HUME et l'identité personnelle - Où le "moi" ?
Extrait du document
«
« Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la
conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son
existence et sa continuité d'existence ; et que nous sommes certains, plus que par
l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites.
Pour ma
part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours
sur une perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou
d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir.
Je ne peux jamais me saisir,
moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la
perception.
Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un
sommeil tranquille, aussi longtemps, je n'ai plus conscience de moi et on peut dire
vraiment que je n'existe pas.
Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la
mort et que je ne puisse ni penser ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la
dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il
faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant.
Si quelqu'un pense, après une
réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui-même, une connaissance différente, il
me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui.
» HUME
Hume défend ici l'idée selon laquelle on ne peut être conscient de son « moi » que
par des sensations, par l'ensemble des perceptions que le monde nous offre et qui
nous donnent le sentiment d'exister, et non, comme l'affirment de nombreux
philosophes, comme quelque chose dont « nous sommes à chaque instant
intimement conscient », dont l'identité peut être affirmée sans démonstration.
Pour comprendre ce texte, il faut repartir de la thèse défendue par de nombreux philosophes avec laquelle, Hume, nous le
montrera ensuite, est en désaccord.
Il s'oppose ainsi aux philosophies introspectives, qui prétendent qu'on peut avoir
l'intuition d'un moi, et que cette intuition est tellement évidente qu'elle se passe de toute démonstration.
Il s'attache,
alors, ensuite à expliquer que le moi ne peut s'atteindre que par des perceptions et ne possède en conséquence pas
l'unité dont un philosophe comme Descartes parle.
Enfin, et surtout, si le moi se résume à des perceptions, le moi n'existe
pas.
L'enjeu du texte réside essentiellement dans ces deux derniers points, la personne, n'existant que par ses perceptions et
donc par le monde qui l'entoure, perd sa valeur absolue pour n'exister que de façon relative, dépendant du monde dans
lequel elle sent, perçoit et donc existe.
Selon Hume, nous avons tendance à penser que nous sommes toujours la même
personne, que notre moi actuel est le même qu'il y a cinq ans, malgré les changements qui affectent de nombreux aspects
de notre personnalité.
Nous pourrions à partir de là rechercher un soi sous-jacent, qui demeure le même sous les autres
changements, et nous demander quelle est sa nature et ce qui le distingue des accidents qui nous affectent.
Mais Hume
nie que nous puissions faire la moindre différence entre un tel moi mystérieux et les changements dont on prétend qu'ils
lui appartiennent ou qui en découlent.
Ainsi, quand nous nous examinons nous-mêmes, nous percevons des groupes
d'idées et de sentiments, mais l'introspection ne permet jamais de percevoir une substance que nous pourrions appeler «
moi ».
Le moi n'est rien d'autre qu'un agrégat de perceptions liées, et, selon Hume, ces perceptions n'appartiennent à rien.
L'âme est ainsi une communauté qui possède une certaine identité, non en vertu de son essence, mais par la composition
d'éléments changeant continuellement.
Le problème de l'identité du moi est alors pour Hume le problème de la cohésion
de l'expérience individuelle.
Deux temps dans la réflexion de Hume :
1 er temps : « Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous
appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d'existence ; et que nous sommes certains, plus que
par l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites.
Pour ma part, quand je pénètre le plus
intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de
froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir.
»
2 nd temps : « Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la
perception.
Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je
n'ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n'existe pas.
Si toutes mes perceptions étaient supprimées par
la mort et que je ne puisse ni penser ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais
entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant.
Si quelqu'un pense,
après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui-même, une connaissance différente, il me faut l'avouer, je ne peux
raisonner plus longtemps avec lui.
»
Dans une perspective critique : Hume, n'a pas vraiment dirigé sa critique contre cette prétendue intériorité de la
conscience, cependant il aurait pu pourtant le faire.
En effet, nous avons bien vue que pour lui, quand on essaie de se
penser soi-même, tout ce à quoi on a accès, ce n'est jamais à un moi pur, débarrassé de ses oripeaux psychologiques,
contrairement à ce que suppose Descartes, mais toujours à des représentations, ce que Hume appelle dans son langage
technique des impressions.
Kant explicite ce qu'avait entrevu Hume sans le dire explicitement (cf.
fait que quand on se
saisit soi-même, on ne se saisit pas comme pure conscience, mais comme conscience de quelque chose).
Pour Kant, le fait
que la conscience soit quelque chose de subjectif, qu'on vit sur le mode de la première personne, n'implique nullement
qu'elle soit synonyme d'intériorité : comme le dira plus tard Husserl, il va dire que la conscience de soi n'est pas possible à
part des choses hors de moi.
(Si pas de moi ou de substance pensante, alors, pas non plus, chez Kant, d'intériorité sans
extériorité)..
»
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