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KANT

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Le Je pense doit pouvoir accompagner toutes mes représentations; car, sinon, quelque chose serait représenté en moi qui ne pourrait pas du tout être pensé, ce qui revient à dire que la représentation serait impossible, ou, du moins, qu'elle ne serait rien pour moi. Une telle représentation, qui peut être donnée avant toute pensée (Denken), s'appelle intuition. Donc tout divers de l'intuition a un rapport nécessaire au Je pense dans ce même sujet où ce divers se rencontre. Mais cette représentation est un acte de la spontanéité, c'est-à-dire qu'elle ne peut être considérée comme appartenant à la sensibilité. Je l'appelle l'aperception pure, pour la distinguer de l'aperception empirique, ou encore l'aperception originaire, parce qu'elle est cette conscience de soi qui, tout en produisant la représentation Je pense, doit pouvoir accompagner toutes les autres représentations, et qui, une et identique en toute conscience, ne peut être accompagnée au-delà (weiterbegleitet) d'aucune. J'appelle aussi l'unité des représentations l'unité transcendantale' de la conscience de soi, pour désigner la possibilité, à partir d'elle, de la connaissance a priori. En effet, les diverses représentations qui sont données dans une certaine intuition ne seraient pas toutes ensemble mes représentations si elles n'appartenaient pas toutes ensemble à une conscience de soi, c'est-à-dire qu'en tant qu'elles sont mes représentations (bien que je n'en aie pas conscience comme telles), elles doivent néanmoins être nécessairement conformes à la condition sous laquelle seulement elles peuvent être réunies dans une conscience universelle de soi puisqu'autrement elles ne m'appartiendraient pas généralement. De cette liaison originaire on peut déduire bien des choses. Notamment, cette identité générale de l'aperception du divers donné dans l'intuition comprend une synthèse des représentations, et elle n'est possible que par la conscience de cette synthèse. En effet, la conscience empirique, qui accompagne différentes représentations, est, en soi, dispersée et sans relation avec l'identité du sujet. Cette relation donc n'advient pas encore du fait que j'accompagne de conscience chaque représentation, mais par ceci que j'ajoute une représentation à l'autre et que j'ai conscience de leur synthèse. Donc c'est seulement du fait que je puis lier le divers des représentations données dans une conscience qu'il est possible que je me représente l'identité de la conscience dans ces représentations mêmes, c'est-à-dire que l'unité analytique de la perception n'est possible que sous la supposition de quelque unité synthétique'. Cette pensée : ces représentations données dans l'intuition m'appartiennent dans leur totalité, revient à dire en conséquence que je les unis en une conscience de soi, ou que je puis du moins les y unir; et bien qu'elle ne soit pas encore elle-même la conscience de la synthèse des représentations, elle en présuppose néanmoins la possibilité; c'est-à-dire que c'est uniquement du fait que je puis saisir le divers de celles-ci dans une conscience que je les appelle dans leur totalité mes représentations, car, sinon, j'aurais un Moi aussi divers et bigarré que j'ai de représentations dont j'aie conscience. L'unité synthétique du divers des intuitions, en tant que donnée a priori, est donc le principe de l'identité' de l'aperception même, laquelle précède a priori toute ma pensée (Denken) déterminée. Toutefois la liaison ne réside pas dans les objets et n'en peut être en quelque sorte empruntée par la perception, puis, en étant extraite en tout premier lieu par celle-ci, passer à l'entendement, mais elle est uniquement une. opération de l'entendement, qui lui-même n'est rien de plus que la faculté de lier a priori et de ramener le divers des représentations données sous l'unité de l'aperception, et c'est là le principe le plus élevé de toute la connaissance humaine. KANT

« VOCABULAIRE: EMPIRIQUE (adj.): Qui découle de l’expérience ou qui ne se règle que sur elle.

Le savoir empirique découle largement de l’habitude, qui lui permet de repérer des régularités dans l’expérience (par exemple, telle plante soulage toujours telle douleur).

Ce savoir s’obtient par tâtonnements, par essais et erreurs, mais ce n’est pourtant pas un savoir scientifique ou expérimental.

En effet, il ne sait pas vraiment expliquer ce qu’il observe, il ignore les causalités réellement agissantes (par exemple, l’action physique-chimique de la plante dans l’organisme). A priori: Ce qui précède l’expérience, et n’est tiré que de l’esprit ou de la raison. Chez Kant, les formes a priori de la sensibilité (l’espace et le temps) et de l’entendement (les catégories) rendent possible l’expérience (l’a priori est ici transcendantal).

Les marques de l’a priori sont l’universalité et la nécessité.

L’expérience, quant à elle, n’offre que des généralisations et du contingent. Dans la Critique de la Raison pure, Kant s'interroge sur l'essence de la connaissance humaine et montre qu'elle suppose le jeu de deux facultés du sujet : l'entendement et la sensibilité' : « l y a deux souches de la connaissance humaine, qui partent peut-être d'une racine commune mais inconnue de nous, à savoir la sensibilité et l'entendement; par la première les objets nous sont donnés, par la seconde ils sont pensés ».

