Hume et l'art
Extrait du document
«
L'anatomiste ne devrait jamais rivaliser avec le peintre ; dans ses dissections soigneuses et ses
descriptions précises des moindres éléments du corps humain, il ne prétend pas donner à ses
représentations une attitude ou une expression gracieuse et séduisante.
Il y a même quelque chose
de repoussant, ou au moins d'étriqué, dans les vues qu'il donne des choses.
Il est nécessaire de
placer les objets plus à distance et de les protéger davantage du regard pour les rendre plus
séduisants pour l'oeil et l'imagination.
L'anatomiste, cependant, est admirablement qualifié pour
conseiller le peintre ; il est même impossible d'exceller dans le second art sans l'aide du premier.
Il
nous faut avoir une connaissance exacte des éléments, de leur situation et de leurs relations avant de
pouvoir dessiner avec exactitude et élégance.
HUME
QUESTIONS
1.
a.
Quelle est l'idée directrice de ce texte ?
b.
Quelles sont les étapes de l'argumentation ?
2.
Expliquez :
a.
« [...] il ne prétend pas donner à ses représentations une attitude ou une expression gracieuse et
séduisante ».
b.
« Il est nécessaire de placer les objets plus à distance et de les protéger davantage du regard pour les
rendre plus séduisants pour l'oeil et l'imagination.
»
3.
Faut-il être un bon observateur pour être un artiste ?
QUESTION 1
Entre l'artiste et le scientifique existe une différence essentielle : l'anatomiste explore le corps humain et le
montre tel qu'il est, tandis que l'artiste part de cette observation pour en quelque sorte l'enjoliver.
L'art est
donc une imitation de la nature.
Dès la première phrase, Hume nous indique qu'il serait absurde pour l'anatomiste de se comparer à l'artiste.
La
bataille est perdue d'avance : l'artiste a toujours l'avantage.
Pourquoi ?
Parce que l'anatomiste se borne à décrire le plus précisément possible tout ce qu'il découvre du corps humain :
Hume est un philosophe du xviiie siècle.
La science joue un rôle important.
L'Encyclopédie mise en oeuvre par
d'Alembert et Diderot comporte de magnifiques planches anatomiques : on découvre le corps humain tel qu'on
ne l'a jamais vu, décrit avec précision, crûment même.
L'anatomiste exécute ses planches avec des couleurs et
la précision technique des peintres.
Cependant, il n'est pas un artiste : justement parce qu'il se borne à
reproduire sans aucune imagination créatrice ce qu'il a observé.
L'artiste part de la nature mais la transforme : son objectif n'est pas d'être fidèle à la réalité, c'est d'y ajouter
sa propre vision de la réalité.
Cependant, l'anatomiste et ses planches apportent de précieux conseils au peintre : grâce à la précision du
trait et à sa connaissance du corps humain, il permet au peintre de « pouvoir dessiner avec exactitude et
élégance ».
L'art, au xviiie siècle, siècle des Lumières, est un art raisonné, un art de bon goût, un art « digne ».
Régnait ce
qu'on nommait alors «la peinture d'histoire ».
Hume associe ici l'art et la délicatesse, l'élégance.
L'artiste doit
dégager une finesse alors que l'anatomiste présente la matière brute.
QUESTION 2
a.
« [...] il ne prétend pas donner à ses représentations une attitude ou une expression gracieuse et
séduisante ».
Comme nous l'avons vu précédemment, l'anatomiste est un homme de science : précis, rigoureux, fidèle à ce
qu'il voit.
Ce qu'il montre est la réalité nue et crue.
Il ne met aucun sentiment dans ses descriptions.
Ce qu'il
montre est même souvent « repoussant » : l'intérieur du corps humain, avec ses organes, ses muscles, ses
nerfs, ouvert comme on ouvre un automate.
Que pouvons-nous ressentir à la vue des planches anatomiques si
ce n'est une curiosité intellectuelle ? Il n'est pas question de sentiment esthétique.
b.
« Il est nécessaire de placer les objets...
imagination ».
Le peintre ne se comporte pas comme l'anatomiste.
Lorsqu'il peint, il éloigne les objets ou les personnages qu'il
va peindre.
Il n'a pas sous les yeux, grossis, leurs défauts physiques.
Il voit davantage un ensemble, parfois un
peu flou.
Le xviiie siècle est l'âge d'or de l'esthétique.
La « délicatesse de goût » désigne la sensibilité de celui
qui perçoit une beauté.
Il faut que l'artiste développe cette délicatesse : son rôle est donc de rendre plus
séduisant, plus attirant pour l'oeil et l'imagination le sujet de sa peinture.
Il y a quelque chose de moral dans
cette attitude : embellir le monde, le montrer sous un jour idyllique.
Pensez au tableau de Chardin appelé Le
Bénédicité (1740) : on y voit une jeune femme et deux enfants, réunis autour d'une table, sur le point de dire
le bénédicité.
Cette scène est paisible, familière.
Pensez aux tableaux et aux dessins pleins de charme de
Fragonard, maître dans le dessin de paysage.
L'artiste doit — « il est nécessaire » — rendre heureux celui qui regarde ses toiles ; sinon heureux du moins
apaisé.
Il part de la réalité mais l'embellit.
L'art doit produire du beau.
QUESTION 3 (réponse rédigée).
»
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