KANT: La théorie empirique de l'âme
Extrait du document
«
"La théorie empirique de l'âme doit rester éloignée du rang de science de la nature
à proprement parler, premièrement parce que les mathématiques ne sont pas
applicables aux phénomènes du sens interne et à leurs lois, à moins de vouloir
appliquer exclusivement la loi de continuité à l'écoulement des changements
internes de ce sens; mais ce serait là une extension de connaissance qui, en
comparaison avec l'ex-tension qu'apportent les mathématiques à la théorie des
corps, correspondrait à à peu près des propriétés de la ligne droite comparée à la
géométrie tout entière.
Car l'intuition interne pure, dans laquelle les phénomènes
de l'âme doivent se construire, est le temps qui n'a qu'une dimension.
D'autre part, la théorie empirique de l'âme ne pourra même jamais se rapprocher
de la chimie comme art de décomposition systématique ou comme théorie
expérimentale; car la diversité de l'observation interne ne se laisse décomposer
que grâce à une simple distinction de pensée, qui ne permet pas de maintenir les
éléments décomposés et de recomposer à volonté; il est encore moins possible de
soumettre un autre sujet pensant à des expériences appropriées à notre but, et
même l'observation à elle seule altère et transforme déjà l'état de l'objet observé.
La théorie de l'âme ne pourra jamais devenir plus qu'une théorie historique de la nature portant sur le sens
interne, de la manière la plus systématique possible, mais non une science de l'âme, ni même une théorie
psychologique expérimentale." KANT.
VOCABULAIRE:
EMPIRIQUE (adj.): Qui découle de l’expérience ou qui ne se règle que sur elle.
Le savoir empirique découle
largement de l’habitude, qui lui permet de repérer des régularités dans l’expérience (par exemple, telle plante soulage
toujours telle douleur).
Ce savoir s’obtient par tâtonnements, par essais et erreurs, mais ce n’est pourtant pas un
savoir scientifique ou expérimental.
En effet, il ne sait pas vraiment expliquer ce qu’il observe, il ignore les causalités
réellement agissantes (par exemple, l’action physique-chimique de la plante dans l’organisme).
Kant explique dans ce texte pourquoi la psychologie ne peut être une science de la nature.
Avant tout, rappelez-vous
que, pour Kant, la psychologie a pour objet le sens interne tel que l'introspection nous le révèle, c'est-à-dire ce que
nous pensons et éprouvons (par opposition aux sens externes par lesquels nous percevons les objets physiques qui
agissent sur nos sens).
Une raison est avancée dans chaque paragraphe.
Tout d'abord, les mathématiques ne sont pas
applicables aux événements du sens interne.
Les sens externes représentent les objets dans l'espace : il est donc
possible de leur appliquer les mathématiques.
En revanche, les événements du sens interne ne sont pas spatiaux, mais
se déroulent simplement dans le temps qui n'a qu'une dimension : il va du passé au présent.
On ne peut donc pas
appliquer les principes mathématiques au sens interne.
Mais, il n'y a pas de science sans mathématiques.
Donc, la
psychologie n'est pas une science de la nature.
En outre, la référence à la loi de continuité doit être comprise ainsi :
nous savons a priori qu'il n'y a pas de solution de continuité dans l'expérience : tout événement suit toujours un autre
événement et dépend de lui.
Cette loi s'applique aussi bien au sens interne qu'au sens externe.
Dans le second
paragraphe, Kant compare la psychologie à une autre science dépourvue de principes a priori, la chimie.
Les conditions
de l'expérimentation sont différentes : l'observation en psychologie ne peut même pas produire une véritable théorie
expérimentale, comme l'est la chimie, parce qu'elle ne porte pas sur des objets externes et stables, mais est interne et
inconstante.
Kant conclut donc sur le statut historique de la psychologie : l'histoire s'oppose à l'expérimentation, et
n'est qu'une simple description, par opposition à la production de généralités empiriques.
KANT (Emmanuel).
Né et mort à Königsberg (1724-1804).
Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à
l'Université de Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.
En 1755, il est
privat-dozent de l'Université de sa ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques et de
philosophie.
En 1770, il devient titulaire de la chaire de logique et de métaphysique.
Il vécut dans une demi-retraite
pendant onze ans ; puis, commença la publication de ses grands livres, les trois Critiques.
La Révolution française
l'enthousiasma, et l'on raconte qu'il ne se détournait de sa promenade, minutieusement réglée, que pour en aller
apprendre les nouvelles.
Il fut, en 1793, réprimandé par Frédéric-Guillaume II pour deux ouvrages sur la politique et la
religion.
A la mort du Roi, il reprit sa plume et dévoila l'affaire.
Kant mourut le 12 février 1804, après une très longue.
»
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