Justice et inégalité sont-elles incompatibles ?
Extrait du document
«
POUR DÉMARRER
Justice, à savoir respect de la dignité humaine dans la personne de son semblable comme dans sa propre personne,
et inégalité— non-respect du droit qu'aurait chacun d'être traité de façon identique — sont-elles contradictoires et
opposées, exclusives l'une de l'autre ? Un sujet qui vous interroge sur les fondements de la justice.
CONSEILS PRATIQUES
Attention ! De prime abord, la justice, c'est l'égalité.
Dans la pensée moderne, la justice est le principe de l'égalité
qu'elle produit et respecte.
Elle consiste à maintenir également le droit de chacun.
Toutefois, justice et inégalité ne
sont pas totalement opposées.
II y a des inégalités justes, par le travail, le mérite : tous ne contribuent pas de
façon identique aux richesses de la société.
Vous serez donc conduits, lors de l'analyse du sujet, à bien examiner les
domaines différents dans lesquels on peut parler de justice (droit, économie, honneurs, etc.).
BIBLIOGRAPHIE
PROUDHON, De la justice dans la révolution et dans l'Église, Marpon.
J.
RAWLS, Théorie de la justice, Seuil.
SPINOZA, Traité théologico-politique, Garnier-Flammarion.
Problématique:
L'idée de justice implique une égalité de traitement entre deux personnes.
Mais, s'il est juste de prendre en compte
les particularités de chacun, alors un traitement inégal peut être juste.
Ce sont en fait les critères de ce choix qui
peuvent ou non être justes.
Que la justice puisse devenir inégalitaire présuppose qu'en son concept la justice est égalitaire.
Or ce postulat n'a
rien d'évident.
Le plus souvent on assimile la justice à l'égalité, on la fige dans l'immuabilité d'une définition.
Or ici la
justice s'entend en un sens dynamique, puisque l'on admet qu'elle engendre l'égalité entre les personnes.
La question nous invite à aborder la justice sous un angle original.
L'interrogation ne porte pas sur l'essence de la
justice, sur ce qu'est la justice en tant que telle.
Elle suggère d'envisager la justice plutôt par les effets qu'elle
produit.
Rien ne sert donc de raisonner sur le concept abstrait de justice.
Il faut s'intéresser à la justice telle qu'elle
s'exerce.
En remontant de l'effet à la cause, nous pourrons obtenir peut-être de savoir ce qui la spécifie.
Faire de la
justice le sujet d'un processus égalitaire, revient à la situer d'emblée dans le cadre de la pensée politique.
En dehors
de la justice divine, qui ne vaut que pour les croyants, il reste la justice des hommes, qui s'exerce matériellement
par l'intermédiaire du pouvoir politique.
Admettons – ce qu'il faudra discuter – que la justice vise l'égalité entre les hommes.
Comment deviendra-t-elle
inégalitaire? Comment comprendre que la justice puisse s'écarter d'elle-même, et se renverser en son contraire? De
deux choses l'une :
— Si la justice crée des inégalités, elle produit donc des effets contraires à sa nature, ce qui n'a pas de sens, sauf
à entendre qu'il y a usurpation et qu'en définitive l'injustice s'est parée indûment des vêtements de la justice.
Cela
n'a plus alors aucune signification de se demander si la justice peut devenir inégalitaire.
Que la justice dégénère et
se transforme en injustice, voilà les nouveaux termes de la question.
La justice peut-elle virer à l'injustice et se
corrompre par soi seule?
— On peut concevoir aussi bien que la justice génère des inégalités sans pour autant qu'elle ne devienne injuste.
Et
c'est là au fond le problème principal.
Nous sommes habitués à croire
que toute inégalité traduit une forme d'injustice.
Nous n'imaginons pas qu'il puisse exister des inégalités justes.
C'est
que nous tirons nos conclusions avec trop de hâte.
Car de quelles inégalités parlons-nous? Des inégalités de droit,
ou des inégalités sociales et économiques? Toute la difficulté naît de l'interférence de ces deux concepts
radicalement distincts.
Ainsi notre problème initial en dissimule un autre plus profond, celui de la justice sociale.
La justice politique (l'égalité
des droits) est-elle compatible avec la justice sociale (l'égalité dite réelle ou économique) ? Nous nous réclamons
tous, peu ou prou, de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 89, qui nous rappelle que
«tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit».
Mais quel prix devons-nous payer aujourd'hui, si
tout en même temps nous faisons profession de vouloir réduire les inégalités sociales et économiques qui creusent le
fossé entre les riches et les pauvres?
1.
Justice et loi
1.
Avant de savoir si la justice institue l'égalité, ou au contraire introduit des inégalités entre les hommes, il faut
s'interroger sur la condition naturelle de l'homme.
Or il est de fait que chacun naît avec des aptitudes variables
quant au physique et à l'intelligence.
Nous ne décidons pas par exemple de notre constitution corporelle.
Il y a donc
sans nul doute une inégalité naturelle entre les hommes, car chaque individu est un être à part entière qui diffère
des autres.
La nature répartit les qualités entre les hommes sans discernement.
Le hasard règne en maître absolu.
Cela dit, cette façon de voir est bien rapide.
On peut estimer que les inégalités naturelles sont minimes, qu'il y a une
certaine uniformité entre les hommes tels qu'ils sortent des mains de la nature.
Il n'existe à la naissance que des
virtualités sur lesquelles on ne peut établir que de vagues conjectures.
C'est la vie en société, la culture, qui
sollicitent les facultés qui sommeillent en l'homme.
Voilà pourquoi selon Rousseau «la différence d'homme à homme.
»
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