Jean-Paul SARTRE: L'homme n'est rien d'autre que son projet
Extrait du document
«
L'homme n'est rien d'autre que son projet, il n'existe que dans la mesure
où il se réalise, il n'est donc rien d'autre que l'ensemble de ses actes, rien
d'autre que sa vie.
D'après ceci, nous pouvons comprendre pourquoi
notre doctrine fait horreur à un certain nombre de gens.
Car souvent ils
n'ont qu'une seule manière de supporter leur misère, c'est de penser : «
Les circonstances ont été contre moi, je valais beaucoup mieux que ce
que j'ai été ; bien sûr, je n'ai pas eu de grand amour, ou de grande amitié,
mais c'est parce que je n'ai pas rencontré un homme ou une femme qui
en fussent dignes, je n'ai pas écrit de très bons livres, c'est parce que je
n'ai pas eu de loisirs pour le faire...
Sont restées donc, chez moi,
inemployées, et entièrement viables une foule de dispositions,
d'inclinations, de possibilités qui me donnent une valeur que la simple
série de mes actes ne permet pas d'inférer.
» Or, en réalité, il n'y a pas
d'amour autre que celui qui se construit, il n'y a pas de possibilité d'amour
autre que celle qui se manifeste dans un amour ; il n'y a pas de génie
autre que celui qui s'exprime dans des oeuvres d'art...
Un homme
s'engage dans sa vie, dessine sa figure, et en dehors de cette figure il n'y
a rien.
Évidemment, cette pensée peut paraître dure à quelqu'un qui n'a
pas réussi sa vie.
Mais d'autre part, elle dispose les gens à comprendre
que seule compte la réalité, que les rêves, les attentes, les espoirs
permettent seulement de définir un homme comme rêve déçu, comme
espoirs avortés, comme attentes inutiles ; c'est-à-dire que ça les définit
en négatif et non en positif.
VOCABULAIRE:
EMPIRIQUE (adj.): Qui découle de l’expérience ou qui ne se règle que sur elle.
Le savoir empirique découle
largement de l’habitude, qui lui permet de repérer des régularités dans l’expérience (par exemple, telle plante soulage
toujours telle douleur).
Ce savoir s’obtient par tâtonnements, par essais et erreurs, mais ce n’est pourtant pas un
savoir scientifique ou expérimental.
En effet, il ne sait pas vraiment expliquer ce qu’il observe, il ignore les causalités
réellement agissantes (par exemple, l’action physique-chimique de la plante dans l’organisme).
Liberté : ce n'est pas une propriété parmi d'autres de l'homme, c'est l'étoffe même de son existence, qui renvoie à
cette indétermination (« l'existence précède l'essence ») et à cette ouverture aux possibles qui caractérisent la réalité
humaine.
Selon une formule récurrente de Sartre, « l'homme est condamné à être libre ».
De cette liberté découle sa
responsabilité.
Elle s'éprouve dans l'angoisse.
Projet: traduction du terme heideggérien Entwurf.
C'est ce qui caractérise le mode d'être de l'homme en un sens
ontologique radical : l'homme est projet, c'est-à-dire existe en se projetant indéfiniment en avant de soi vers l'avenir,
vers ses fins, vers l'être qu'il a à être sans jamais coïncider avec lui.
Le projet fondamental d'une existence est le
projet qui constitue la signification synthétique profonde des multiples projets secondaires.
C'est ce que vise à mettre
au jour la psychanalyse existentielle.
Déterminisme : théorie consistant à affirmer que tout ce qui arrive dans le monde est l'effet d'une cause préalable.
Le déterminisme est le plus souvent affirmé comme un facteur conditionnant l'activité humaine.
En-soi : manière d'être de l'ensemble des choses, des êtres distincts de la conscience.
Introduction
Quelle est l'idée générale de ce texte ? Sartre y affirme ici la pleine et totale responsabilité humaine.
Loin de pouvoir se
définir par ses virtualités, l'homme se ramène entièrement à ses actes, dont il est totalement responsable.
En fait deux
thèmes s'unifient et se rassemblent dans ces lignes : celui de la liberté humaine et celui de la non-valeur de l'intériorité
pure et simple, le recours à cette dernière constituant un stratagème de la mauvaise foi.
Le problème qui est posé
dans ces lignes est donc celui de la liberté conçue comme projet engageant totalement la responsabilité de l'homme,
liberté absolue.
Que penser de cette position de la liberté ?
Dans les premières lignes du texte (« L'homme n'est rien...
que sa vie »), la thèse générale de Sartre est brièvement
exprimée et résumée.
Les lignes suivantes (« D'après ceci...
inférer ») donnent à voir les divers arguments invoqués
par la conception adverse.
Puis Sartre (« Or, en réalité...
il n'y a rien ») développe sa propre théorie, celle d'une liberté
totale s'attachant uniquement aux faits et aux actes.
Enfin, dans les dernières lignes, Sartre souligne que sa
conception, peut-être dure, est essentiellement réaliste.
Étude ordonnée
Au début du texte, Sartre définit l'homme par son projet.
Qu'est-ce que cette notion de projet? Il faut la prendre au
sens le plus radical du terme.
L'homme est projet : il se jette en avant de lui-même, vers un avenir.
Il est tout d'abord
une conscience qui s'anticipe, qui est en avant d'elle-même, qui se transcende vers un futur.
Parler de projet, c'est.
»
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