KANT
Extrait du document
«
"La géométrie est une science qui détermine synthétiquement, et pourtant a priori,
les propriétés de l'espace.
Que doit donc être la représentation de l'espace pour
qu'une telle connaissance en soit possible? Il faut qu'il soit originairement une
intuition ; car d'un simple concept, on ne peut tirer des propositions qui dépassent
le concept, comme cela arrive pourtant en géométrie.
Mais, cette intuition doit se
trouver en nous a priori, c'est-à-dire antérieurement à toute perception d'un objet,
et, par conséquent, être intuition pure et non empirique.
En effet, les propositions
géométriques, par exemple : l'espace n'a que trois dimensions, sont toutes
apodictiques, c'est-à-dire qu'elles impliquent la conscience de leur nécessité; elles
ne peuvent donc être des jugements empiriques ou d'expérience, ni en être
conclues.
Mais comment peut-il y avoir dans l'esprit une intuition externe qui précède les
objets mêmes, et dans laquelle leur concept peut être déterminé a priori? Cela ne
peut évidemment arriver qu'autant qu'elle a son siège dans le sujet comme la
propriété formelle qu'il a d'être affecté par des objets et d'en recevoir par là une
représentation immédiate, c'est-à-dire une intuition, par conséquent seulement
comme forme du sens externe en général." KANT.
VOCABULAIRE:
EMPIRIQUE (adj.): Qui découle de l’expérience ou qui ne se règle que sur elle.
Le savoir empirique découle largement
de l’habitude, qui lui permet de repérer des régularités dans l’expérience (par exemple, telle plante soulage toujours
telle douleur).
Ce savoir s’obtient par tâtonnements, par essais et erreurs, mais ce n’est pourtant pas un savoir
scientifique ou expérimental.
En effet, il ne sait pas vraiment expliquer ce qu’il observe, il ignore les causalités
réellement agissantes (par exemple, l’action physique-chimique de la plante dans l’organisme).
A priori: Ce qui précède l’expérience, et n’est tiré que de l’esprit ou de la raison.
Chez Kant, les formes a priori de la sensibilité (l’espace et le temps) et de l’entendement (les catégories) rendent
possible l’expérience (l’a priori est ici transcendantal).
Les marques de l’a priori sont l’universalité et la nécessité.
L’expérience, quant à elle, n’offre que des généralisations et du contingent.
Au début de la Critique de la raison pure, dans la première section de l'« Esthétique transcendantale », Kant examine la
notion d'espace, et cela en deux temps : dans l'exposition métaphysique, Kant décrit cette notion pour elle-même.
En
revanche, dans l'exposition transcendantale du concept d'espace, dont est extrait ce texte, il s'agit de montrer
comment la nature de l'espace explique la possibilité de connaissances synthétiques a priori.
Autrement dit, de telles
connaissances, en l'occurrence les propositions nécessaires de la géométrie, ne sont possibles que parce que l'espace
a la nature qu'il a.
Quelle est donc la nature de l'espace pour que la géométrie soit possible? Tel est le problème abordé
par Kant dans ce texte.
La réponse confirme l'exposition métaphysique du concept d'espace : l'espace doit être une
intuition pure a priori, c'est-à-dire la forme du sens externe.
Kant établit ce résultat en quatre moments : la première
phrase rappelle les propriétés de la géométrie, que doit expliquer la nature de l'espace.
Ensuite, jusqu'à « en géométrie
», Kant en déduit une première caractéristique de l'espace, à savoir son caractère intuitif Il en conclut alors, dans la
fin du premier paragraphe, une seconde caractéristique, son caractère a priori Enfin, le second paragraphe déduit de
ces deux caractéristiques la nature de l'espace : celui-ci est la forme pure du sens externe.
Que veut dire exactement
Kant, et comment comprendre chacun des moments de sa démonstration ? Seule une analyse plus précise du texte
peut permettre de répondre à ces questions.
La première phrase expose la nature de la géométrie, déjà présentée dans l'introduction de la Critique de la raison pure.
C'est un moment nécessaire de l'argument kantien, dans la mesure où l'exposition transcendantale d'un concept
suppose l'existence d'une science synthétique et a priori.
Le philosophe distingue trois caractères de cette science
qu'est la géométrie, son objet, à savoir les propriétés de l'espace, et deux caractéristiques des propositions de la
géométrie : la géométrie connaît l'espace de manière synthétique et a priori.
Elle porte sur l'espace puisqu'elle établit
un certain nombre de propositions concernant des figures géométriques, par exemple « dans un triangle, les trois
angles sont égaux à deux angles droits ».
Or, ces propositions sont synthétiques et a priori.
Que veut dire par là Kant?
Le caractère synthétique d'une proposition s'oppose à son caractère analytique : une proposition est analytique si le
prédicat, c'est-à-dire ce qui est affirmé d'un sujet, est contenu dans le concept du sujet ; une proposition est
synthétique si le prédicat n'y est pas contenu.
Par exemple, «tout homme est un animal » est analytique parce que le
concept exprimé par « homme » contient « animal », comme le montre la définition « l'homme est un animal rationnel ».
En outre, une proposition est a priori, si sa connaissance est indépendante de l'expérience, c'est-à-dire si l'on peut en
connaître la vérité sans avoir à se rapporter à ce que nous pouvons percevoir.
Ainsi « tout homme est un animal » est
a priori, parce qu'il suffit de se rapporter au concept « homme », indépendamment de toute expérience, pour connaître
la vérité de cette proposition.
Or, si une proposition est synthétique, comment peut-elle être connue indépendamment
de l'expérience, c'est-à-dire être a priori? Si le prédicat n'est pas contenu dans le concept du sujet, comment peut-il
être affirmé du sujet indépendamment de toute expérience? Si je ne perçois pas une maison bleue, comment puis-je
savoir la vérité de la proposition «cette maison est bleue »? La suite du texte apporte une réponse à cette question.
Puisque la géométrie porte sur les propriétés de l'espace, et que la géométrie est une science synthétique a priori,.
»
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