Justice et vengeance
Extrait du document
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VOCABULAIRE:
JUSTICE:
a) Juste reconnaissance du mérite et des droits de chacun.
b) Caractère de ce qui est conforme au droit positif (légal) ou au droit naturel (légitime).
Lors de la célèbre affaire Villemin, la mère du petit Gégory, accusée du meurtre de son fils, fut relaxée faute de
preuves.
Le père, convaincu de la culpabilité de son beau-frère, qui ne fut jamais mis en examen, décida de rendre
lui-même la justice : Jean-Marie Villemin abattit Bernard Laroche d'un coup de fusil.
La vengeance s'était
substituée à la punition, la victime au juge et au bourreau ; mais qui a dans cette affaire le mieux servi la justice ?
Si Laroche était coupable, n'était-ce pas plus juste ainsi ? Qu'avait à faire l'État dans une affaire de famille ?
1.
La vengeance est la meilleure justice.
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La vengeance directe satisfait le plus souvent mieux la personne lésée que la punition de son agresseur par
une tierce personne : du point de vue personnel de celui qui se venge, il semble toujours juste qu'il rende luimême immédiatement, bien qu'avec équité et proportion, le coup qu'on lui porte, puisque c'est lui qu'on a lésé.
Ainsi en est-il encore de la justice dans certains pays.
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La justice fonctionne ainsi selon une logique de compensation.
Telle peine correspondant au plaisir de l'infliger
à son tour, la vengeance, « plat qui se mange froid », rééquilibre l'état d'injustice.
De fait, après la punition du
coupable par la justice, les victimes ont souvent un sentiment de frustration de ne pas l'avoir exécutée ellesmêmes.
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D'autre part cependant, pour que la vengeance paraisse juste, il faut qu'elle ne déborde pas le dommage
subi : cette juste proportion est appelée « loi du talion » : oeil pour oeil, dent pour dent.
Si elle la dépassait, la
vengeance serait une injustice, et appellerait à son tour une vengeance.
Tant qu'elle observe ces limites, la
justice est respectée.
Kafka imagine, dans sa « Colonie pénitentiaire », une machine à rendre justice, qui grave
sur le dos des coupables la loi qu'ils ont enfreinte : si la machine s'emballe, personne n'est responsable de ses
débordements.
Celui qui se venge au contraire porterait la responsabilité de ses excès, et s'attirerait à son tour
une juste vengeance.
2.
La vengeance est la pire des injustices.
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Cependant la juste proportion de la vengeance, et sa nécessité même ne sont estimées que par la victime,
qui se fait ainsi juge et partie ; mais du point de vue de celui qui l'a lésé, et qui subit la vengeance, le dommage
n'avait-il pas été infligé en toute justice ? De part et d'autre, la situation est différente : le dommage infligé à
celui qui se vengera l'est avec justice selon celui qui le lui inflige, mais pas pour celui qui se venge ; la
vengeance de ce dernier est donc à son tour injuste pour le premier, et appelle à ce titre la nécessité d'une
vengeance pour rétablir la justice.
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La justice des particuliers est donc une justice des points de vue, ou justice subjective, qui entraîne une
infinité de vengeances successives sans que jamais justice objective ne soit rendue : je me venge sur toi de ce
que tu m'as fait subir, pensant être dans ton droit ; comme tu pensais être dans ton droit, cette vengeance qui
m'apparaît juste à moi n'a pas lieu d'être pour toi, et t'apparaît comme une injustice, dont tu cherches à te
venger à ton tour, et ainsi de suite.
Selon une version particulière du droit du plus fort, celui qui a le dernier mot
a donc toujours la justice de son côté, et le droit change sans cesse de bord.
3.
La justice doit se substituer à la vengeance.
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Pour y remédier, on introduit dans le cycle infini de l'immédiateté des vengeances la médiation du juge et du
bourreau ; désintéressés ils rendent une justice objective, cad dégagée de tout point de vue subjectif et de
tout mobile, soustraite par là-même à cette séquence infinie de crimes.
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La punition, résultat de cette médiation, est donc la meilleure façon de rendre la justice, et la vengeance
nous paraît être la pire des injustices..
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