrage consacré à la morale, Kant (1724-1804) se donne
pour tâche « la recherche et l'établissement du principe suprême de la moralité »
(Préface).
Son objectif n'est pas seulement spéculatif mais surtout pratique : il est
nécessaire de trouver le critère permettant à chacun d'apprécier clairement la
valeur morale de ses actions, car la moralité est sujette à corruption, souvent
confondue avec le calcul de nos intérêts ou la satisfaction de nos inclinations.
La
démarche de Kant va consister à s'affranchir de toute considération empirique
(psychologie, anthropologie...) pour dégager le fondement rationnel de la moralité.
En montrant que la moralité d'une action se mesure à la soumission de la volonté à
la forme universelle d'une loi a priori de la raison et qu'il faut distinguer la conduite
morale de la recherche du bonheur, il propose une approche radicalement nouvelle
du problème moral.
Accusé de formalisme et de rigorisme, Kant a ici le mérite de
fonder une éthique rationaliste à vocation universaliste.
Le philosophe allemand KANT a déjà rédigé son premier grand livre de métaphysique (ou plus exactement de
critique de la métaphysique), « Critique de la raison pure » (1781), lorsqu'il entreprend une première approche de
la morale avec les « Fondements de la métaphysique des mœurs » (1785) qui précéderont de trois ans son
grand ouvrage sur la morale : « Critique de la raison pratique » (1788).
On connaît le résultat de cette critique de la métaphysique : sur les questions de l'âme (le sujet profond de
notre expérience interne), du monde (le tout complet de la réalité, objet de notre expérience externe), et de Dieu
(considéré comme fondement suprême de la totalité des êtres), nous ne pouvons que nous livrer à des spéculations
métaphysiques qui dépassent les limites de l'expérience effective possible.
Un savoir métaphysique transcendant,
portant sur la réalité non sensible (les noumènes), est impossible.
Voilà ce que révèle la démarche critique, qui
s'interroge sur les conditions a priori de possibilité de la connaissance.
Une fois ce travail accompli, KANT cherche à
appliquer cette même méthode critique à la morale, en s'interrogeant cette fois sur les conditions de possibilité de
l'action morale.
C'est cette investigation qui fait le contenu des « Fondements de la métaphysique ».
Et passant en
revue les thèmes traditionnels de la philosophie morale, KANT ne manque pas de rencontrer la question du bonheur
et, dans la deuxième section de l'ouvrage (« Passage de la philosophie morale populaire à la métaphysique
des mœurs »), de mettre fortement en question cette notion en la rattachant non à la raison , mais seulement à
l'imagination : « Il n'y a pas à cet égard d'impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui
rend heureux, parce que le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des
principes empiriques, dont on attendrait vainement qu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte
la totalité d'une série de conséquences en réalité infinie.
»
« Un impératif qui puisse commander… » Ceci ne prend pleinement sens qu'à l'intérieur du système de KANT.
On
sait que pour lui, dans la nature, toute chose agit d'après des lois.
Mais notre monde humain n'est pas seulement
celui de la nature, il est bien plus spécifiquement celui de la culture.
Les hommes ne sont pas des choses, mais des
êtres raisonnables, qui n'agissent pas tellement sous la pression des contraintes de la nature mais bien plutôt selon
leur volonté.
Autrement dit, dans leurs actions, les hommes ont la capacité d'agir selon des principes, selon la
représentation qu'ils se font de ce qui est raisonnable.
Eux aussi (comme les choses de la nature) obéissent à des
lois, mais en tant qu'êtres de culture ils obéissent consciemment à des lois qu'ils se sont données eux-mêmes et qui
sont conformes à la raison.
Le malheur de l'homme tient à ce qu'il n'est pas entièrement un être raisonnable, qu'il
n'est pas totalement déterminé dans ses actions par la représentation objective du bien.
Entre la loi et lui (cad son
vouloir) doit s'interposer le devoir qui s'exprime par des impératifs.
Mais KANT opère la distinction entre des impératifs hypothétiques et des impératifs catégoriques.
A chaque fois,
il s'agit de l'homme conçu comme un sujet capable d'être déterminé pratiquement par la raison, et se posant la
question de savoir si l'action qu'il va entreprendre est bonne ou non.
Ou bien cette action est bonne comme un
moyen obligé pour obtenir quelque chose d'autre, et l'impératif (qui est la formule par laquelle est déterminé l'action)
est un impératif hypothétique.
Ou bien l'action qui doit être accomplie est bonne « en soi », elle est nécessaire par
elle-même, elle est sans rapport avec un autre but, et l'impératif qui la commande est catégorique.
Le détour par cette grille conceptuelle est nécessaire pour comprendre ce qu'il en est du bonheur dans le
système de KANT.
Il faut savoir aussi que KANT distingue, parmi les impératifs hypothétiques, ceux qu'il appelle
« problématiques » (se rapportant à une fin seulement possible) et ceux qu'il appelle « assertorique » (se rapportant
à une fin réelle).
En effet ,il dit : « Il y a une fin que l'on peut supposer réelle chez tous les êtres raisonnables, […]
un but qui n'est pas pour eux une simple possibilité, mais dont on peut certainement admettre que tous se le
proposent effectivement en vertu d'une nécessité naturelle, et ce but est le bonheur.
L'impératif hypothétique qui.
»
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