KANT
Extrait du document
«
« Le problème de la formation de l'État, si dur que ce soit à entendre, n'est
pourtant pas insoluble, même s'il s'agissait d'un peuple de démons (pourvu
qu'ils aient quelque intelligence) ; il se formule de la façon suivante :
"Ordonner une foule d'êtres raisonnables qui réclament tous d'un commun
accord des lois générales en vue de leur conservation, chacun d'eux
d'ailleurs ayant une tendance secrète à s'en excepter; et organiser leur
constitution de telle sorte que ces gens qui, par leurs sentiments
particuliers, s'opposent les uns aux autres, refrènent réciproquement ces
sentiments de façon à parvenir dans leur conduite publique à un résultat
identique à celui qu'ils obtiendraient s'ils n'avaient pas ces mauvaises
dispositions" : Un pareil problème doit pouvoir se résoudre, car il ne requiert
pas l'amélioration morale des hommes, mais il s'agit simplement de savoir
comment on peut utiliser par rapport aux hommes le mécanisme de la
nature pour diriger l'antagonisme des dispositions hostiles dans un peuple,
de telle sorte que les hommes s'obligent mutuellement eux-mêmes à se
soumettre à des lois de contrainte, produisant ainsi nécessairement l'état
de paix où les lois disposent de la force.
» KANT
La construction du texte proposé.
• Abordant le problème général de la formation de l'État, le texte se propose de définir les termes d'un tel
problème, et la perspective dans laquelle doit être envisagée sa solution.
La thèse qu'il formule sur la façon
dont le problème peut être résolu relève de conceptions plus ou moins explicites de, la nature humaine - dont
les tendances contradictoires sont admises comme un simple constat : en tant qu'être raisonnable, l'homme
tend à fonder une communauté harmonieuse ; en tant qu'individu égoïste et singulier, il tend à s'opposer aux
autres.
- La thèse proposée, ainsi resituée, stipule la nécessité d'utiliser les « mauvaises dispositions » de l'homme
d'une façon qui en neutralise les effets, et rende ainsi possible la constitution d'une communauté harmonieuse,
où l'État ne fait qu'incarner l'engagement réciproque des membres du groupe et leur reconnaissance commune
du bien-fondé des lois.
- L'organisation du texte développe le point de vue évoqué de la façon suivante
- Première ligne : énoncé du problème abordé, qui se trouve en quelque sorte valorisé négativement par
l'allusion à sa difficulté.
- Ensemble du texte entre guillemets (depuis « ordonner » jusqu'à « dispositions ») : formulation du point de
vue selon lequel peut être abordé et résolu le problème.
Trois remarques successives développent ce point de
vue :
a) le problème lui-même et ses termes : structurer une communauté à partir de traits contradictoires de ses
membres (égoïsme, désir raisonnable de fonder une communauté) ;
b) les exigences qu'il s'agit de satisfaire : neutraliser les affrontements potentiels des intérêts particuliers ;
c) le résultat visé par une telle constitution : une utilisation « positive » des mauvaises dispositions
(centralisation de l'obstacle qu'elles constituent pour la constitution d'une communauté harmonieuse).
- Fin du texte (depuis « Un pareil problème ») : remarques finales sur la possibilité effective d'une telle façon
d'aborder le problème.
Réflexion sur les conditions de possibilité de la solution envisagée.
Kant recense deux
avantages fondamentaux (et indissociables):
a) l'hypothèse est réaliste, car elle ne présuppose pas une amélioration morale préalable des hommes ;
b) l'hypothèse part de ce qui est (l'antagonisme) pour l'utiliser au mieux l'émergence d'un état de droit, reconnu
comme condition de la paix, à partir d'un système d'obligations mutuelles.
Pour Kant l'homme est naturellement méchant.
« L'homme, observe-t-il, doit être jugé en ce qui concerne son
caractère sensible comme mauvais » (Anthropologie).
Cette méchanceté est naturelle car elle ne résulte pas
de causes extérieures et accidentelles, comme le voulait Rousseau, mais du développement nécessaire,
téléologiquement déterminé, de la conscience.
Cette méchanceté répond en effet à un plan de la nature car
c'est grâce à elle que naissent la discorde par laquelle l'homme sort de son inactivité et l'insociabilité qui permet
le progrès des sociétés (cf.
le passage de Vidée d'une histoire universelle donné p.
94).
Par conséquent, si l'on veut constituer un État le meilleur possible, le plus conforme à la loi morale et.
»
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