KANT
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«
PRESENTATION DE LA "CRITIQUE DE LA FACULTE DE JUGER" DE KANT
Dans cette troisième et dernière Critique, Kant (1724-1804) obéit à des motifs apparemment disparates.
Un objectif
interne de complétude architecturale : il s'agit de trouver un moyen terme de liaison entre le monde nouménal de la
liberté transcendantale constitué par la raison dans son usage pratique et le monde naturel de la nécessité mécanique
constitué par l'entendement, moyen terme qui permettrait de saisir dans le monde les effets de la liberté.
Ce moyen
terme, Kant va le trouver dans le concept de finalité, concept privilégié d'une faculté de juger, intermédiaire entre
raison et entendement.
L'harmonie présente dans ce qui nous frappe par sa beauté ou dans les êtres vivants, et qui
semble obéir à une volonté, paraît établir un pont entre le monde physique et le monde nouménal.
De manière plus
large, Kant prend ici en charge certains des débats majeurs et des innovations du siècle : la naissance de l'esthétique
comme réflexion sur le jugement de goût qui date du milieu du siècle et qui accompagne l'autonomisation concomitante
du champ artistique, mais aussi les controverses scientifiques sur la spécificité du vivant par rapport à la nature
purement mécanique, débat lui plus ancien et qui remonte au moins au mécanisme du xviie siècle.
"L'art en tant qu'habileté humaine est distinct de la science (le savoir-faire est
distinct du savoir), comme une faculté pratique est distincte d'une faculté
théorique, comme la technique de la théorie (de même l'arpentage de la
géométrie).
C'est pourquoi précisément on ne qualifiera pas d'art ce qu'on est en
mesure de faire dès qu'il s'agit de savoir ce qui doit être accompli, et que donc l'on
se contente de connaître suffisamment l'effet recherché.
Ce pour l'exécution de
quoi nous manquons de l'habileté immédiate, bien qu'on en ait la connaissance la
plus complète, cela seul, comme tel, s'appelle art.
Peter Camper dit très
exactement comment devrait être faite la meilleure chaussure, mais il était
certainement incapable d'en faire une.
L'art se distingue aussi de l'artisanat; l'art est dit libéral, l'artisanat peut être
appelé art mercantile.
On considère le premier comme s'il ne pouvait être orienté
par rapport à une fin qu'à condition d'être un jeu, c'est-à-dire une activité agréable
en soi; le second comme un travail, c'est-à-dire comme une activité en soi
désagréable, attirante par ses seuls effets." KANT
Dans cet extrait du paragraphe 43 de la Critique de la faculté de juger, Kant distingue successivement l'art de deux
autres activités humaines, la science et l'artisanat.
Il compare, dans le premier paragraphe, l'art et la science, et, dans
le second, l'art et l'artisanat.
1.
L'art est irréductible à la science
A.
L'art est « une habileté humaine » : l'art se distingue donc de la nature.
Autrement dit, seul ce qui est produit de
manière intentionnelle est de l'art.
Ce qui est produit instinctivement, comme les ruches des abeilles, n'est qualifié
d'oeuvre d'art que par métaphore.
La science est aussi une activité proprement humaine, mais n'est pas « une habileté
» : la fin du paragraphe explicite cette notion.
B.
La première phrase précise l'opposition entre science et art au moyen d'autres oppositions.
Soulignons
particulièrement l'opposition entre le savoir et le savoir-faire : on peut connaître la recette d'un plat, sans pour autant
avoir le tour de main nécessaire pour réaliser la recette.
Notons que Kant assimile ici la technique au savoir-faire : la
technique n'est donc pas la simple application de la science.
C.
La fin du paragraphe développe cette opposition.
L'art est irréductible à la science, parce qu'il suppose un savoirfaire.
Kant montre cette thèse négativement en s'appuyant sur nos intuitions : nous ne nommons pas «art» ce qui
peut être réalisé dès que l'on en a la connaissance.
L'habileté, c'est cette capacité irréductible à la connaissance.
C'est une condition nécessaire de l'art, mais aussi de l'artisanat.
2.
L'art est irréductible à l'artisanat
A.
Kant a distingué l'art de la science au moyen d'une propriété, l'habileté, que l'art partage avec l'artisanat.
Il doit
maintenant distinguer l'art de l'artisanat.
Pour cela, il fait appel, dans la première phrase, à l'opposition entre ce qui est
libéral et ce qui est mercantile.
Il fait ainsi référence à la classification traditionnelle des arts libéraux : ceux-ci sont
nobles parce qu'ils ont eux-mêmes pour fins.
En revanche, l'artisanat est pratiqué en vue d'un salaire.
B.
La fin du paragraphe oppose l'art et l'artisanat au moyen du couple conceptuel jeu-travail.
Kant ne nie pas que l'art
puisse avoir une fin, c'est-à-dire que l'artiste crée intentionnellement en vue de quelque chose.
Mais la fin associée à
la création artistique ne peut être la fin exclusive de l'artiste : la création artistique doit être un jeu, « c'est-à-dire une
activité agréable en soi ».
Puisqu'il y a un plaisir intrinsèque au sein même de la création, celle-ci est aussi sa propre
fin.
Soulignons que Kant ne soutient pas que la création soit un pur jeu : elle contient aussi une part de travail et
d'effort..
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