KANT: le ciel et la loi morale
Extrait du document
«
« Le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi.
» KANT.
C’est dans la « Critique de la raison pratique » que Kant écrit : « Deux choses remplissent
le cœur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croissante […]
le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi ».
Ainsi l’homme appartient-il à deux
mondes ; le monde naturel et le monde moral, le monde du déterminisme et le monde de la
liberté.
Dans la phrase : « Le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi », le ciel étoilé
représente la légalité et la nécessité du monde extérieur, du monde offert aux sens, et la
loi morale en moi « commence au moi invisible », et « élève infiniment ma valeur ».
L’homme
est ainsi soumis à une double légalité, naturelle et morale.
La philosophie de Kant en un sens rend compte des acquis de la physique de Newton.
Newton réalise le premier système rendant compte de la totalité du monde réel, et dans
lequel les lois de la physique astronomique et de la physique terrestre peuvent se déduire à
partir de la loi mère de la gravitation.
La totalité du monde des phénomènes apparaît régie par la légalité et soumise au
déterminisme.
Kant, dans la « Critique de la raison pure » établit les fondements de cette connaissance scientifique du
monde naturel, aussi bien contre les prétentions de la métaphysique traditionnelle qui croit connaître l’âme et Dieu, que
contre les assauts sceptiques, qui tentaient de détruire nos exigences d’un savoir fondé.
Mais l’homme s’inscrit alors lui-même dans le monde des phénomènes et apparaît soumis au déterminisme naturel.
« Le premier spectacle d’une multitude innombrable de mondes, anéantit pour ainsi dire mon importance, en tant que je
suis une créature animale qui doit rendre la matière dont elle est formée à la planète, après avoir été pendant un court
espace de temps (on ne sait comment), douée de la force vitale.
»
Si l’homme s’inscrivait uniquement dans le monde naturel, où tout acte est soumis à la causalité et se comprend
comme l’effet d’une cause antérieure, toute prétention à la liberté serait ruinée.
Je ne serais qu’une « créature animale
».
Je ne pourrais jamais penser une de mes actions comme libre ; je ne pourrais jamais me penser comme capable de
commencer une action par moi-même (mon acte étant le résultat d’une cause naturelle antérieure).
Ainsi étudiant les fondements de la morale dans la « Critique de la raison pratique », Kant parvient-il à saisir l’homme
comme libre, cad s’élevant au-dessus du déterminisme naturel.
La loi morale en moi « élève infiniment ma valeur,
comme celle d’une intelligence par ma personnalité dans laquelle la loi morale me manifeste une vie indépendante de
l’animalité et même de tout le monde sensible ».
Trois questions, dit Kant dans la « Critique de la raison pure », résument l’ensemble des intérêts humains : « Que puisje connaître ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ? »
Ces questions fusionnent dans cette dernière : « Qu’est-ce que l’homme ? ».
Or la réponse Kantienne prétend sauver à la fois les droits de la connaissance scientifique, cad légale et nécessaire du
monde naturel d’une part et les droits de la morale, cad de la liberté humaine d’autre part.
L’homme doit se penser à la
fois comme être naturel et soumis à la nécessité, à la causalité qui régit le monde physique et à la fois comme être
moral, responsable de ses actes, cad libre de les poser ou non, et échappant par là au déterminisme naturel.
Cependant, en tant qu’homme libre et dépassant le déterminisme naturel, il est inconnaissable.
L’articulation entre ce
que je peux connaître de moi-même comme être naturel d’une part, et la possibilité de me penser comme sujet moral
d’autre part, se délivre dans cette phrase : « J’ai dû abolir le savoir afin d’obtenir une place pour la croyance.
»
Ce qui ne signifie pas que Kant aurait volontairement posé des limites au savoir.
Bien au contraire, les limites du savoir,
du connaître, ont une contrepartie positive : la possibilité de me penser comme sujet moral.
La métaphysique traditionnelle prétend fournir des connaissances réelles sur la liberté, Dieu & l’âme.
Elle prétend
prouver que l’âme est immortelle, que Dieu existe.
Or, Kant montre que ces prétentions sont absurdes, dans la mesure
où il n’y a pas de connaissances réelles en dehors des limites d’une expérience possible.
Quand la métaphysique entend
fournir des connaissances sur Dieu ou l’âme, elle s’engage dans des antinomies, cad qu’on peut tout aussi bien «
prouver » une thèse que son antithèse : on sort des limites de la connaissances.
Nous ne pouvons connaître que des phénomènes, cad les choses en tant qu’elles sont perçues et pensées par nous.
Pour qu’une connaissance soit réelle, il faut d’une part qu’une matière soit donnée, nous soit fournie, affecte le sujet.
Mais il faut d’autre part que cette matière soit organisée par la structure sensible du sujet et pensée au travers de
cadres conceptuels subjectifs.
Or, notre sensibilité est d’abord spatiale et temporelle.
Toute chose est appréhendée
par nous dans l’espace et le temps.
Quand donc la métaphysique entend traiter de l’immortalité, de Dieu, de l’origine du
monde, elle sort des limites d’une expérience possible, et tient des discours contradictoires.
Autrement dit, sur notre liberté, notre destination, la raison ne peut rien prouver.
Tout ce que nous pouvons connaître,
ce sont des phénomènes naturels, le monde extérieur, où nous-mêmes comme objets.
Or, tout ceci ne confère au
monde et à nous-mêmes aucune valeur.
Mais il existe un usage non plus spéculatif mais pratique de la raison.
Il y a, dit Kant, un « fait de raison » : la loi
morale s’impose à chacun.
Par exemple, dit Kant, si le pouvoir politique m’ordonne en me menaçant de porter un faux
témoignage contre un innocent, je sais que je ne peux assurer que j’agirai comme je le dois.
Autrement dit, chacun a
conscience du devoir.
C’est un fait.
Or cette conscience ne peut s’expliquer que parce que je suis libre.
Si la raison théorique ne peut jamais prétendre
prouver que l’homme est libre, qu’il a le pouvoir d’exécuter par lui-même une action sans céder au déterminisme
naturel, si elle sombre face à ce problème dans la contradiction, la loi morale, elle, ne s’explique que par la liberté.
Autrement dit, il y a un usage pratique de la raison qui dépasse l’usage théorique, qui me révèle à moi-même non plus.
»
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