Hume: La nature humaine
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«
L'esprit humain n'a pas de nature originelle : sans facultés, sans organisation interne, il se réduit à l'origine à un
ensemble incohérent d'idées, une collection inorganisée de toutes les impressions qui l'affectent et l'ont affecté.
L'esprit n'est au départ qu'imagination, non pas productrice d'idées neuves, mais reproductrice servile d'impressions
reçues.
L'esprit humain se construit une nature par la façon dont il associe ces idées, sous l'effet de règles qui le
dépassent et lui viennent du monde qui l'entoure.
Se forger une nature et s'inculquer des règles, c'est se donner un
entendement.
Les règles de l'esprit sont issues essentiellement de la société, qui exige de l'incohérence primitive de
l'esprit humain une certaine constance des passions, pour prix de leur satisfaction.
C'est donc la vie en société qui
donne une nature à l'esprit humain, en organisant en système la collection d'idées avec laquelle il se confond d'abord ;
c'est l'éducation de la passion qui fait de l'imagination un entendement.
1.
Les origines de la connaissance
A.
La théorie des impressions
L'esprit est une collection d'idées, atomes de pensée.
Les idées sont simples lorsqu'elles ne sauraient être divisées ou
séparées en plusieurs idées, complexes lorsqu'elles peuvent être décomposées en idées simples.
Chaque idée simple
ressemble à une impression simple qui lui correspond, qu'elle représente exactement et dont elle dérive.
Toute idée
provient donc de l'expérience sensible ou d'une composition de l'expérience.
L'esprit est primitivement indifférent à la valeur respective de ses idées, n'ajoutant aucune créance à l'une plutôt qu'à
l'autre : il y a d'abord pour lui autant de chance que le soleil se lève ou non demain.
C'est l'expérience qui nous porte à
croire à une idée, la rendant plus vive par répétition ou association à l'idée de sa cause.
Il y a trois types de sensations : les premières sont celles de masse, figure, mouvement, solidité : les deuxièmes sont
celles de couleurs, saveurs, odeurs, chaleur, froid : les troisièmes sont celles de douleur et de plaisir.
L'impression des
sens ne donne pas en elle-même la notion d'une existence de la chose qui soit continue et distincte de la nôtre.
Cependant, philosophes et hommes du commun y croient en ce qui concerne le premier type de sensations : en
revanche, les sensations de douleur et de plaisir ont pour nous une existence interrompue et dépendante de nousmêmes.
B.
La nature de l'esprit.
Seules l'expérience et l'habitude nous disposent à croire un fait, en s'appuyant sur la connaissance des preuves, ou
une probabilité fondée sur des causes.
Les idées nous viennent de l'expérience : les relations entre les idées sont
issues également de l'expérience.
Enfin, l'expérience nous fait croire quelque chose sous l'effet de causes qui, nous
forçant à penser d'une certaine façon, orientent la pensée.
Le temps relie et ordonne nos idées.
Ce n'est pas une forme préétablie, innée à l'esprit humain, mais tirée de
l'expérience, et qui n'a pas d'existence sans elle.
L'homme endormi n'a pas conscience du temps.
Le temps est toujours
découvert dans une succession perceptible d'objets changeants ; c'est une idée qui naît de la façon même dont les
impressions apparaissent à l'esprit.
L'expérience pourvoit l'esprit en idées et en principes d'association de ces idées.
L'effet de ces principes est d'imprimer sur l'esprit une disposition de la pensée qui fait de son indifférence primitive une
nature humaine.
Le seul critère de vérité est cette forte tendance à croire, issue de l'expérience.
2.
La dynamique de l'esprit
A.
Tendance et passion.
Les trois principes selon lesquels nous associons les idées sont la contiguïté, la ressemblance et la causalité.
L'association d'idées, sous l'influence de l'expérience, crée, en présence d'une idée, la tendance à attendre l'idée qui
suit habituellement.
L'association d'idées imprime en mon esprit des tendances.
La tendance est la facilité du passage d'une idée à l'autre : c'est une relation entre idées, imprimée sur l'esprit humain,
non une pulsion issue de sa nature.
L'imagination incohérente, fonds primitif de l'esprit humain, devient un
entendement, c'est-à-dire une pensée régie par des règles.
La règle est subie passivement, non créée par l'esprit : elle
est une passion de l'imagination.
B.
Les passions humaines.
Aux passions humaines primaires, appétits élémentaires de l'animal dans l'homme, s'opposent les passions secondaires,
imprimées dans l'esprit par l'expérience.
Directes, elles se confondent avec les impressions de douleur ou de plaisir :
indirectes, elles sont dérivées de ces impressions premières et en dépendent, comme les passions d'orgueil, d'amour,
etc.
Les passions indirectes procèdent des principes de la douleur et du plaisir « par conjonction d'autres qualités ».
Il
faut, par exemple pour l'orgueil, que se mêle au plaisir une idée étrangère, celle du moi.
Les passions se répercutent dans l'imagination.
Monde des règles généralisées, l'imagination est investie par les
passions, qui sont le moteur des associations d'idées.
Les règles d'association, tirées du monde de la nature, ou de
celui de la civilisation (morale, lois civiles, coutumes, etc.), dirigent les passions et les corrigent ; à rebours, les.
»
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