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KANT

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Les passions, puisqu'elles peuvent se conjuguer avec la réflexion la plus calme, qu'elles ne peuvent donc pas être irréfléchies comme les émotions et que, par conséquent, elles ne sont pas impétueuses' et passagères, mais qu'elles s'enracinent et peuvent subsister en même temps que le raisonnement, portent, on le comprend aisément, le plus grand préjudice à la liberté ; si l'émotion est une ivresse, la passion est une maladie, qui exècre toute médication 2, et qui par là est bien pire que tous les mouvements passagers de l'âme; ceux-ci font naître du moins le propos de s'améliorer, alors que la passion est un ensorcellement qui exclut toute amélioration. KANT

« "Les passions, puisqu'elles peuvent se conjuguer avec la réflexion la plus calme, qu'elles ne peuvent donc pas être irréfléchies comme les émotions et que, par conséquent, elles ne sont pas impétueuses' et passagères, mais qu'elles s'enracinent et peuvent subsister en même temps que le raisonnement, portent, on le comprend aisément, le plus grand préjudice à la liberté ; si l'émotion est une ivresse, la passion est une maladie, qui exècre toute médication 2, et qui par là est bien pire que tous les mouvements passagers de l'âme; ceux-ci font naître du moins le propos de s'améliorer, alors que la passion est un ensorcellement qui exclut toute amélioration." KANT 1.

Introduction • Ce texte, extrait de l'Anthropologie du point de vue pragmatique, se rapporte au thème de la passion et soulève le problème de la nature de cette dernière.

La passion, dysfonctionnement majeur, pathologie dangereuse ou mouvement psychique fécond pouvant porter l'âme vers de grandes choses ? • Quelle est l'idée directrice de ces lignes? La passion est une véritable maladie de l'âme, portant atteinte à notre liberté. • On saisit ce que le texte nous fait gagner, son enjeu: une attitude pratique concernant le jeu passionnel.

Si la passion est une désorganisation pathologique, nous devons tenter — si possible — de la dominer.

Or, la passion porte atteinte à la liberté.

Donc la maîtrise de la passion est difficile. 2.

Étude ordonnée A.

Première grande partie: « Les passions [...] préjudice à la liberté» Dans cette première partie, Kant souligne que la passion porte atteinte à notre liberté.

Toute cette partie analyse le mécanisme passionnel et conclut, à partir de l'analyse de ce mécanisme, que passion et liberté sont difficilement compatibles.

Analysons plus en détail le raisonnement de Kant. Les passions, définies comme des déséquilibres psychiques intenses et durables, se caractérisent par une certaine relation à la réflexion, conçue comme retour de la pensée sur elle-même.

L'émotion, au contraire, désigne un déséquilibre passager et violent, une surprise de l'âme aussi soudaine que momentanée, surprise parfaitement irréfléchie, c'est-à-dire soustraite à tout retour de l'esprit sur ses opérations.

Par opposition à l'émotion, la passion peut se conjuguer, c'est-à-dire se combiner et s'unir, avec la réflexion: elle a le pouvoir de se joindre à elle.

La réflexion de Kant signifie ceci : alors que l'émotion s'élève rapidement à un degré tel de sentiment que la réflexion devient impossible, la passion est compatible avec l'analyse introspective, le retour de l'esprit sur lui-même et ses mécanismes.

L'amoureux d'une femme, le passionné du pouvoir, etc.

sont parfaitement en mesure de revenir sur les sources et origines de leurs passions.

Ainsi, nous avons affaire d'un côté à des mécanismes passagers (émotions) et, de l'autre (passions), à des phénomènes durables et enracinés dans la pensée.

La passion fait partie de nous et de notre psychisme.

Elle est en quelque sorte intégrée dans notre démarche réflexive et c'est cette structure qui la rend infiniment plus dangereuse que l'émotion, qui est impétueuse, violente, rapide, déchaînée, ardente, fougueuse, véhémente, mais qui ne prend pas racine en nous. D'où l'immense danger de la passion : elle peut se maintenir en même temps que le raisonnement, cette fonction de la pensée permettant de dériver un jugement d'un autre, cette opération discursive de l'esprit par laquelle on passe de jugements donnés à un autre ou plusieurs autres par déduction logique ou en apparence logique. La passion est donc durable, installée en nous, compatible avec la réflexion et le raisonnement.

Dès lors, elle fait partie de nous-mêmes et s'avère porteuse du plus grand danger: elle porte dommage et tort (préjudice) à notre liberté, à savoir notre autonomie, notre obéissance à la rationalité.

Si la passion se déploie dans le temps et la continuité temporelle, alors elle va exclure toute maîtrise de la raison et porter les plus grandes atteintes à la liberté, conçue comme autonomie.

Le jugement de Kant s'inscrit, en fait, dans une perspective philosophique très ancienne : les Stoïciens ne virent-ils pas déjà dans la passion un esclavage, une forme de servitude? B.

Deuxième grande partie: « Si l'émotion [...] toute amélioration » Ayant démontré que la passion porte atteinte à notre liberté, Kant peut maintenant en venir à sa démonstration finale, à savoir que la passion est une authentique maladie de l'âme.

On voit donc que l'ordre de la démonstration est, en réalité, très strict.

Comme on va le voir, on en viendra progressivement à l'idée que la passion est un mal dont il faut se défaire (ou du moins tenter de se défaire, puisque notre liberté est entravée). Si donc l'émotion est une ivresse, à savoir l'état d'une personne transportée, quasi enivrée et connaissant des perturbations dans l'adaptation nerveuse, la passion est bien plus qu'une ivresse (passagère) : c'est une maladie, à savoir une altération durable, apportant un trouble permanent et chronique.

Au caractère bénin de l'ivresse s'oppose le caractère durable et évolutif de la maladie.

La maladie, c'est ce qui gêne les hommes dans l'exercice normal de leur vie, ce qui les fait souffrir et les ronge.

Une maladie, c'est un ensemble de troubles pathologiques, dirons-nous dans un langage moderne. Mais de quel type de maladie s'agit-il? D'une maladie de l'âme, du principe spirituel humain, une maladie paradoxale, qui. »

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