« Je dirai de l'argent ce qu'on disait de Caligula, qu'il n'y avait jamais eu un si bon esclave et un si méchant maître ». Mes Pensées, 1127 Montesquieu, Charles de Secondat, baron de ?
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L'argent est le moyen ou l'instrument permettant d'acquérir des biens. Caligula était un empereur romain qui, atteint d'une grave maladie, tomba dans le despotisme et la mégalomanie. Quel peut être alors le rapport que dresse Montesquieu entre l'argent et Caligula ? A n'en pas douter, il s'agit d'une critique de l'argent mais surtout de ce qu'il représente et du culte que l'on peut lui vouer. Mais est-ce à dire alors que l'argent est aussi atteint par une forme de maladie ? En effet, le rapport entre l'esclavage et le bon maître peut se comprendre en deux sens. Au début de son règne, Caligula était juste jusqu'à sa maladie. En ce sens, on peut dire qu'il aurait été un bon esclave de Rome dans la conduite des affaires pour devenir par la suite un maître despote. Peu convaincante, on peut plutôt dire que l'homme est dans les cas un esclave mais qui se soumet volontairement à sa puissance, est docile face à lui alors qu'il n'a affaire qu'à un être assoiffé de son sang. Dès lors, il s'agit de question le sens, le fondement et la valeur de cette puissance de l'argent.
Si l'argent est roi (1ère partie), il convient d'en étudier le fondement (2nd partie) pour établir justement son changement presque maladif c'est-à-dire son pouvoir usurpé (3ème partie).
«
« Je dirai de l'argent ce qu'on disait de Caligula, qu'il n'y avait jamais eu un si bon esclave et un si
méchant maître ».
Mes Pensées, 1127 Montesquieu, Charles de Secondat, baron de
Introduction :
L'argent est le moyen ou l'instrument permettant d'acquérir des biens.
Caligula était un empereur romain
qui, atteint d'une grave maladie, tomba dans le despotisme et la mégalomanie.
Quel peut être alors le rapport que
dresse Montesquieu entre l'argent et Caligula ? A n'en pas douter, il s'agit d'une critique de l'argent mais surtout de
ce qu'il représente et du culte que l'on peut lui vouer.
Mais est-ce à dire alors que l'argent est aussi atteint par une
forme de maladie ? En effet, le rapport entre l'esclavage et le bon maître peut se comprendre en deux sens.
Au
début de son règne, Caligula était juste jusqu'à sa maladie.
En ce sens, on peut dire qu'il aurait été un bon esclave
de Rome dans la conduite des affaires pour devenir par la suite un maître despote.
Peu convaincante, on peut plutôt
dire que l'homme est dans les cas un esclave mais qui se soumet volontairement à sa puissance, est docile face à lui
alors qu'il n'a affaire qu'à un être assoiffé de son sang.
Dès lors, il s'agit de question le sens, le fondement et la
valeur de cette puissance de l'argent.
Si l'argent est roi (1ère partie), il convient d'en étudier le fondement (2nd partie) pour établir justement son
changement presque maladif c'est-à-dire son pouvoir usurpé (3ème partie).
I – L'asservissement
a) S'il convient effectivement de voir dans l'argent un pouvoir d'asservissement et d'aliénation de soi-même mais
aussi sa recherche dans la maîtrise de sa dépense et de son utilisation, c'est bien dans la figure de l'avare que l'on
retrouve cette puissance de roi rendant fou ou obsédé et possessif.
C'est bien ce que l'on peut voir chez Molière
avec la caricature qu'il en fait dans l'Avare (on pourrait aussi envisager le cas de Balzac dans Eugénie Grandet) où
cette quête mène Harpagon jusqu'à la déraison : « HARPAGON.
- Hors d'ici tout à l'heure, et qu'on ne réplique pas.
Allons, que l'on détale de chez moi, maître juré filou ; vrai gibier de potence.
LA FLÈCHE.
- Je n'ai jamais rien vu de
si méchant que ce maudit vieillard ; et je pense, sauf correction, qu'il a le diable au corps.
[…] HARPAGON.
– […] Je
ne veux point avoir sans cesse devant moi un espion de mes affaires ; un traître, dont les yeux maudits assiégent
toutes mes actions, dévorent ce que je possède, et furettent de tous côtés pour voir s'il n'y a rien à voler.
LA
FLÈCHE.
- Comment diantre voulez-vous qu'on fasse pour vous voler ? Êtes-vous un homme volable, quand vous
renfermez toutes choses, et faites sentinelle jour et nuit ? […] HARPAGON.
