J.J. Rousseau - "Rêveries du promeneur solitaire", quatrième promenade
Extrait du document
«
Texte de Rousseau
Introduction :
Dans cette partie des Rêveries du promeneur solitaire, Rousseau se
soucie surtout du problème de la vérité.
Or, comment aborder ce problème au
mieux si ce n'est en contribuant à établir exactement ce qu'est son opposé:
le mensonge.
Le travail de l'auteur va donc être ici de chercher à définir ce
qu'est exactement le mensonge, ce qui le caractérise essentiellement.
Il est
bien clair que mentir consiste à dire quelque chose de faux.
Mais, le faux
porte-t-il toujours le mensonge? D'un point de vue moral, il semble que la
réponse soit affirmative.
Ne pas dire la vérité, ou dire quelque chose de faux,
n'est rien d'autre qu'un mensonge.
Or, qu'en est-il alors de l'œuvre
romanesque, par exemple, qui invente une histoire ? Pourrait-on dire
aujourd'hui que toutes les œuvres de cinéma ou tous les romans sont des
mensonges? Il nous faut alors déterminer des critères essentiels du mensonge
pour arriver à le cerner exactement.
L'intention se révèle alors primordiale.
Nous ne mentons jamais qu'en pleine conscience.
Si nous découvrions,par
exemple, que les Lumières se sont trompées dans leurs analyses sur le monde,
nous ne pourrions dire qu'elles ont menti dans la mesure où elles ne
connaissaient pas le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui.
La
maîtrise des conséquences d'un mensonge apparaissent également cruciales.
Si nous mentons pour autre chose que le mensonge lui-même, ce dernier ne
sera pas nécessairement un mal absolu, mais pourra être considéré comme un simple moyen, voire un moyen en vue
d'un bien.
Pourrons-nous alors appeler mensonge un « dire faux » qui n'a aucune conséquence morale? En sortant de
ce domaine moral, nous pourrons trouver une valeur esthétique, artistique, à ce qui ne fait pas que raconter la
vérité.
I/ La définition du mensonge
Rousseau commence ici , dans la première phrase de cet extrait, par essayer de cerner ce qu'est le
mensonge.
D'abord, le mensonge se manifeste dans le domaine du dire, de la parole.
Or, à quel mode de parole se
réfère-t-il ? Rousseau emploie ici le terme de « dire faux ».
Nous entendons par ceci le fait de ne pas dire la vérité,
selon la définition classique de cette dernière(adéquation entre ce qui est et ce qui est dit).
Dire faux, ce sera
donc ne pas dire les choses comme elles sont.
Cependant, Rousseau établit d'emblée une distinction qui va nous permettre de nous rapprocher de l'essence du
mensonge.
Tout « dire faux », en effet, n'est pas mensonge.
Si nous disons quelque chose avec certitude et si
malgré nous, nous nous trompons, nous ne pouvons pas en conclure qu'il s'agisse d'un mensonge.
Il s'agira bien
plutôt d'ignorance.
Nous ne pouvons pas mentir sur ce que nous ignorons.
Le critère essentiel du mensonge semble
alors être « l'intention de tromper ».
Il n'y a ainsi mensonge que lorsque nous disons volontairement, et en toute
connaissance de cause, quelque chose de contraire à ce qui est vrai.
Mentir, c'est ne pas dire consciemment la
vérité, et donc faire passer ce qui n'est pas pour ce qui est en approuvant cette action.
Il n'en reste pas moins que
l'essence du mensonge nous échappe encore.
En effet, ne pensons-nous pas parfois qu'il est nécessaire de mentir
en vue d'un bien? Reprenant le célèbre exemple de la République de Platon, serait-il bon de rendre ses armes à un
homme qui nous les avait confiées et qui serait devenu fou entre temps? Si le mensonge, d'un point de vue moral,
comme volonté de plonger autrui dans l' ignorance, est condamnable, n'y a-t-il pas un usage éthique possible du
mensonge? Ainsi, « le but contraire de l'intention de nuire » serait bien cette volonté d'user d'un mal pour un bien,
de pratiquer le mensonge pour éviter un mal plus grand.
Quelles seraient alors les conditions à réunir pour que le
mensonge ne serve que de moyen au bien?
II/ Le mensonge peut-il être innocent?
Les conditions à réunir dans ce cas de figure sont explicitement énoncées par Rousseau dans les deux
phrases suivantes.
D 'emblée, toute intention de nuire qui ne serait pas « expresse » est écartée comme prétexte
possible au mensonge.
En effet, être dans l'ignorance des conséquences de son mensonge ne peut en aucun cas
justifier son emploi.
Si quelqu'un ment, avons-nous dit en première partie, il le fait consciemment et avec intention
de le faire (le cas de l'ignorance a été écarté).
Cette personne en porte alors la responsabilité.
Or, cette
responsabilité exige d'avoir saisi ce que pourront être les conséquences d'un tel acte, et d'avoir à les supporter
lorsque celles-ci se présenteront.
Mentir sans savoir si cela va nuire ou pas est donc un comportement irresponsable
qui ne peut être invoqué pour innocenter le mensonge.
Il nous faut, à l'inverse, « la certitude » que ce mensonge ne
puisse être nuisible en aucun cas.
Autrement dit, nous devons maîtriser entièrement toutes les conséquences que le
mensonge prononcé volontairement pourra avoir pour nous permettre de l'employer comme un moyen.
Si ces
conséquences nous dépassent , la valeur de simple moyen employé pour un bien, n'est pas recevable.
Cependant,
en reprenant cette fois un célèbre exemple cité dans la Raison dans l'Histoire de Hegel, examinons le cas suivant.
Un
homme met le feu à la maison de quelqu'un qui l'a offensé pour se venger de cette offense.
Cet acte peut être
compréhensible dans la mesure où il n'est qu'une réponse à l'injustice qui a été commise.
Néanmoins, le feu peut très
bien se propager aux autres maisons à proximité, et par la suite enflammer un quartier tout entier.
Si le feu ravage.
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