KANT et le plan caché de la nature
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«
PRESENTATION DE "IDEE D'UNE HISTOIRE UNIVERSELLE D'UN POINT DE VUE COSMOPOLITIQUE" DE KANT
Cet opuscule marque la première intervention de Kant (1724-1804) dans les débats de ses contemporains sur l'histoire.
Il défend la croyance au progrès de l'humanité contre les ennemis des Lumières, qui prônent le conservatisme en
affirmant la supériorité des traditions sur la raison (Burke) et contre certains penseurs des Lumières, qui rejettent l'idée
d'un progrès global et uniforme de l'humanité (Mendelssohn et Herder).
Il ne s'agit pas d'affirmer dogmatiquement
l'existence du progrès, mais d'adopter un point de vue philosophique sur l'histoire pour conforter l'homme raisonnable
dans ses efforts afin d'oeuvrer au bien de l'humanité.
"Une tentative philosophique pour traiter l'histoire universelle en fonction du plan
de la nature, qui vise à une unification politique totale dans l'espèce humaine, doit
être envisagée comme possible..." KANT
Emmanuel Kant (1724-1804), philosophe allemand, est célèbre dans l'histoire de la
philosophie pour avoir tenté une synthèse entre l'idéalisme et le réalisme.
Certes, la
connaissance, pour l'homme, est possible, mais elle est limitée.
Tel est le sens général de
la Critique de la raison pure, dont il publie la première édition en 1781, première des trois
Critiques qui assureront sa gloire, et qui lui feront traiter la question de la morale (Critique
de la raison pratique, 1788) et la question du beau (Critique de la faculté de juger, 1791).
A côté de ces oeuvres monumentales, Kant rédige plusieurs opuscules.
Ainsi, en 1784, une
Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique qui répond à une demande
exprimée dans un journal littéraire :
« Une idée chère au professeur Kant, c'est que le but final de l'espèce humaine est la réalisation de la constitution
politique la plus parfaite et il souhaite qu'un historien philosophe veuille bien entreprendre une histoire de l'humanité
conçue sous ce point de vue, qui
montre jusqu'à quel point l'humanité, aux différentes époques, s'est éloignée ou rapprochée de ce but, et ce qu'il y a à
faire pour l'atteindre.
»
C'est pour poser clairement le problème (« trouver le fil conducteur d'une histoire conforme à un plan déterminé de la
nature ») que Kant rédige l'article qui deviendra L'Idée d'une histoire universelle, composé de neuf propositions
commentées.
Il s'agit ici de la dernière proposition :
« Une tentative philosophique pour traiter l'histoire universelle en fonction du plan de la nature, qui vise à une
unification politique totale dans l'espèce humaine, doit être envisagée comme possible et même comme avantageuse
pour ce dessein de la nature.
»
Une tentative philosophique pour traiter de l'histoire se différencie de la démarche empirique propre à l'historien.
Cette
dernière ne vise qu'à rapporter et à consigner la diversité des actions humaines, telles qu'elles se sont produites par le
passé.
La démarche philosophique, au contraire, cherche, au-delà de l'agrégat des actions humaines, à se représenter
un système qui seul pourrait rendre compte d'une manière ordonnée de l'infinie variété des actions.
Car c'est le propre
de la philosophie d'être un système (« La philosophie est le système de la connaissance rationnelle par concepts »).
Et, selon l'expression même de Kant dans la Critique de la raison pure, la raison s'assigne comme but « la systématicité
de la connaissance, c'est-à-dire sa cohésion à partir d'un principe ».
« Cette idée postule donc une unité intégrale de
la connaissance intellectuelle, qui fasse de celle-ci, non pas simplement un agrégat accidentel, mais un système lié
suivant des lois nécessaires.
»
Alors que l'historien rassemble les traces des actions humaines, le philosophe s'interroge, lui, sur le sens possible de
ces mêmes actions.
Mais quand on regarde « sur la grande scène du monde » la présentation des faits et gestes des
hommes, « on ne voit en fin de compte dans l'ensemble qu'un tissu de folie, de vanité puérile, souvent aussi de
méchanceté puérile et de soif de destruction ».
Il n'est donc pas suffisant, pour tenter de comprendre ce cours
absurde, de s'interroger sur l'homme.
Le philosophe doit prendre en compte la situation particulière de l'homme dans la
nature.
Et remarquer cette forte contradiction : d'une part, l'homme est la seule créature raisonnable dans la nature ;
d'autre part, tout raisonnable qu'il est, il ne manque pas d'avoir une conduite insensée.
C'est donc que la vérité
dernière de l'homme doit être recherchée, non pas en lui, mais dans la nature elle-même.
Puisqu'il est impossible au
philosophe :
« de présupposer dans l'ensemble chez les hommes, et dans le jeu de leur conduite, le moindre dessein raisonnable
personnel, il lui faut rechercher du moins si l'on ne peut pas découvrir dans ce cours absurde des choses humaines un
dessein de la nature ».
Mais, pour Kant, ce plan secret, qui se déroule quel que soit le désordre apparent des conduites humaines, ne saurait
se réaliser à l'échelle d'un individu et d'une vie.
Car alors « chaque homme devrait jouir d'une vie illimitée pour
apprendre comment il devrait faire un complet usage de ses dispositions naturelles ».
Et comme chaque homme, au
contraire, ne dispose que d'une courte durée de vie, la nature :
« a besoin d'une lignée peut-être interminable de générations où chacune transmet à la suivante ses lumières, pour
amener enfin dans notre espèce les germes naturelsjusqu'au degré de développement pleinement conforme à ses
desseins » (Idée d'une histoire universelle, Deuxième proposition)..
»
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