KANT
Extrait du document
«
"Le dernier progrès que fit la raison, achevant d'élever l'homme tout à fait
au-dessus de la société animale, ce fut qu'il comprit (obscurément
encore) qu'il était proprement la fin de la nature 1 et que rien de ce qui vit
sur terre ne pouvait lui disputer ce droit.
La première fois qu'il dit au
mouton : « la peau que tu portes, ce n'est pas pour toi, mais pour moi que
la nature te l'a donnée », qu'il lui retira et s'en revêtit, il découvrit un
privilège, qu'il avait, en raison de sa nature, sur tous les animaux.
Et il
cessa de les considérer comme ses compagnons dans la création, pour
les regarder comme des moyens et des instruments mis à la disposition
de sa volonté en vue d'atteindre les desseins 2 qu'il se propose.
Cette représentation implique (obscurément sans doute) cette
contrepartie, à savoir qu'il n'avait pas le droit de traiter un autre homme
de cette façon, mais qu'il devait le considérer comme un associé
participant sur un pied d'égalité avec lui aux dons de la nature."
KANT
1.
la fin : le but
2.
les desseins : les projets
1.
Dégagez la thèse de l'auteur et les étapes de son argumentation.
2.
Expliquez
a.
« qu'il était proprement la fin de la nature»
b.
« qu'il n'avait pas le droit de traiter un autre homme de cette façon »
1.
Dégagez la thèse de l'auteur et les étapes de son argumentation.
Kant fait ici la généalogie de la raison humaine et de son rapport à la nature.
Il évoque le moment où la conscience a
permis à l'homme de se comprendre comme couronnement de la création et fin de la nature, et non plus comme un
élément de la nature parmi d'autres.
Le simple fait de parler de nature indique d'ailleurs que l'homme se distingue de
tout ce qu'il perçoit.
Le texte se déroule en deux temps.
Tout d'abord, Kant explique comment l'homme a réalisé la transition vers une
nature considérée intégralement comme un ensemble de moyens à son service : il illustre ainsi la célèbre formule de
Descartes selon laquelle nous sommes destinés à nous rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature ».
Il
montre ensuite que cette distinction est créatrice de solidarité et de moralité puisque toute l'espèce humaine est
considérée comme ayant un statut spécifique, celui de seule catégorie échappant par principe à une pure et simple
utilisation.
2.
Expliquez:
a.
« qu'il était proprement la fin de la nature ».
La notion de « fin » indique une intention, un but.
Comment l'homme peut-il se comprendre comme « fin de la nature »
? Lorsque nous contemplons la nature, dit Kant, nous ne pouvons nous empêcher de penser que tout en elle
correspond à un but : tous les organes des animaux ont une fonction adaptée à leur milieu, les moindres détails
révèlent des trésors de complexité aboutissant à l'exécution de tâches parfois très simples.
Comme l'homme, par son
intelligence, trouve le moyen d'utiliser à son profit tout ce qu'il découvre dans la nature, il en vient naturellement à
considérer que c'est spécifiquement pour lui que tout a été créé, vers lui que tout converge.
C'est une vue de l'esprit
qui caractérise la conception anthropocentrique de la nature.
En fait Kant précise que cette idée, bien qu'inévitable,
ne peut être considérée comme une connaissance positive, mais uniquement comme un « concept réfléchissant » qui
donne un fil directeur pour penser la cohérence de ce que l'on voit.
De même, on ne peut pas démontrer positivement
qu'un organe a été créé pour assumer une fonction, on peut seulement constater qu'il le fait.
b.
« qu'il n'avait pas le droit de traiter un autre homme de cette façon »
Pourquoi l'homme épargne-t-il ses semblables alors qu'il estime avoir le droit d'exploiter toute la création comme un
ensemble de moyens mis à sa disposition ? Parce que tous les hommes sont la fin de la nature, et qu'à ce titre, ils
n'ont pas seulement un prix comme tout le reste des êtres de la nature, ils ont une dignité que l'homme doit respecter.
Cette « contrepartie » est critiquée par certains partisans actuels de l'écologie et de la protection des animaux comme
étant l'équivalent, à l'égard de la nature, du racisme l'homme privilégie arbitrairement son espèce et affirme n'avoir de
devoirs qu'envers elle alors que tout le reste de la création peut être exploité sans merci..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le bois dont l'homme est fait est si courbe qu'on ne peut rien y tailler de droit. Kant
- Les sens sans la raison son vides, mais la raison sans les sens est aveugle (Kant)
- La paresse et la lâcheté - KANT, Réponse à la question: Qu'est-ce que les Lumières?
- Montrez les différents éléments de l’argumentation qui permettent d’établir que Kant a une conception de la conscience qui se trouve être encore ici d’inspiration cartésienne
- E. Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique: la conscience