Kant: l'art et le beau ou le jugement de goût
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Au début de la « Critique du jugement » Kant propose quatre définitions du beau qui définissent le plaisir éprouvé et
partent donc du sujet et non de l'objet.
·
Première définition : « Est beau l'objet d'une satisfaction désintéressée ».
La satisfaction est désintéressée, ce qui signifie que nous ne pouvons l'éprouver que si nous sommes dans un certain
état d’esprit par rapport à l'objet.
Kant ne veut pas dire que la beauté ne nous intéresse pas, que nous sommes
indifférents mais que le plaisir esthétique naît lorsque nous n'avons pas le souci de l’utilité (celui qui va en mer dans le
seul but de pêcher, qui porte sur elle un regard de technicien, n'éprouvera pas de plaisir esthétique), de l'agréable (
celui qui porte un regard lubrique sur un Nu, éprouve une satisfaction charnelle qui est d'un autre ordre que la
satisfaction esthétique), du bien ( celui qui apprécie une œuvre engagée en raison de son caractère moral, éprouve
une satisfaction morale qui n'est pas esthétique).
Le beau n'est ni l'agréable ni le Bien.
Certes une satisfaction peut
être morale et esthétique, les deux ne s'excluent pas mais en tant qu'esthétique, elle n'est pas morale.
A l’encontre
de Platon, Boileau, Hegel, Kant affirme que le beau n'est pas le vrai.
Mais il n'est pas non plus le pur sensible puisque
le beau ne se réduit pas à l'agréable bien que satisfaction esthétique et sensuelle ne s'excluent pas.
Et de cela Hume
ne peut rendre compte.
De même qu'une œuvre d'art immorale peut être belle, de même, peut l'être une œuvre
désagréable, qui nous déchire et bouleverse.
Et inversement, une musique agréable (par les sonorités, le passé qu'elle
évoque) n'est pas belle pour autant bien que nous ayons tendance à confondre beauté et agrément.
Par conséquent,
le plaisir esthétique est le seul plaisir libre.
Il n'est pas l'effet de la satisfaction de quelque chose, du besoin du corps
ou d'une impératif de la raison.
Libre parce que désintéressé.
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Ø
Ø
Deuxième définition : « Est beau ce qui plaît universellement sans concept ».
« Ce qui plait universellement »: Le fait que cette satisfaction soit universelle, valable pour tous découle de la
première définition.
En effet nous avons vu qu’être sensible à la beauté relève d'une sensibilité purifiée de la
convoitise, de la crainte, du désir, du confort ...
bref de tous les intérêts particuliers.
Ce plaisir éprouvé n'est donc
pas celui d'un sujet enfermé dans sa particularité et ce dernier peut à juste titre dire: « c'est beau », comme si la
beauté était dans l'objet.
Il peut légitimement s'attendre à ce que tout autre éprouve la même satisfaction.
« sans concept »: « L'assentiment universel est seulement une Idée ».
Il n'y a pas de preuve pratique ou
conceptuelle de la beauté.
On juge et on sent que cette musique ou cette montagne sont belles mais on ne peut le
prouver.
Il n'y a pas de règles a priori du beau.
En langage kantien, le sujet esthétique n'est pas législateur.
En
science le sujet légifère, retrouve dans la nature les règles nécessaires, universelles qu’il y a mises pour connaître
quelque chose.
En art le sujet ne peut légiférer car le jugement porte sur un objet singulier, telle fleur, telle œuvre
musicale.
S' il veut trouver quelque chose d'universel dans cette rose-ci, il faudra qu’il l'envisage sous l'aspect du
règne végétal ou de la fleur en général; s’il veut trouver quelque chose d’universel dans une musique, il faudra qu’il
l'envisage sous l'angle des règles de composition.
Il aura des concepts mais point de beauté: « quand on juge des
objets simplement par concepts toute représentation de la beauté se perd ».
C'est ce qui peut arriver quand un
traque d'art explique un poème...
Comme la beauté est toujours saisie sur un objet concret, matériel, singulier, il
n'y a pas de règles universelles du beau.
Le jugement de goût n'est pas un jugement de connaissance.
· Troisième définition : « La beauté est la forme de la fïnalité d'un objet en tant qu’elle y est perçue sans la
représentation d'une fin ».
Ce qui est beau a l'apparence de la finalité.
Chaque élément semble concourir à l'effet d'ensemble, qu'il s'agisse d'un
paysage, d’un tableau, d'une musique.
Cette finalité ne se ramène pas au critère classique de la perfection puisque
celle-ci suppose Inadéquation de ce qui est à l'idée ou concept.
Or, nous venons de le voir, le jugement de goût est
toujours particulier et ne procède pas par concepts.
Cette finalité est sans fin.
On ne peut lui assigner une fonction.
La forme finale de l'objet a l'apparence de la gratuité.
Les êtres vivants ont aussi la forme de la finalité mais cette
finalité n'est pas sans fin puisque les parties concourent à une fin, la survie.
Cette troisième définition montre que
Kant ne définit pas la beauté à partir de la seule qualité de l'émotion.
La beauté n'est pas que dans le sujet.
Tout
n'est pas beau, tout n'est pas susceptible de produire le plaisir esthétique, cela ne dépend pas de la seule disposition
intérieure.
D’où vient le plaisir?
·
d’un objet dont la forme finale peut paraître gratuite, ce qui nous prédispose au désintéressement.
Ainsi une
machine à café dont toutes les parties sans exception sont subordonnées à sa fonction de faire le café ne peut
être jugée belle et notre rapport à elle ne sera qu'utilitaire.
Par contre la nature est telle que nous pouvons soit la
contempler soit l'utiliser.
·
d'un objet qui a une forme finale.
Pourquoi la juxtaposition d'éléments ne se prête-t-elle pas au plaisir esthétique?
Parce qu’il est impossible de lui assigner un sens.
Kant ne veut absolument pas dire que la belle nature ou œuvre d'art
ont un sens.
Elles n'ont pas un sens mais elles sont belles dans la mesure où il est possible de leur donner du sens
c'est à dire un sens qui ne s'épuisera jamais, qui suscitera toujours de nouvelles interprétations (cf.
votre pratique de
l’analyse littéraire: le texte n'est pas l'objet d'une connaissance mais d'une interprétation qui peut indéfiniment
s'enrichir).
Un plaisir esthétique a sa source « dans le libre jeu de l'imagination et de l'entendement ».
Libre jeu car
l'imagination n'est pas subordonnée à l'entendement comme dans la connaissance où elle doit se plier à ses règles : si
elle ne s'y plie pas elle divague, elle rêve, elle entrave la connaissance.
Face au beau qui n’est pas l'objet d’un
jugement de connaissance (en langage kantien déterminant ) l'accord entre l'imagination et l'entendement ne suit
aucune règle.
Par exemple lorsque nous écoutons une œuvre musicale, nous associons aux sons des images, ces
images s'organisent et prennent un sens mais d'autres associations seraient possibles, un autre sens pourrait jaillir et.
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