- Je veux renfermer ce que bon me
semble, et faire sentinelle comme il me plaît.
Ne voilà pas de mes mouchards, qui prennent garde à ce qu'on fait ? Je
tremble qu'il n'ait soupçonné quelque chose de mon argent.
Ne serais-tu point homme à aller faire courir le bruit que
j'ai chez moi de l'argent caché ? LA FLÈCHE.
- Vous avez de l'argent caché ? HARPAGON.
- Non, coquin, je ne dis
pas cela.
(À part.) J'enrage.
Je demande si malicieusement tu n'irais point faire courir le bruit que j'en ai.[…]
HARPAGON.
- Viens çà, que je voie.
Montre-moi tes mains.
LA FLÈCHE.
- Les voilà.
HARPAGON.
- Les autres.
LA
FLÈCHE.
- Les autres ? […] HARPAGON.
- Oui.
Qu'est-ce que tu dis d'avarice, et d'avaricieux ? LA FLÈCHE.
- Je dis
que la peste soit de l'avarice, et des avaricieux.[…] HARPAGON.
- Et qui sont-ils ces avaricieux ? LA FLÈCHE.
- Des
vilains, et des ladres ».
b) Cet asservissement au nom du maître argent se conçoit suivant deux formes : l'avarice et la cupidité comme le
peut le définir Pascal Bruckner dans Avare, prodigue, cupide : « L'avarice est la maladie de la rétention, la
prodigalité celle de la dilapidation.
La première est l'amour de l'argent comme moyen absolu qui dépasse toutes les
fins : aucune jouissance ne peut l'égaler puisqu'il les contient potentiellement toutes.
Le grippe-sou n'accumule les
billets, les pièces d'or que pour s'interdire d'en profiter, certain que son magot tel qu'il est ne pourra jamais le
décevoir en raison même de son abstraction (Georg Simmel).
Qu'on l'écorne d'un centime, c'est comme si on
l'amputait, on l'écorchait vif.
Il est sa fortune beaucoup plus qu'il ne la possède, elle fait partie intégrante de son
être.
[…]Quant au cupide, en dépit de son image négative, il est le vrai héros du capitalisme, il cultive son gain de
façon méthodique et rationnelle.
Homme insatiable peut-être mais homme d'une seule passion, constant et
prévisible, il convoite des chiffres dont l'addition vertigineuse le met en joie, déclenche en lui une excitation
inépuisable.
Opération boursière, OPA, rachat, fusion, il vit en état d'effervescence, au rythme des décharges
d'adrénaline.
L'argent à ses yeux est un ventre d'une fécondité inépuisable, une substance qui soulève le monde,
accède à la beauté du colossal.
Et comme il n'est pas de quantités qui ne puissent être dépassées, son ardeur ni
son labeur ne connaissent de limites.
Chasseur d'improbable, il noue de nerveuses romances avec les cours et les
cotations, flaire les millions potentiels et pour chaque risque encouru connaît la volupté extraordinaire de la
déchéance ou de la gloire.
L'avare est personnage de l'économie statique, le prodigue de l'économie ostentatoire, le
cupide de l'économie florissante.
Nous sommes un peu des trois : il nous arrive de mégoter pour une somme
dérisoire, de flamber sur un coup de tête, d'entasser avec une avidité sans merci.
Il est heureusement d'autres
rapports plus apaisés, plus indifférents au veau d'or.
Mais pour ses adorateurs, l'argent n'est pas seulement un mal
qui fait du bien et un bien qui fait du mal, ce fumier sur lequel poussent les fleurs de la civilisation, pour reprendre
une image de Zola : il est aussi une consolation merveilleuse.
Tant qu'on s'occupe à le gagner, à le garder, à le
gâcher, il absorbe toute l'énergie, se suffit à lui-même, donne un sens parfait à la vie.
Il est habité de puissances
trop considérables pour souffrir la moindre concurrence.
Comme le savait l'Eglise, il est le seul rival de Dieu, capable
comme lui d'embrasser la multiplicité du monde dans son unité, de ne mettre aucune borne à son expansion.
Il est
une force spirituelle à vrai dire, le seul absolu que nous tolérions en période de relativisme ».
En ce sens, l'argent
rend l'homme esclave en tant qu'il perd sa liberté et son autonomie face à lui.
Il devient étranger à lui-même c'està-dire qu'il s'aliène.
L'argent le maîtrise alors dans la totalité de sa vie.
On rend alors un culte à l'argent comme.
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