KANT
Extrait du document
«
« La métaphysique est une connaissance rationnelle spéculative tout à fait à part,
qui s'élève entièrement au-dessus des leçons de l'expérience, en ne s'appuyant
que sur de simples concepts (et non en appliquant comme les mathématiques ces
concepts à l'intuition), et où, par conséquent, la raison doit être son propre élève.
[...]
On a admis jusqu'ici que toutes nos connaissances devaient se régler sur les objets
; mais, dans cette hypothèse, tous nos efforts pour établir à l'égard de ces objets
quelque jugement a priori et par concept qui étendît notre connaissance n'ont
abouti à rien.
Que l'on cherche donc une fois si nous ne serions pas plus heureux
dans les problèmes de la métaphysique, en supposant que les objets se règlent sur
notre connaissance, ce qui s'accorde déjà mieux avec ce que nous désirons, à
savoir la possibilité d'une connaissance a priori de ces objets qui établisse quelque
chose à leur égard, avant même qu'ils nous soient donnés.
» KANT.
VOCABULAIRE:
A priori: Ce qui précède l’expérience, et n’est tiré que de l’esprit ou de la raison.
Chez Kant, les formes a priori de la sensibilité (l’espace et le temps) et de l’entendement (les catégories) rendent
possible l’expérience (l’a priori est ici transcendantal).
Les marques de l’a priori sont l’universalité et la nécessité.
L’expérience, quant à elle, n’offre que des généralisations et du contingent.
Six ans après la publication de la Critique de la raison pure, Kant revient sur la portée métaphysique de son ouvrage
dans la préface qu'il rédige pour la seconde édition.
Car la raison, dont les illusions naturelles sont dénoncées par Kant
sous le nom de métaphysique, fait oeuvre métaphysique lorsqu'elle entreprend de se critiquer elle-même et d'être,
comme le dit ici Kant, « son propre élève ».
En un sens il est difficile de caractériser la métaphysique de façon plus pertinente que ne le fait Kant quant à son
propos : elle est la connaissance rationnelle par concepts.
C'est la raison qui
« s'élève » au-dessus de l'expérience (le thème est d'origine platonicienne, comme le terme d'« Idée » emprunté par
Kant à Platon) au moyen « de simples concepts », à savoir d'idées abstraites que l'on ne peut pas directement faire
dériver de l'expérience.
Le texte d'Aristote étudié plus haut en fournit la preuve éclatante, puisqu'il démontre la
substantialité de la chose individuelle uniquement par le raisonnement.
Par cette définition, elle-même
conceptuellement problématique, Kant fournit le schéma métaphysique de l'histoire de la métaphysique en même temps
qu'il en permet la réforme.
Comment ?
« On » (la métaphysique) peut postuler deux types de schéma entre les concepts de sujet et d'objet.
Soit le sujet
connaissant doit « se régler » sur l'objet à connaître, donc les facultés du sujet sur les propriétés de l'objet, mais dans
cette « hypothèse » (il s'agit bien d'un postulat de la raison pure) il devient impossible d'étendre nos connaissances
indépendamment de l'expérience des objets, c'est-à-dire « a priori ».
Aucune science de ces objets n'est donc
possible, s'il est vrai que toute rationalité scientifique doit contenir une connaissance a priori.
Soit c'est l'inverse,
l'objet se réglant sur les facultés de connaissance du sujet, et dans ce cas, il devient possible de connaître les objets
avant qu'ils
« nous soient donnés » dans l'expérience.
Une telle inversion du schéma traditionnel, qui correspond assez bien au
renversement copernicien du géocentrisme, s'opère au sein de la métaphysique, en gardant ses concepts (de sujet,
d'objet), mais en les retravaillant, en les complétant, en fonction des nouvelles données des sciences de la nature en
particulier.
Kant fait donc ce qu'il dit, ou plutôt la métaphysique, telle qu'il la définit, accomplit sa tâche en permettant par un
simple renversement conceptuel de faire avancer la réflexion critique.
C'est toujours la raison qui se juge elle-même,
donc la métaphysique qui se critique pour se réformer, s'il est vrai que la Critique est un « traité de la méthode »,
comme le précise Kant L dans la même préface.
KANT (Emmanuel).
Né et mort à Königsberg (1724-1804).
Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à
l'Université de Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.
En 1755, il est
privat-dozent de l'Université de sa ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques et de.
»
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