J. Rousset, Forme et signification
Publié le 02/03/2023
Extrait du document
«
CULTURE GÉNÉRAL
DISSERTATIO
Sujet : « Entrer dans une œuvre, c’est changer d’univers, c’est ouvrir un horizon.
L’œuvre
se donne à la fois comme révélation d’un seuil infranchissable et comme pont jeté sur ce
seuil interdit.
Un monde clos se construit devant moi, mais une porte s’ouvre, qui fait partie
de la construction.
L’œuvre est ensemble une fermeture et un accès, un secret et la clé de
son secret.
Mais l’expérience première demeure celle du « nouveau monde » et de l’écart;
qu’elle soit récente ou classique, l’œuvre impose l’avènement d’un ordre en rupture avec
l’état existant, l’af rmation d’un règne qui obéit à ses lois et à sa logique propre.
» J.
Rousset, Forme et signi cation
L’art contemporain se confronte aujourd’hui à une forme d’hostilité.
Ainsi, la
raison qui a été avancé lors de la fermeture du Centre d’art de Chelles était que
l’art contemporain était trop élitiste.
Dès lors, on peut émettre l’hypothèse que
l’hostilité opposé à celui-ci provient de son prétendu élitisme.
L’idée alors véhiculée
est qu’une partie de la population française ne serait pas capable d’être sensible à
l’art de son temps et de le comprendre.
L’art est-il accessible à tous ?
En énonçant que « L’œuvre est ensemble une fermeture et un accès, un
secret et la clé de son secret » J.
Rousset attire l’attention de ses lecteurs sur le
problème de la perception et de la compréhension de l’œuvre d’art.
Il oppose ainsi
deux visions de l’œuvre d’art : ou bien son appréhension présente des obstacles,
des barrières qui ne sont pas franchissables ou du moins pas immédiatement, ou
bien elle peut s’ouvrir à celui qui tente de la pénètrer.
Pour J.
Rousset, la fermeture
l’emporte car « l’expérience première demeure celle du « nouveau monde » et de
l’écart ».
L’œuvre propose en effet « un ordre en rupture avec l’état existant », une
nouvelle expérience sensible du monde qui bouleverse le lecteur ou le spectateur.
L’œuvre nous frappe, nous interloque.
La première impression face à une
œuvre d’art est celle de l’étrangeté, le sentiment qu’elle se dérobe à nous, que son
sens nous est interdit.
E
fi
fi
N
fl
Le dessein même de l’œuvre, au-delà de sa visée du beau, est de susciter la
ré exion, le questionnement.
L’œuvre artistique comporte une visée de sens.
Dès
lors, on ne peut l’appréhender et la comprendre au premier regard, elle génère en
Les œuvres d’art relèvent de la sensation, de l’émotion, elles se situent dans
un domaine hors de l’entendement.
Elles suscitent en nous des sentiments dont on
ne comprend pas la cause.
L’art est une des origines du sentiment de sublime pour
Kant.
L’émotion que l’œuvre suscite ne se limite pas à l’agrément produit par la
beauté.
Le sublime nous frappe car sa représentation dépasse ce que notre
entendement peut mesurer.
L’art nous renvoie en quelque sorte à notre propre
nitude.
L’ampleur des pyramides d’Egypte dépasse en effet tout entendement, leur
réalisation elle-même semblant relever du mystère.
L’œuvre est donc
déconcertante, notre raison seule ne peut l’appréhender : c’est en cela qu’elle
apparaît comme inpénétrable, infranchissable.
On peut refuser de rentrer dans l’œuvre, consciemment ou non.
MerleauPonty montre que l’œuvre d’art n’a pas pour objet fondamental la représentation
gurative et agréable d’une scène donnée, l’œuvre donne à ré échir sur le monde
et la façon dont nous le percevons.
Dès lors, l’œuvre dérange, certains préfèreront
garder une frontière par rapport à elle car ils ne souhaitent pas accéder à son sens
véritable.
De plus, certaines conceptions de l’œuvre d’art nourrissent cette
fermeture de l’œuvre.
Certains estiment par exemple que l’œuvre doit être
« belle ».
Ils restent dès lors profondèmeent étrangers à des œuvres cultivant une
certaine esthétique du laid, comme le poème « Une charogne » de Baudelaire
.
fi
fl
.
Néanmoins, ce sentiment d’étrangeté, de fermeture de l’œuvre peut être
réduit.
Dans La pensée et le mouvement, Bergson expliquait que les oeuvres d’art
nous montraient « dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous des
choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ».
Pour
Bergson, les oeuvres d’art découvrent à nos regards des choses qui s’y trouvent
depuis toujours mais demeurent cachées sans le dévoilement qu’opère l’artiste.
Ainsi, il est possible de s’introduire dans l’œuvre
fi
fi
nous des interrogations dont les réponses nous échappent.
L’œuvre intrigue.
Pour
le peintre Paul Klee, « l’art rend visible l’invisible ».
Il s’agit de montrer le réel sous
un angle nouveau perturbant ainsi celui qui est confronté à l’œuvre artistique.
Les
tableaux de Mark Rothko représentant des rectangles de couleurs sont très
décontenançants.
Celui qui les regarde sait que l’œuvre a un sens mais celui-ci se
refuse à lui, il cherche ce que l’artiste a voulu représenter ou signi er.
Une frontière
semble s’installer entre lui et le tableau qui se dérobe à sa compréhension.
Il est possible de dépasser l’immédiate sensation de fermeture de l’œuvre
par un travail d’explication, de compréhension, cela suppose de consacrer un
minimum de temps à son appréhension.
On ne peut s’attendre à ce qu’elle livre sa
signi cation à la première seconde.
L’œuvre déclenche une ré exion.
Il faut
dépasser le sentiment de fermeture provoqué de prime abord.
Une fois passé
l’étonnement et les émotions, il faut repasser dans l’entendement.
Dans le poème
PSTT d’A.
Breton, la forme saugrenue d’un annuaire téléphonique perturbe le
lecteur, il ne comprend pas où l’œuvre veut en venir, il se demande si même elle
comporte un sens et si elle pourra lui livrer.
Après quelques lectures du poème, il
donne à comprendre une multitude de liens, une in nité de sens, de liaisons, de
correspondances, qui rendent compte du hasard poétique.
Breton parlera d’ailleurs
de « hasard objectif », c’est une vision de la réalité qui la dépasse, une sur-réalité.
En l’analysant, on peut même envisager le poème comme un art poétique du
surréalisme et dès lors comprendre son sens, rentrer dedans.
La connaissance du contexte de l’œuvre permet de dépasser ses barrières.
Cela permet d’expliciter sa signi cation et donc de l’apprivoiser.
Par exemple, dans
La Cène, Leonard de Vinci met en scène le dernier repas du Christ entouré des
douze Apôtres.
Si l’on ne s’intéresse pas au contexte, on perd une large partie de
son sens, la majorité de l’œuvre nous restera fermée.
Cette scène est une
fondation de la religion chrétienne, il faut savoir qu’il....
»
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