KANT: le beau et l'humain
Extrait du document
«
PRESENTATION DE LA "CRITIQUE DE LA FACULTE DE JUGER" DE KANT
Dans cette troisième et dernière Critique, Kant (1724-1804) obéit à des motifs apparemment disparates.
Un
objectif interne de complétude architecturale : il s'agit de trouver un moyen terme de liaison entre le monde
nouménal de la liberté transcendantale constitué par la raison dans son usage pratique et le monde naturel de
la nécessité mécanique constitué par l'entendement, moyen terme qui permettrait de saisir dans le monde les
effets de la liberté.
Ce moyen terme, Kant va le trouver dans le concept de finalité, concept privilégié d'une
faculté de juger, intermédiaire entre raison et entendement.
L'harmonie présente dans ce qui nous frappe par
sa beauté ou dans les êtres vivants, et qui semble obéir à une volonté, paraît établir un pont entre le monde
physique et le monde nouménal.
De manière plus large, Kant prend ici en charge certains des débats majeurs et
des innovations du siècle : la naissance de l'esthétique comme réflexion sur le jugement de goût qui date du
milieu du siècle et qui accompagne l'autonomisation concomitante du champ artistique, mais aussi les
controverses scientifiques sur la spécificité du vivant par rapport à la nature purement mécanique, débat lui
plus ancien et qui remonte au moins au mécanisme du xviie siècle.
"Le beau n'a de valeur que pour l'homme." KANT
C'est dans la dernière des trois critiques, La « Critique de la faculté de juger » (1
790), que Kant (1724-1804) étudie l'esthétique.
(En particulier, la première partie
de ce texte est consacrée à l'esthétique au sens moderne: la théorie de l'art.) Il
déclare, dès le paragraphe V:
« La beauté n'a de valeur que pour les hommes, c’est-à-dire des êtres d'une nature
animale, mais cependant raisonnables, et cela non pas seulement en tant qu'êtres
raisonnables, mais aussi en même temps en tant qu'ils ont une nature animale.
»
La beauté ne s'adresse donc qu'à l'homme, c'est-à-dire à l'homme dans sa totalité;
elle met en jeu l'ensemble de notre nature et de nos facultés'.
« Le beau n'a de valeur que pour l'homme » semble une phrase banale.
Cependant,
Kant entend montrer que la beauté produit en nous un type de plaisir spécifique, le
seul plaisir désintéressé et libre que l'on rencontre en l'être humain.
S'il n'y a de
beauté que pour l'homme, c'est que celui-ci n'est pas seulement un être rationnel, c'est-à-dire moral, ni
seulement un être sensible, animal.
L'homme est à la fois raisonnable et sensible, raisonnable et fini.
Or, seule la beauté concerne l'homme dans son « intégralité », mettant en jeu ses sens et sa raison.
La beauté
appartient à la sphère véritablement et uniquement
humaine: il n'y a pas de beau pour un pur esprit, ni pour un animal.
En un sens la beauté nous révèle ce qu'est
l'homme, et, comme on le verra, ce qu'est appartenir à une communauté humaine.
Mais si ressentir la beauté est une spécificité de l'être à la fois raisonnable et fini, si seul l'homme peut
prononcer un jugement de goût (le jugement « c'est beau »)
« Le goût rend pour ainsi dire possible, sans saut trop brusque, le passage de l'attrait sensible à l'intérêt moral
habituel.
»
L'analyse de notre capacité de juger, et plus encore du jugement proprement esthétique, laisse entrevoir la
possibilité d'un passage et non plus d'une opposition entre la sensibilité et la raison, notre statut d'animal et
notre personnalité morale.
Kant part de l'analyse du jugement de goût.
Il s'interroge sur la signification et la possibilité des jugements du
type « c'est beau ».
Or, cette analyse met en évidence des propriétés singulières de ce jugement.
D'une part
le plaisir, la satisfaction prise à la beauté est tout à fait particulière, et ne se confond en rien avec le plaisir
pris à l'agréable ou au bon.
D'autre part, le jugement de goût présente ce paradoxe d'être à la fois toujours
singulier et de réclamer l'adhésion de tous.
« Si l'on me demande si je trouve beau le palais que je vois devant moi, je puis sans doute répondre: "je n'aime
pas ce genre de choses qui ne sont faites que pour les badauds", ou encore répondre comme ce sachem
iroquois qui n'appréciait à Paris que les rôtisseries, je peux encore déclamer, tout à la manière de Rousseau,
contre la vanité des grands qui abusent du travail du peuple pour des choses aussi inutiles .
On peut
m'accorder tout cela et l'approuver; toutefois la question n'est pas là.
On désire seulement savoir si la seule
représentation de l'objet est accompagnée en moi par une satisfaction, aussi Indifférent que je puisse être à
l'existence de l'objet de cette représentation.
»
Cet exemple signifie que je peux bien juger une chose inutile, désagréable, immorale, tout cela n'a rien à faire
avec la beauté.
La satisfaction que j'éprouve face à la beauté est désintéressée: nulle utilité matérielle, morale
ou d'agrément ne peut en rendre compte.
La seule chose que je doive prendre en compte est l'effet de la
représentation de l'objet en moi : produit-elle ou pas un plaisir?
De plus, continue Kant:
« Lorsqu'il s'agit de ce qui est agréable, chacun consent à ce que son jugement, qu'il fonde sur un sentiment
personnel, et en fonction duquel il affirme d'un objet qu'il lui plaît, soit restreint à sa seule personne.
»
Si je dis « tel plat, le son de tel instrument, le parfum de telle fleur, telle couleur, est agréable », j'admets
qu'on me corrige et qu'on me fasse remarquer que je dois dire « Telle chose m'est agréable ».
Bref, chacun
consent à ce que le plaisir provenant des sens soit restreint à sa seule personne, soit seulement individuel,.
»
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