KANT: L'agréable, le beau, le bon et le plaisir
Extrait du document
«
« L'agréable, le beau, le bon désignent [...] trois relations différentes des
représentations au sentiment de plaisir et de peine, en fonction duquel nous
distinguons les uns des autres les objets ou les modes de représentation.
Aussi
bien les expressions adéquates pour désigner leur agrément propre ne sont pas
identiques.
Chacun appelle agréable ce qui lui FAIT PLAISIR, beau ce qui lui PLAÎT
simplement ; bon ce qu'il ESTIME, approuve, c'est-à-dire ce à quoi il attribue une
valeur objective.
L'agréable a une valeur même pour des animaux dénués de
raison : la beauté n'a de valeur que pour les hommes, c'est-à-dire des êtres d'une
nature animale, mais cependant raisonnables (par exemple des esprits), mais
aussi en même temps en tant qu'ils ont une nature animale ; le bien en revanche a
une valeur pour tout être raisonnable.
Cette proposition ne pourra être
complètement justifiée et éclaircie que plus tard.
On peut dire qu'entre ces trois
genres de satisfactions, celle du goût pour le beau est seule une satisfaction
désintéressée et libre ; en effet, aucun intérêt, ni des sens, ni de la raison, ne
contraint l'assentiment.
C'est pourquoi l'on pourrait dire de la satisfaction que,
dans les trois cas indiqués, elle se rapporte à l'inclination, à la faveur ou au respect.
La FAVEUR est l'unique satisfaction libre.
Un objet de l'inclination ou un objet qu'une loi de la raison nous
impose de désirer, ne nous laisse aucune liberté d'en faire pour nous un objet de plaisir.
Tout intérêt
présuppose un besoin ou en produit un, et comme principe déterminant de l'assentiment, il ne laisse plus le
jugement sur l'objet être libre.
» KANT.
Il s'agit de distinguer rigoureusement les satisfactions que donnent l'agréable, le beau et le bon afin d'établir la thèse
fondamentale : le jugement de goût est désintéressé ; il se situe dans un « ordre » propre, celui, spécifique, de
l'homme qui n'est « ni ange ni bête ».
> Avec Kant commence le monde moderne :
1) L'alliance traditionnelle entre la science, la vertu et le bonheur mais aussi entre le sensible et le supra-sensible,
entre le kalos (le beau) et l'agathos (le bien) a éclaté.
2) Le sujet esthétique est le seul à échapper à cette dislocation, c'est le seul sujet concret, le seul sujet en qui l'esprit
et la chair sont réconciliés.
Voilà pourquoi l'impression de beauté est toujours menacée par un excès sensoriel (de
l'impressionnisme à la musique concrète) ou spéculatif (du cubisme à l'art conceptuels).
3) Le sujet esthétique est le seul sujet libre entièrement émancipé des contraintes ou des obligations de la morale
(lorsque j'obéis à la loi de ma raison mes inclinations sensibles subissent un préjudice) comme de la tyrannie des
instincts, d'où le rapprochement de l'art et du jeu qui seuls nous donnent l'idée 1 d'une société où l'homme serait
vraiment libre (Schiller, Lukacs).
4) L'agréable (comme toutes les impressions des sens) est incommunicable, le bien, lui, est communicable mais il ne
concerne que la raison en nous, seul le beau réalise une communication effective entre des sujets concrets.
5) Dans la sphère pratique (ou morale) comme dans la sphère pragmatique (liée à la satisfaction de mes besoins) je
porte un intérêt à l'existence de l'objet ; ainsi, pour reprendre l'exemple de Kant (§2), je peux juger beau ce palais
même si sa construction a supposé l'exploitation du peuple (question pratique) et alors que l'idée de l'habiter pourrait
paraître saugrenue (question pragmatique) ; à la limite le palais peut être une représentation imaginaire puisque l'idée
d'une appropriation quelconque de son objet n'entre pas en ligne de compte.
Le rapport pragmatique aussi bien que le
rapport théorique à la chose sont des rapports de violence et d'appropriation : seul le rapport esthétique est innocent
au sens étymologique puisqu'il laisse-être la chose sans lui nuire (nocere), sans la ruiner ou la sacrifier.
C'est ce
rapport privilégié et libre que Kant appelle contemplation.
KANT (Emmanuel).
Né et mort à Königsberg (1724-1804).
Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à
l'Université de Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.
En 1755, il est
privat-dozent de l'Université de sa ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques et de
philosophie.
En 1770, il devient titulaire de la chaire de logique et de métaphysique.
Il vécut dans une demi-retraite
pendant onze ans ; puis, commença la publication de ses grands livres, les trois Critiques.
La Révolution française
l'enthousiasma, et l'on raconte qu'il ne se détournait de sa promenade, minutieusement réglée, que pour en aller
apprendre les nouvelles.
Il fut, en 1793, réprimandé par Frédéric-Guillaume II pour deux ouvrages sur la politique et la.
»
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