« Il n'y a rien de mieux au monde qu'une vie d'honnête homme; il n'y a rien de meilleur que le pain cuit des devoirs quotidiens. » Que pensez-vous de cette pensée formulée par Charles Péguy dans ses Cahiers de la quinzaine (VIIIe cahier, 7e série, p. 28)
Extrait du document
1. Le choix d'un idéal de vie a préoccupé les sages antiques; il préoccupe toujours les moralistes, les philosophes, les sociologues. Si bien que nous disposons aujourd'hui d'un riche échantillonnage de règles morales, dont tout bachelier pourrait établir la liste, en commençant par les morales stoïcienne, épicurienne et platonicienne pour aboutir à la morale de l'honneur, à la morale de l'héroïsme, à la morale du surhomme établie par Nietzsche, à la morale du devoir kantien, à la morale sans obligation ni sanction des sociologues, à la morale strictement individuelle des existentialistes enfin. 2. Dans le huitième de ses Cahiers de la quinzaine, Charles Péguy a formulé la sienne, traditionnelle évidemment puisque, après avoir combattu en franc-tireur dans les rangs socialistes, il avait décidé de combattre — toujours en franc-tireur — dans les rangs chrétiens et nationalistes. « Il n'y a rien de mieux au monde qu'une vie d'honnête homme, a-t-il écrit; il n'y a rien de meilleur que le pain cuit des devoirs quotidiens. » On découvre aisément, dans cette profession de foi lyrique d'un homme qui ne craint pas de paraître simple et soumis, une morale de chrétien, une morale de soldat et une morale de plébéien. C'est ce que nous nous attacherons à montrer.
«
« Il n'y a rien de mieux au monde qu'une vie d'honnête homme; il n'y a rien de meilleur que le pain cuit des devoirs
quotidiens.
» Que pensez-vous de cette pensée formulée par Charles Péguy dans ses Cahiers de la quinzaine (VIIIe
cahier, 7e série, p.
28).
Introduction.
1.
Le choix d'un idéal de vie a préoccupé les sages antiques; il préoccupe toujours les moralistes, les
philosophes, les sociologues.
Si bien que nous disposons aujourd'hui d'un riche échantillonnage de règles morales,
dont tout bachelier pourrait établir la liste, en commençant par les morales stoïcienne, épicurienne et platonicienne
pour aboutir à la morale de l'honneur, à la morale de l'héroïsme, à la morale du surhomme établie par Nietzsche, à la
morale du devoir kantien, à la morale sans obligation ni sanction des sociologues, à la morale strictement individuelle
des existentialistes enfin.
2.
Dans le huitième de ses Cahiers de la quinzaine, Charles Péguy a formulé la sienne, traditionnelle évidemment
puisque, après avoir combattu en franc-tireur dans les rangs socialistes, il avait décidé de combattre — toujours en
franc-tireur — dans les rangs chrétiens et nationalistes.
« Il n'y a rien de mieux au monde qu'une vie d'honnête
homme, a-t-il écrit; il n'y a rien de meilleur que le pain cuit des devoirs quotidiens.
» On découvre aisément, dans
cette profession de foi lyrique d'un homme qui ne craint pas de paraître simple et soumis, une morale de chrétien,
une morale de soldat et une morale de plébéien.
C'est ce que nous nous attacherons à montrer.
Une morale de chrétien.
1.
Parce que Dieu a formulé sa Loi, communiquée aux hommes par Moïse sous la forme
d'un Décalogue, les fils d'Adam sont tenus à l'obéissance, ils ont des devoirs.
Seuls, les lucifériens — dont Leconte
de Lisle s'est plu à célébrer la grandeur dans « Qaïn » — se rebellent contre la volonté divine.
Le fidèle, lui, se
soumet humblement.
La créature obéit à son Créateur.
En cela consiste l'honnêteté chrétienne.
Elle élève au rang
de vertus cardinales l'obéissance et l'humilité, dénonce la révolte.
Elle voit, dans l'orgueil, le péché par excellence, la
manifestation de Lucifer, l'anti-Dieu.
2.
Ne dissertons pas sans fin sur ces questions, comme on le fait depuis le haut moyen âge, semble dire Péguy; ne
cherchons pas à concevoir notre interprétation personnelle des devoirs du chrétien.
Toute opinion est une hérésie1.
L'hérétique se sépare du troupeau.
Nous devons nous y mêler, sans prétendre nous distinguer.
