Kant: L'asociale sociabilité de l'homme
Extrait du document
«
Chaque homme est partagé par la tendance contradictoire d'entrer en société, de rechercher le commerce de
ses semblables, et de les fuir ou de nourrir à leur égard des sentiments peu charitables.
L'état de société est
une nécessité pour chacun qui peut ainsi seulement développer ses propres dispositions, mais chacun
recherche aussi l'isolement de ses semblables pour garder le sentiment de pouvoir tout diriger à sa guise.
Autrui s'oppose à la libre tendance de chacun à suivre ses propres penchants.
Cette résistance que nous
exerçons les uns vis à vis des autres éveille nos propres forces pour surmonter la paresse, et chercher le
pouvoir de domination.
Le tissu social se forme par l'antagonisme d'intérêts.
Chacun lutte contre ses
semblables pour se frayer sa propre place.
Ce n'est pas de bon gré que nous vivons en société, mais par
nécessité ou contrainte.
L'homme peut être défini par son asociale sociabilité.
L'état idyllique de concorde, de
paix, d'harmonie et d'amour, pour être un bel idéal, n'en est pas moins pratiquement impossible.
Une
existence douce ressemblerait à celle d'un troupeau domestique, et l'homme ne tendrait pas vers la fin de sa
propre nature d'être raisonnable.
Les "mauvais" penchants de l'homme (l'intérêt, l'égoïsme, le goût du lucre,
la passion du pouvoir, la vanité, etc.) sont des aiguillons qui nous incitent à nous dépasser pour accéder à des
qualités meilleures.
Le négatif est la condition du positif.
C'est ainsi que la nature nous arrache à notre inertie
et à notre état de satisfaction passive, nous pousse au travail et à la peine pour nous donner les moyens de
nous en libérer.
KANT (Emmanuel).
Né et mort à Königsberg (1724-1804).
Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à l'Université de
Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.
En 1755, il est privat-dozent de l'Université de sa
ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques et de philosophie.
En 1770, il devient titulaire de la chaire de
logique et de métaphysique.
Il vécut dans une demi-retraite pendant onze ans ; puis, commença la publication de ses grands livres, les
trois Critiques.
La Révolution française l'enthousiasma, et l'on raconte qu'il ne se détournait de sa promenade, minutieusement réglée,
que pour en aller apprendre les nouvelles.
Il fut, en 1793, réprimandé par Frédéric-Guillaume II pour deux ouvrages sur la politique et la
religion.
A la mort du Roi, il reprit sa plume et dévoila l'affaire.
Kant mourut le 12 février 1804, après une très longue agonie.
— A ses
débuts, Kant fut un disciple de Leibniz et de Wolff.
Il considère la science comme un fait, dont la possibilité, plus que l'existence, doit nous
préoccuper.
La lecture de Rousseau lui fait aussi considérer la moralité comme un fait.
Nous retrouvons, en conclusion du système
kantien, comme postulats, les croyances dont Kant a ruiné la valeur dogmatique.
Lui-même a défini son entreprise ainsi : « J'ai remplacé
le savoir par la foi.
» — Le monde sensible est seul donné à notre expérience et à notre connaissance : ce sont les faits, les données de la
sensation.
Le monde intelligible est une« illusion théorique».
Le pouvoir de la raison pure est illusoire.
Les principes de l'entendement pur
ne sont pas applicables aux noumènes, mais seulement aux phénomènes ; c'est la dialectique transcendante.
La raison doit reconnaître
ses propres limites ; limiter la raison, c'est réaliser son objectivité.
— La connaissance se ramène à deux éléments : le monde sensible,
ou phénomènes liés à l'espace et au temps et le monde intelligible, ou chose en soi, noumènes, pur objet de pensée.
L'intuition et le
concept sont les sources de la connaissance.
— Mais, intellectuellement, il nous est impossible de parvenir à la connaissance du monde
intelligible.
— L'espace et le temps sont les conditions de toute connaissance ; pour qu'un objet possède une réalité objective, il faut qu'il
soit placé dans l'espace et le temps.
L'espace et le temps sont les formes a priori de toutes les données empiriques.
C'est ce qu'analyse
Kant dans son esthétique transcendantale ou analyse de la sensibilité.
Les représentations données par ces deux éléments sont liées
entre elles par la raison finie, à l'aide des catégories, ou principes de l'entendement pur.
Les catégories (analytique transcendantale) qui
dessinent les limites de la vérité, sont les produits d'une force et non pas l'attribut d'une substance.
Elles sont posées à l'occasion de
l'expérience, mais la dépassent.
La quantité, la qualité, la relation et la modalité sont les classes de jugement ; chaque classe renferme
trois catégories (concepts fondamentaux a priori de l'entendement pur).
Quantité : unité, totalité, pluralité.
Qualité : réalité, négation,
limitation.
Relation : substance, causalité, réciprocité.
Modalité : possibilité, existence, nécessité.
— L'analytique et la dialectique
constituent la logique transcendantale.
La raison a une destinée pratique, une faculté d'agir.
Si la raison pure théorique est illusoire, la
raison pure pratique est infaillible Elle est liberté, elle se donne à elle-même ses propres règles morales, qui définissent son autonomie.
—
Il y a en l'homme une tendance naturelle au désordre et au péché : cette tendance est servitude.
La liberté devient donc un
commandement, un impératif à nous adressé ; elle est la raison d'être de la règle morale.
Le devoir, loi imposée par la raison à la
volonté, est la façon que nous avons de connaître la liberté.
L'impératif (le la moralité est catégorique, absolu, inconditionnel, universel.
«
Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en une loi universelle.
» Cette maxime de l'action a pour
objectif une fin en soi, qui est l'être raisonnable.« Agis de telle sorte que tu traites toujours l'humanité, en toi-même et en autrui, comme
une fin et jamais comme un moyen.
» Dans ce monde idéal, cette république des fins, « chaque citoyen serait à la fois législateur et sujet
».
Donc, « agis comme si tu étais législateur et sujet dans la république des volontés libres et raisonnables ».
— L'homme étant
naturellement porté vers le désordre, ne peut accomplir ces impératifs catégoriques qu'imparfaitement.
De cette imperfection, naît le
conflit religieux.
Aux principes généraux de la raison pratique, sont liés des postulats.
« L'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme sont
les postulats qui garantissent à la raison pratique l'utilité de son effort.
La croyance rétablit ce dont la raison pure théorique n'avait pu
fournir aucune preuve valable.
» — Kant analyse d'autre part la notion du beau et la notion de la finalité.
Le beau est ce qui plaît
universellement sans concept ; c'est aussi une finalité sans fin.
L'idée de finalité a une valeur subjective ; le principe théologique a une
nécessité entièrement relative à la constitution de notre esprit, qui pose ce principe : « Rien n'existe en vain.
» — Kant demeure l'un des
plus grands philosophes de tous les temps ; son influence fut considérable au rixe siècle, et se poursuit de nos jours.
On ne peut
désormais plus se livrer à des études philosophiques sans rencontrer, d'une façon ou d'une autre, la pensée de Kant..
»
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