Husserl : La conscience
Extrait du document
«
La conception transcendantale de la conscience.
«Toute conscience est conscience de quelque chose.
» Husserl, Méditations
cartésiennes (1929).
• Dans le prolongement de Kant, Husserl développe la conception
«transcendantale» de la conscience, à savoir que la conscience construit, par la
perception et par l'entendement, les objets qui lui apparaissent.
Autrement dit,
elle n'est pas un réceptacle passif, mais elle n'est pas non plus une «monade»
close sur elle-même.
Il y a un rapport à l'extériorité, et l'activité de la
conscience consiste précisément, non pas à construire l'intégralité du monde à
l'intérieur de soi, mais à rendre possible une expérience du monde extérieur.
• Le mot «transcendantal» désigne ce qui, de l'intérieur de la conscience, rend
possible la construction de ce qui lui est extérieur.
Il ne s'agit pas d'aller jusqu'à
dire que c'est la conscience qui rend possible le monde - ou qui crée le monde.
Elle rend possible sa mise en rapport avec une extériorité, et c'est cette activité
qui la définit.
On trouve cette citation dans la seconde partie des « Méditations
cartésiennes » (1929).
Husserl (1859-1938) est le fondateur de la
phénoménologie et le précurseur de ce que l’on nomme l’existentialisme.
Le mot d’ordre de la phénoménologie est le retour aux choses mêmes.
Il s’agit de se battre contre une conception
positiviste de la science et contre les faux savoirs, pour s’interroger à nouveaux frais sur la façon dot les choses nous
apparaissent.
Notre citation apparaît dans les « Méditations métaphysiques ».
Le titre dit assez que Husserl entend se
réapproprier le projet cartésien de fonder les sciences.
Mais il tente aussi, dans ce qu’il nomme « les temps de
détresse », de fonder une véritable science de l’esprit, en se battant à la fois contre le « psychologisme » et contre le
modèle des sciences objectives de la nature.
« Partout à notre époque se manifeste le besoin pressant d’une compréhension de l’esprit […] Ma
conviction est que la phénoménologie a fait la première fois de l’esprit en tant qu’esprit le champ d’une expérience et
d’une science systématique, et opéré par-là le retournement total de la tâche de la connaissance.
»
On retrouve donc, au départ de notre texte, la même exigence de rigueur, de radicalité que chez
Descartes.
Husserl aussi pratique une sorte de doute qui consiste à suspendre notre croyance naïve et naturelle au
monde et à son existence.
Lui aussi découvre comme première certitude le « Je pense ».
Mais Descartes était pressé de fonder la science de son temps, et s’il découvrait le dualisme, il faisait de la
conscience une chose qui pense.
Descartes établissait une sorte de parallèle entre la « chose étendue », le corps, et
la « chose qui pense », la conscience.
Husserl reste attentif à une propriété remarquable de la conscience : « Toute conscience est conscience de quelque
chose ».
Chaque fois que je pense, je pense bien à quelque chose.
Cela veut dire que le « Je », la conscience vise toujours
autre chose qu’elle-même.
La conscience, si l’on veut, n’est jamais enfermée en elle-même, elle est toujours le
mouvement de se dépasser vers autre chose, vers un objet.
Que la conscience soit toujours en mouvement vers autre
chose, cela signifie que toute activité psychique est toujours dirigée vers autre chose qu’elle-même.
On ne peut plus,
comme tendait à le faire Descartes, assimiler la conscience à une chose ou à une intériorité.
Précisément, ce qui différencie la conscience de toutes les choses, de tous les objets –qui sont ce qu’ils sont- c’est
son caractère dynamique, qui fait qu’elle est toujours rapport à autre chose qu’elle-même, dépassement, mouvement,
vers un autre.
La pensée porte toujours un rapport au monde.
Etre conscient, c’est d’abord être présent au monde.
Les existentialistes (surtout Sartre) seront particulièrement attentifs à ce que Husserl nomme « intentionnalité », et
qui désigne ce caractère de la conscience d’être toujours conscience de.
Voici comment Sartre commente cette
formule : « Connaître, c’est s’éclater vers », s’arracher à la moite intimité gastrique pour filer là-bas, par delà soi ,
vers ce qui n’est pas soi, là-bas près de l’arbre, et cependant hors de lui .»
La pensée est décrite ici en terme de mouvement, de dynamique, et non plus de « moite intimité ».
Non seulement il n’y a pas de commune mesure entre les propriétés de la matière et celles de la pensée, mais il faut
ajouter que les choses et la conscience n’ont pas la même manière d’être.
L’existence propre de la conscience est
cette capacité de se transcender, de se projeter vers autre chose, de porter un rapport au monde auquel, par-là.
»
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