Hume et la politique
Extrait du document
«
Dans toutes les créatures qui ne font pas des autres leurs proies et que
de violentes passions n'agitent pas, se manifeste un remarquable désir
de compagnie, qui les associe les unes les autres.
Ce désir est encore
plus manifeste chez l'homme : celui-ci est la créature de l'univers qui a le
désir le plus ardent d'une société, et il y est adapté par les avantages les
plus nombreux.
Nous ne pouvons former aucun désir qui ne se réfère pas
à la société.
La parfaite solitude est peut-être la plus grande punition que
nous puissions souffrir.
Tout plaisir est languissant quand nous en
jouissons hors de toute compagnie, et toute peine devient plus cruelle et
plus intolérable.
Quelles que soient les autres passions qui nous animent,
orgueil, ambition, avarice, curiosité, désir de vengeance, ou luxure, le
principe de toutes, c'est la sympathie : elles n'auraient aucune force si
nous devions faire entièrement abstraction des pensées et des
sentiments d'autrui.
Faites que tous les pouvoirs et tous les éléments de
la nature s'unissent pour servir un seul homme et pour lui obéir ; faites
que le soleil se lève et se couche à son commandement ; que la mer et les
fleuves coulent à son gré ; que la terre lui fournisse spontanément ce qui
peut lui être utile et agréable : il sera toujours misérable tant que vous ne
lui aurez pas donné au moins une personne avec qui il puisse partager
son bonheur, et de l'estime et de l'amitié de qui il puisse jouir.
Hume
I - LES TERMES DU SUJET
On peut relever dans le texte quelques termes clés :
La sympathie : c'est la passion fondamentale car elle engendre la vie sociale, elle-même essentielle à l'homme.
La société : à analyser, car l'homme est défini comme l'être sociable par excellence.
Tous ses désirs sont sociaux par
essence, car ils impliquent toujours, à quelque degré, l'existence d'autrui.
Autrui : montrer sa nécessité, ce qui engage à cerner les notions d'amitié, d'estime et de bonheur.
II - L'ANALYSE DU PROBLEME
L'homme est la plus sociable de toutes les créatures.
Hume affirme que le but ultime de ses désirs est toujours la
société.
Le désir humain est, par essence, social.
Hume soutient alors que les problèmes inhérents à la vie sociale n'annulent pas la valeur de cette vie.
La somme des
biens apportés par la société est supérieure à celle des maux.
On peut pourtant s'interroger : est-ce aussi évident ? Hume ne minimise t-il pas les tensions et les violences sociales ?
III - UNE DEMARCHE POSSIBLE
A) LES ETAPES DE L'ARGUMENTATION
1 - "Dans toute [...] nombreux."
Le texte commence par une mise en situation de l'homme : Hume procède en deux temps.
Il isole d'abord dans l'ensemble des créatures celles qui manifestent une nette tendance à la vie sociale.
Ainsi
s'introduisent les idées de mesure et de paix.
Puis Hume isole dans ce genre l'espèce humaine.
L'homme est celui "qui a le désir le plus ardent d'une société."
On note le caractère nettement finaliste du propos.
Hume souligne l'adaptation de l'homme à la société.
Il y est
disposé par "les avantages les plus nombreux."
2 - "Nous ne pouvons [...] autrui."
Deux affirmations s'ensuivent :
Tout désir humain implique nécessairement la société.
Sa nature, sa forme, son but n'importent pas à ce niveau.
Hume
veut donc dire que le désir n'est humain que s'il implique autrui, le semblable, l'associé.
Donc "la parfaite solitude" est la punition la plus éprouvante.
Hume doit maintenant se justifier : il faut prouver la nécessité et les bienfaits d'autrui.
Autrui avive mon plaisir et adoucit ma peine.
C'est la valeur positive du partage.
Un plaisir partagé est augmenté parce
que réfléchi.
Il devient plus étendu.
Une peine partagée est divisée et donc atténuée.
Il y a donc une logique des
passions.
Le partage introduit le concept de sympathie : c'est la passion clé qui permet à Hume de soutenir sa thèse : certes,
les passions mauvaises existent, mais elles n'ont de sens que par rapport à un fonds commun.
Nous avons tous une
même nature.
Nous nous affectons réciproquement comme le dit l'étymologie du mot "passion".
Les passions qui séparent sont donc moins radicales que ce besoin de vivre ensemble..
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