Hume: Le scepticisme
Extrait du document
«
1.
La question des fondements
En rendant compte de la vie humaine à partir d'habitudes intellectuelles, de croyances et de penchants affectifs, Hume fait
profession d'un
scepticisme modéré.
S'il met en doute de manière radicale notre capacité à fonder et légitimer
quelque connaissance ou action que ce soit et par là met en question l'idée que la philosophie
SCEPTICISME : Philosophie soit une recherche des fondements, il reconnaît à nos habitudes et autres croyances le pouvoir
de modérer ce scepticisme, car rien ne saurait suspendre la confiance qu'elles suscitent.
selon laquelle ou bien la vérité
n'existe pas, pu, bie, si elle
existe, elle est inconnaissable.
2.
La finalité
Si cette confiance se justifie, c'est que, de fait et de manière contingente, il y a bien un accord,
une sorte d'harmonie entre nos habitudes et l'ordre des choses.
L'habitude est, pour l'homme,
comme l'instinct pour l'animal : nous ne survivrions pas sans elle.
C'est à elle que nous devons
notre conservation.
Et pourtant, l'idée de voir dans cet accord une finalité, l'oeuvre bienveillante d'une intelligence
supérieure, doit être exclue.
C'est chercher une nécessité là où il n'y a qu'un fait (Dialogues sur la religion naturelle).
L'empirisme de Hume apparaît alors comme un scepticisme ; donner l'explication psychologique de la croyance au principe de
causalité, c'est refuser à ce principe toute valeur.
En effet, il n'y a dans l'idée de causalité que le poids de mon habitude et de
mon attente.
je m'attends invinciblement à voir bouillir l'eau que j'ai mise sur le feu.
Mais cette attente n'est pas fondée en
raison.
Après tout il pourrait se faire — sans contradiction — que cette eau chauffée se transforme en glace ! « N'importe
quoi, dit Hume, peut produire n'importe quoi ».
Dans le domaine des propositions logiques A ne peut être non A.
Mais dans
les « matters of fact » tout peut arriver.
Ce roi du Siam qui fit mettre à mort son ambassadeur norvégien (parce que ce
dernier se moquait de lui en prétendant que dans son pays, l'hiver, les rivières devenaient si dures qu'on pouvait y faire
glisser des traîneaux ! ! ) avait bien tort de nier un fait contraire à son expérience.
Le principe de causalité entièrement
expliqué par une illusion psychologique n'a plus la moindre valeur de vérité.
Pascal qui avait déjà esquissé cette analyse
psychologique de l'induction le disait en une formule saisissante : « Quiconque ramène la coutume à son principe l'anéantit ».
Le scepticisme de Hume nous apparaît donc, à l'encontre de ce que dira Hegel comme un scepticisme absolu.
Pour Hegel au
scepticisme antique qui doute surtout des sens pour préparer la conversion de l'esprit au monde des vérités éternelles,
s'oppose un scepticisme moderne.— dont Hume serait le chef de file —qui nie seulement les affirmations de la métaphysique
et fonde solidement les vérités de la science expérimentale.
En réalité, le scepticisme de Hume, en dissolvant le principe de
causalité, frappe de suspicion la science expérimentale tout entière.
Dans tous les principes de la connaissance Hume
découvre en fait les illusions de l'imagination et de l'habitude.
Même l'unité du moi —qui nous paraît naïvement une évidence
— est pour Hume illusoire.
Pour Hume c'est aussi l'imagination qui identifie le moi et ce qu'il possède ou comme nous disons
l'être et l'avoir.
A la limite, je n'ai pas ma réputation et même mes souvenirs, mes idées et mes rêves autrement que ce
costume ou cette maison.
Simplement l'imagination, habile à masquer la discontinuité de toutes choses, glisse aisément d'un
état psychique à un autre et construit le mythe de la personnalité, collection d'avoirs hétéroclites qui se donne pour un être.
Car ou bien je suis mes « états » et mes « qualités » et je ne suis pas moi-même ou bien je suis moi-même et je ne suis plus
rien.
Seulement Hume est le premier à reconnaître que son scepticisme tout absolu qu'il soit est artificiel.
Hume, comme tout le
monde, lorsqu'il met de l'eau sur le feu est persuadé qu'elle va bouillir.
Quand il réfléchit en philosophe, dans son cabinet, il
est sceptique.
Quand il rentre dans la vie courante ses « conclusions philosophiques semblent s'évanouir comme les
fantômes de la nuit à la naissance du jour ».
Si, dit-il curieusement, « après trois ou quatre heures d'amusement je voulais
revenir à mes spéculations celles-ci me paraîtraient si froides, si forcées et si ridicules que je ne pourrais trouver le coeur d'y
pénétrer tant soit peu ».
La croyance au principe de causalité absurde sur le plan de la réflexion, est naturelle, instinctive.
La
théorie de Hume est donc tout à la fois un dogmatisme instinctif et un scepticisme réflexif.
Scepticisme et dogmatisme ne se
partagent pas chez lui selon les domaines du savoir, mais selon les niveaux de la pensée.
Nul plus que lui n'a séparé la vie et
la philosophie.
Il vit selon les croyances instinctives du bon sens expérimental.
Il philosophe en sceptique selon une réflexion
rigoureuse et dissolvante.
On peut donc qualifier d'une certaine façon d'« humoristique » le scepticisme de ce philosophe
anglais qui a osé dire d'autre part qu'il convenait à un gentilhomme intelligent de penser comme les whigs ...
et de voter
comme les tories.
Par opposition au scepticisme radical des Anciens, Hume appelle mitigé son scepticisme.
Pour lui, en effet, il existe une
certitude des mathématiques.
L'existence du monde extérieur ne peut raisonnablement pas être mise en doute et toutes les
croyances ne se valent pas.
En outre, et le fait a pour
la philosophie morale une portée considérable, il existe des sentiments universels de sympathie et d'antipathie qui offrent à
la réflexion et à l'action des points d'appui solides.
C'est, aux yeux de Hume, le sentiment (par les jugements d'approbation
et de désapprobation qu'il induit) qui est au fondement de la morale, comme il est au fondement de la religion sous la forme
de la peur..
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