Leur union seule peut déterminer en nous des objets.

L'unité de l'objet renvoie donc à deux facultés du sujet. Dans cette étude des conditions de possibilité de la connaissance humaine, Kant découvre, comme condition de toute expérience possible, l'unité transcendantale de la conscience de soi.

l n'y a pas de représentation sans conscience qui serait une représentation sans rapport au sujet.

Le rapport au sujet est présent dans toute représentation; il est nécessaire à toute représentation pour qu'elle soit telle.

Toute liaison d'une diversité (conceptuelle ou sensible) ne saurait être le fait que de la spontanéité de l'entendement et en aucun cas de la sensibilité.

En effet, la liaison du divers suppose un acte qui ne peut, en tant que tel, être le fait de la sensibilité dont la nature est réceptivité.

Pour se représenter l' unité du divers, l'entendement est obligé d'en opérer la synthèse.

Cette opération est le fait d'une fonction active de l'esprit à laquelle Kant donne le nom d'aperception originaire ou aperception pure.

C'est le « Je pense ».

Kant montre dans le texte qui suit comment elle est une condition nécessaire de mes représentations, un requisit fondamental.

Toute représentation suppose la conscience, car autrement elle ne serait rien pour moi.

Ainsi non seulement le je pense doit accompagner toutes mes représentations, mais il faut encore, pour qu'elles soient bien mes représentations, que ce je pense demeure le même quand ces représentations se succèdent.

Sinon, au lieu d'une conscience identique, j'aurais « un moi aussi divers et bigarré que j'ai de représentations dont j'aie conscience ». Toutes nos représentations supposent cette relation à une conscience identique, même si celle-ci est plus souvent implicite qu'explicite.

Cette conscience pure, originaire, ce je pense qui accompagne toutes mes représentations est en même temps ce qui les rend possibles par l'unification et la liaison du divers.

L'aperception rend possible par là même non seulement la connaissance de l'objet (qui sans elle ne serait qu'une diversité), mais aussi la conscience du moi comme telle : cette puissance d'unification ne devient consciente que quand elle entre en fonction.

C'est seulement dans l'exercice de sa fonction de synthèse que le moi peut se saisir identique à lui-même dans cette activité de liaison. Kant donne aussi à cette activité le nom d'aperception transcendantale, pour bien marquer qu'elle est la condition a priori de possibilité de la connaissance.

Par elle se trouve posée l'unité de la conscience à travers ses représentations et déterminée par là l'unité de l'objet représenté.

Sans cette unité originairement synthétique de l'aperception, aucune représentation ne serait possible.

C'est pourquoi Kant la considère comme le point de vue le plus élevé de toute la philosophie transcendantale. ll faut toutefois remarquer que l'unité synthétique de l'aperception est rendue nécessaire pour un entendement qui reçoit de l'extérieur, au moyen de la sensibilité, le divers à penser.

Elle n'est donc pas le fait de tout être pensant en général : un entendement divin qui produit lui-même le divers qu'il unifie n'en aurait nul besoin.

C'est le caractère non lié de l'intuition humaine sensible qui rend nécessaire un acte particulier de la synthèse. Pour résumer ce qui vient d'être dit : toute synthèse d'une diversité suppose un acte conscient d'unification.

Cet acte est l'aperception pure et conditionne a priori l'identité de la conscience dans le temps et l'unité de l'objet représenté. Kant nous conduit ainsi à une théorie originale de l'objet.

Bien loin que l'objet soit ce sur quoi la connaissance doit se régler (philosophie précritique), les objets sont réglés par notre pouvoir de connaître.

Nous voyons bien ici ce que Kant entend quand il considère qu'il opère en philosophie une révolution copernicienne.

Alors qu'ordinairement on tient l'objet pour la source de la connaissance et la cause de ses caractéristiques, c'est pour Kant le sujet (sujet universel et non empirique) qui constitue l'objet.

L'objet est en réalité construit par le moi transcendantal, lequel est au-delà du divers sensible dont il conditionne la synthèse. On peut donc voir dans ce texte essentiel l'affirmation capitale d'un pouvoir constitutif du sujet et dans la philosophie de Kant une philosophie de la conscience et du sujet. "Le Je pense doit pouvoir accompagner toutes mes représentations; car, sinon, quelque chose serait représenté en moi qui ne pourrait pas du tout être pensé, ce qui revient à dire que la représentation serait impossible, ou, du moins, qu'elle ne serait rien pour moi.

Une telle représentation, qui peut être donnée avant toute pensée (Denken), s'appelle intuition. Donc tout divers de l'intuition a un rapport nécessaire au Je pense dans ce même sujet où ce divers se rencontre.

Mais. »

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