En dissolvant la
croyance, l'intelligence disperse l'heureuse communauté des ouailles du Bon Dieu et lance au hasard des individus qui
ne veulent chercher d'autre secours qu'en eux-mêmes.
Pas de subtile théologie, donc, mais du catéchisme.
Gerson
ne disait-il pas, il y a cinq siècles, que nous n'avons pas à nous demander si nos actions sont bonnes ou mauvaises,
mais seulement si elles sont agréables à Dieu? « Elles sont bonnes parce qu'il le veut, de même que les autres sont
mauvaises parce qu'il les défend.
» Gomme les chrétiens primitifs figurant dans l'hagiographie, nous obéirons sans
récriminer.
Charles Péguy se fait avec bonheur le soldat de Dieu, — ce qui ne veut pas dire : le soldat de l'Église.
Une morale de soldat.
1.
On sait avec quel plaisir Péguy porta l'uniforme et devint officier de réserve.
Il ne souffrit
jamais de la servitude militaire.
Il en sentit profondément la grandeur.
Quand la patrie fut en danger et qu'elle
l'appela aux frontières, il connut la plénitude du bonheur.
C'est que le lieutenant Péguy n'eut pas le temps de perdre
son ardeur dans la boue des tranchées, les attaques et les contre-attaques locales dont le seul résultat apparent,
pour l'officier de troupe, était l'accumulation des cadavres dans le « no man's land », la disparition successive des
meilleurs camarades.
En culotte rouge et dolman noir, coiffé d'un képi à la Mac Mahon, sabre au côté, il crut à la
conquête immédiate de l'Alsace et de la Lorraine dont il avait chanté le martyre avec Déroulède et Barrés.
Il crut à
la victoire rapide, et il tomba durant la bataille de la Marne, avant que la réflexion ait miné sa croyance et usé sa
fougue.
2.
Tous ceux qui l'ont connu en ces temps héroïques ont constaté le plaisir qu'il trouvait dans l'obéissance
immédiate et l'espoir du sacrifice.
« Il faut obéir aux supérieurs, non parce qu'ils sont justes, mais parce qu'ils sont
supérieurs », formulait Pascal.
Péguy devait se répéter souvent ce texte dont il avait fait sa propre opinion.
Comme
les héros de Servitude et Grandeur militaires, il vivait heureux de n'avoir pas à s'interroger, à choisir son chemin.
Le
soldat n'a pas à pétrir le pain de ses devoirs, ni à le cuire.
Ses chefs le lui servent doré à point.
Il n'a qu'à le
consommer; à obéir, quel que soit l'ordre et, bonheur suprême, jusqu'à la mort qui conduit à Dieu.
On éprouve
quelque gêne à remarquer que Péguy s'accordait sur ce point avec Joseph de Maistre2, selon qui « l'homme, en sa
qualité d'être à la fois moral et corrompu, juste dans son intelligence et pervers dans sa volonté, doit
nécessairement être gouverné »; avec Bonald aussi, dont on connaît la formule péremptoire : « Dans la société, il
n'y a pas de droits, il n'y a que des devoirs.
»
Morale de plébéien.
Cependant, Maistre, Bonald, Vigny étaient des seigneurs.
Charles Péguy était le fils d'une
rempailleuse.
Il avait salué, dans la Révolution, une conquête.
Il n'avait pas éprouvé le besoin de ruiner tout ce
qu'elle avait établi et de rejeter dans le néant les philosophes du XVIIIe siècle.
Dans les salons du Maine-Giraud ou
de Paris, M.
le comte de Vigny avait eu le temps de spéculer sur la valeur respective des morales, avant de placer
au-dessus de toutes la morale de l'honneur.
La rempailleuse orléanaise n'avait jamais appris à jongler avec les
concepts, à remettre en question les croyances, les usages, les lois, les idées.
Quotidiennement, de l'aube au soir,
elle maniait la paille et la canne, soucieuse de poser la paille à côté de la paille bien serrée ou de passer la canne
dans la maille cannée selon la loi de l'angle droit ou de la diagonale.
Elle n'avait connu d'autre plaisir, un rempaillage
fini, que de se reculer, pencher la tête et admirer son œuvre lorsqu'elle avait bien suivi les règles apprises durant
l'apprentissage, ou se morigéner si elle apercevait un défaut, se demander s'il faudrait refaire le travail, s'il n'était
pas malhonnête de le livrer à un client incapable d'apercevoir la maladresse...
Chaque jour accomplir sa tâche,
gagner son pain à la sueur de son front selon la volonté du Très-Haut : peut-on rêver plus bel idéal? Effaçant ses.
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