Hume et la politique

« Les historiens, et même le bon sens, peuvent nous faire connaître que, pour séduisantes que puissent paraître ces idées d'égalité parfaite , en réalité elles sont, au fond, impraticables, et si elles ne l'étaient pas, elles seraient extrêmement pernicieuses pour la société humaine. Rendez les possessions aussi égales que possible : les degrés différents de l'art, du soin, du travail des hommes rompront immédiatement cette égalité. Ou alors, si vous restreignez ces vertus, vous réduisez la société à la plus extrême indigence, et, au lieu de prévenir le besoin et la mendicité chez quelques-uns, vous les rendez inévitables à la communauté entière. La plus rigoureuse inquisition est également nécessaire, pour déceler toute inégalité dès qu'elle apparaît, ainsi que la juridiction la plus sévère, pour la punir et la rectifier. Mais, outre que tant d'autorité doit bientôt dégénérer en tyrannie, et être exercée avec une grande partialité, qui peut bien en être investi dans une situation telle que celle ici supposée ? HUME. I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ? Ce texte présente un réquisitoire contre l'égalitarisme érigé en impératif social absolu.

Il examine la possibilité d'une égalité totale entre les individus, les postulats et les conséquences qui lui sont liés. Hume entend montrer que l'égalitarisme conduit à l'injustice et à la tyrannie. II - UNE DÉMARCHE POSSIBLE. A - L'ÉGALITÉ PARFAITE EST-ELLE POSSIBLE ? S'appuyant sur l'expérience et l'analyse critique, la première partie du texte démontre le caractère irréalisable de l'utopie égalitaire. Une contradiction existe, en effet, entre le principe de l'égalité des biens et la diversité des aptitudes et des personnalités individuelles. On ne peut sérieusement prétendre atteindre une identité parfaite dans la répartition des richesses que si l'on établit une identité des dispositions individuelles. Or la disparité des hommes rend impossible une semblable prétention. L'argument de l'inégalité des personnes permet de fonder le rejet de la thèse égalitariste. La nature fait les hommes différents, leurs expériences n'atténuent pas sensiblement cette diversité : tout cela fait apparaître le caractère contre-nature de l'égalitarisme car il nie le fait naturel de la diversité des individus et le fait social de la disparité de leurs trajectoires personnelles. B - LES CONSEQUENCES NEFASTES DE LA THEORIE EGALITARISTE. Dans la deuxième partie du texte, Hume décrit les conditions d'une mise en pratique de la conception égalitaire et les effets nocifs qui en découleraient. Il faudrait soumettre les individus à un contrôle, une surveillance permanente et draconienne pour détecter la moindre inégalité et réduire les hommes à l'état d'entités interchangeables, répondant unanimement à un modèle unique. Cela nous conduirait au conformisme le plus outrancier, et sur le plan sociopolitique, au despotisme, à la privation de liberté et à l'injustice. Cette analyse dégage clairement le radicalisme terrifiant qui découle de l'amour de l'égalité parfaite ; celle-ci peut. »