JUSQU'À QUEL POINT CONNAÎTRE IMPLIQUE-T-IL DE DOUTER ?
Extrait du document
«
Évoquer la connaissance, c'est en apparence faire allusion à un savoir acquis, déjà constitué, proposant à l'esprit
une richesse positive.
L'histoire du savoir (notamment scientifique) montre cependant que la connaissance n'est
jamais définitive, qu'elle est périodiquement remise en doute.
Il est donc utile d'examiner l'importance du doute dans
la constitution du savoir et de son évolution.
L'attitude philosophique commence par inscrire, explicitement ou non, la nécessité du doute dans la réflexion.
On peut ainsi admettre que le doute est au fondement de l'interrogation socratique (il est même double: Socrate
doute de sa connaissance en même temps que du savoir prétendu de ses concitoyens).
Mais c'est évidemment chez Descartes que le doute, devenant méthodique (cf.
Discours de la méthode) et
hyperbolique, est affirmé comme moment absolument nécessaire et constitutif du processus de la connaissance.
Pourquoi est-il nécessaire de douter si l'on veut «bien conduire sa raison et trouver la vérité dans les sciences»?
Parce que l'esprit est aisément trompe
• par les sens,
• par les opinions,
• par les connaissances acquises, dont un rapide examen montre qu'elles n'ont rien de certain.
Le doute apparaît ici comme une hygiène de l'esprit, qui doit se débarrasser en premier lieu de toutes les fausses
connaissances qui l'encombrent initialement.
La philosophie est décidément hostile à l'opinion.
Mais le doute est également nécessaire dans l'élaboration de la connaissance scientifique.
Selon l'analyse classique de C.
Bernard, l'esprit scientifique doit être en permanence prêt à douter de ce qu'il sait,
pour être réceptif aux faits nouveaux et se rendre capable de les observer convenablement.
Ces faits polémiques,
qui doivent susciter des explications nouvelles, sont d'abord pris en charge par des hypothèses.
Mais ces dernières
ne peuvent être admises qu'après leur vérification expérimentale — ce qui signifie bien que, tant que cette
vérification n'est pas faite, l'hypothèse ou «explication anticipée » reste considérée avec une nécessaire suspicion.
En adoptant un point de vue historique, Bachelard a de son côté montré
• que l'esprit scientifique ne peut se constituer qu'en se méfiant de l'opinion et de ce que semble indiquer
spontanément la perception (cf.
la notion d'obstacle épistémologique),
• qu'il doit demeurer indéfiniment capable de remettre en chantier le savoir acquis, même apparemment le mieux
constitué.
Le doute investit alors la communauté scientifique elle-même, en tant qu'il prépare la refonte permanente
des théories et admet qu'une vérité scientifique est par définition provisoire.
Philosophiquement cependant, on ne saurait maintenir le doute comme une exigence telle qu'aucune affirmation ne
devienne possible.
Le scepticisme absolu mène au mutisme (et à une contradiction puisqu'il affirme au moins une
certitude : qu'il est impossible de savoir avec certitude), et dès que Descartes — c'est ce qui prouve que son doute
constitue bien le moment d'une méthode — rencontre une vérité incontestable (en l'occurrence, le cogito),
l'hypothèse du Malin Génie qui renforçait l'obligation à douter est abandonnée: un discours affirmatif redevient
possible.
Il en va bien entendu de même en science: le doute prépare l'élaboration de la connaissance, mais lorsque celle-ci
est constituée, le doute doit (momentanément) disparaître, faute de quoi aucune loi scientifique ne pourrait être
énoncée.
Plus fondamentalement, il est clair que le scientifique ne doute pas de la possibilité et de la validité de la
science elle-même, de l'éventualité de trouver des vérités (même s'il sait complémentairement qu'elles seront
provisoires).
Un doute intégral conteste la possibilité même de connaître quoi que ce soit.
Dès que l'on admet au contraire qu'il
est probable de connaître (que ce soit philosophiquement ou scientifiquement), le doute demeure nécessaire — mais
il ne constitue qu'une étape de la pensée.
Analyse du sujet :
Le sujet prend la forme d'une question fermée, à laquelle il s'agira de répondre par « oui » ou « non » en conclusion,
au terme d'une argumentation documentée.
On peut distinguer la connaissance théorique de la connaissance pratique, cette seconde étant plus proche du
savoir faire.
Dans le premier cas, connaître s'oppose à agir, dans la mesure où la connaissance théorique est désintéressée, alors
que l'action vise un objectif pratique
La connaissance, pour mériter ce nom, requiert un fondement rationnel qui garantit sa vérité.
En cela, elle s'oppose
à la croyance et à la foi.
La croyance, en effet, peut toujours se passer de certitude et n'a de ce fait pas besoin
d'être absolument fondée.
La foi, qui quant à elle est certaine, présuppose un fondement, mais ce fondement n'est
pas nécessairement rationnel.
Pour les mêmes raisons, on peut opposer la connaissance à l'opinion, qui peut se passer de fondement rationnel.
La connaissance, enfin, doit être connaissance vraie.
C'est précisément la vérité de ce qu'elle énonce qu'il s'agit de
garantir en fondant la connaissance.
Remarquons enfin que si l'opinion peut se passer de fondement absolue, rien ne
lui empêche d'être une opinion vraie..
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