KANT: Contre la politique de Machiavel
Extrait du document
«
La vraie politique ne peut donc faire un pas sans avoir auparavant rendu hommage
à la morale ; et, si la politique est par elle-même un art difficile, jointe à la morale,
elle cesse d'être un art, car celle-ci tranche les noeuds que celle-là ne peut délier,
aussitôt qu'elles ne sont plus d'accord.
Les droits de l'homme doivent être tenus pour sacrés, quelque grands sacrifices
que cela puisse coûter au pouvoir qui gouverne.
On ne saurait faire ici deux parts
égales et imaginer le moyen terme d'un droit soumis à des conditions pragmatiques
(tenant le milieu entre le droit et l'utilité) ; mais toute politique doit s'incliner
devant le droit, et c'est ainsi seulement qu'elle peut espérer d'arriver, quoique
lentement, à un degré où elle brille d'un éclat durable.
Texte découpé
La vraie politique [...] sont plus d'accord.
Les droits de l'homme [...] pouvoir qui gouverne.
On ne saurait faire [...] d'un éclat durable.
Plan de l'étude ordonnée
Nous pouvons dégager trois moments.
1.
La vraie politique.
a.
La distinction entre vraie et fausse politique tient à ce que l'une s'accorde avec la morale, alors que l'autre
n'en tient aucun compte.
Toutefois, le texte indique qu'il faut considérer la politique selon deux aspects : par
elle-même et jointe à la morale.
Comment comprendre cette distinction ?
b.
Par elle-même, la politique est un "art difficile".
L'art relève de la pratique, non de la théorie.
Théorie et
pratique sont distinctes, comme science et art.
Par exemple, la médecine, comme la politique, est un art.
Et
l'homme de l'art est celui qui sait ce qu'il faut faire, quand, comment et pourquoi il faut le faire.
Qu'il s'agisse de
soigner un malade ou d'affronter une situation politique, il faut faire preuve de prudence, de pragmatisme, pour
être efficace.
Voilà pourquoi Kant met en avant la difficulté propre à cet art.
Il exige des qualités et un savoir
spécifiques.
Cependant, les décisions prises dans le cadre politique mettent en jeu ce qui concerne la morale.
Alors, la politique "cesse d'être un art."
c.
Dire que, jointe à la morale, la politique n'est plus un art, revient à dire que, dans ce cas, ce sont les
principes théoriques de la morale qui priment sur les exigences pragmatiques de la politique.
Dans le même
ouvrage, Kant dit :
La morale est déjà par elle-même une science pratique, dans le sens objectif de ce mot, en tant qu'elle est
l'ensemble des lois absolues d'après lesquelles nous devons agir, et c'est une évidente absurdité que d'accorder
à cette idée du devoir l'autorité qui lui est due, pour prétendre ensuite qu'on ne peut pas ce que l'on doit ; car,
s'il en était ainsi, il faudrait l'effacer de la morale (ultra posse nemo obligatur).
Il ne peut donc y avoir
d'opposition entre la politique, en tant qu'elle est la pratique du droit, et la morale, en tant qu'elle en est la
théorie (entre la pratique et la théorie).
À moins qu'on entende par morale l'ensemble des règles générales de la
prudence, c'est-à-dire la théorie des maximes indiquant les moyens les plus propres à assurer l'avantage
personnel, ce qui reviendrait à nier en général l'existence de toute morale."
Ainsi, la morale est une théorie du droit, la politique, une pratique du droit.
Mais la morale, en tant que «
science pratique donne les principes absolus du devoir, indépendamment des circonstances empiriques.
Or, si
notre raison morale nous dit ce que nous devons faire, cela présuppose que nous le pouvons, car la raison ne
peut nous obliger à faire ce qui est impossible.
Ultra posse nemo obligatur, veut dire à l'impossible, nul n'est
tenu.
Nous devons donc inverser la proposition : si je le peux, je le dois.
Il faut dire : si je le dois, je le peux.
Et
ajouter : je dois donc le vouloir.
La « maxime » exprime ce que je veux faire.
Il est moralement nécessaire que
je la soumette à l'épreuve du principe formel, la « loi qui est l'impératif catégorique chez Kant.
Le devoir règle
donc tous les différends entre la politique et la morale.
C'est pourquoi la solution de ces différends n'est pas
une question d'art politique, mais de principe moral.
Kant peut dire que, dans ce cas, la politique "cesse d'être
un art".
Tout simplement parce que c'est une question de principe.
Par exemple, si un homme politique est
amené à prendre une décision qui implique une désobéissance à la loi morale, il en arrive à se dire : je veux
faire (maxime), ce que je ne dois pas faire (loi morale).
Ici, la pratique doit se soumettre au principe.
Il n'y a
donc, objectivement, aucun problème : il ne doit pas prendre une telle décision.
Mais qu'est-ce qui légitime une
telle rigueur ?
2.
Les droits de l'homme.
Ici, « homme » signifie personne, sujet moral.
Le citoyen est une personne, digne de
respect.
C'est ce qui est sacré en l'homme, sa dignité, qui est la seule valeur absolue.
Toutes les autres sont
relatives à elle, lui sont inférieures.
Quoi qu'il en coûte à l'homme politique, carrière, échec, etc., il doit toujours.
»
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