KANT ET LA PAIX PERPETUELLE
Extrait du document
«
« Les plus grands maux qui accablent les peuples civilisés nous sont
amenés par la guerre, et vrai dire non pas tant par celle qui réellement a
lieu ou a eu lieu, que par les préparatifs incessants et même
régulièrement accrus en vue d'une guerre à venir.
C'est à cela que l'État gaspille toutes ses forces, tous les fruits de la
culture qui pourraient être utilisés à augmenter encore celle-ci ; on porte
en bien des endroits un grave préjudice la liberté, et les attentions
maternelles de l'État pour des membres pris individuellement se
changent en exigences d'une dureté impitoyable, légitimées toutefois par
la crainte d'un danger extérieur.
Mais cette culture, l'étroite union des
classes dans la communauté en vue de l’accroissement mutuel de leur
bien-être, la population, et qui plus est, ce degré de liberté persistant,
même en dépit des lois restrictives, est-ce que tout cela subsisterait, si
cette crainte constante de la guerre n'amenait de force chez les chefs
d’État la considération envers l'Humanité ...
Donc au degré de culture
auquel est parvenu le genre humain, la guerre est un moyen
indispensable pour la perfectionner encore ; et ce n'est qu'après
l'achèvement (Dieu sait quand) de cette culture qu'une paix éternelle
nous serait salutaire et deviendrait de ce fait possible.
» KANT.
Articulation des idées
Kant part d'un constat : la guerre est une source considérable de maux :
1° lorsqu'elle a lieu, car elle provoque mort et destruction ;
2° lorsqu'elle n'a pas lieu, car sa possibilité oblige qu'on s'y prépare, ce qui entraîne des gaspillages économiques
(entretien d'une armée) et une limitation de la liberté (l'unité devant le danger extérieur passe par la répression des
individualismes).
Il renverse ensuite cette approche critique de la guerre en observant que celle-ci joue cependant, en raison même de
sa négativité, un rôle positif, celui d'unir précisément la communauté nationale et de contraindre les chefs d'État «à la
considération de l'humanité ».
La guerre apparaît alors comme un des moteurs du progrès.
éléments de réflexion
La thèse kantienne faisant de la guerre un moyen de perfectionnement du genre humain se retrouve chez d'autres
penseurs, dont certains ont été jusqu'à faire de la guerre un « phénomène divin ».
• Ainsi Joseph de Maistre écrit-il : « Dans le vaste domaine de la nature vivante, il règne une violence manifeste, une
espèce de rage prescrite qui arme tous les êtres in mutua funera (...) La guerre est donc divine en elle-même, puisque
c'est une loi du monde.
La guerre est divine par ses conséquences d'un ordre surnaturel tant générales que
particulières (...) La guerre est divine dans la gloire mystérieuse qui l'environne, et dans l'attrait non moins inexplicable
qui nous y porte (...) Ainsi s'accomplit sans cesse, depuis le ciron jusqu'à l'homme, la grande loi de la destruction
violente des êtres vivants.
La terre entière, continuellement imbibée de sang, n'est qu'un autel immense où tout ce qui
vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu'à la consommation des choses, jusqu'à l'extinction du
mal, jusqu'à la mort de la mort ».
(Les Soirées de Saint-Pétersbourg, VII)
• Ces vues de J.
de Maistre ont été reprises et développées par P.-J.
Proudhon dans son ouvrage La Guerre et la Paix
(1860).
• Semblablement, Hegel voit dans la violence une ruse de la raison, et Marx et Engels en font un moteur de l'histoire :
« Pour M.
Dûhring, la violence est le mal absolu, le premier acte de violence est pour lui le péché originel, tout son
exposé est une jérémiade sur la façon dont toute l'histoire jusqu'ici a été ainsi contaminée par le péché originel, sur
l'infâme dénaturation de toutes lois naturelles et sociales par cette puissance diabolique, la violence.
Mais que la
violence joue encore dans l'histoire un autre rôle, un rôle révolutionnaire; que selon les paroles de Marx, elle soit
l'accoucheuse de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flancs; qu'elle soit l'instrument grâce auquel
le mouvement social l'emporte et met en pièces des formes politiques figées et mortes, de cela, pas un mot chez M.
Dûhring.
» (Engels, Anti-Dùhring, IV).
»
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