Hobbes: Être libre, est-ce faire ce que nous voulons ?
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Lorsque dans l'esprit humain les
appétits, les aversions, les espoirs, les craintes, concernant une
seule et même chose, s'élèvent alternativement ; que diverses
conséquences bonnes ou mauvaises de l'accomplissement ou de
l'omission de la chose proposée se présentent successivement dans nos
pensées : de sorte que nous ressentons pour elle tantôt de l'appétit
et tantôt de l'aversion ; tantôt l'espoir d'être capable de
l'accomplir, tantôt le désespoir, ou la crainte, à l'idée de
l'entreprendre : la somme totale des désirs, aversions, espoirs et
craintes, poursuivis jusqu'à ce que la chose soit accomplie, ou jugée
impossible, est ce que nous appelons DÉLIBÉRATION. Aussi, sur les
choses passées n'y a-t-il pas de délibération, parce qu'il est
manifestement impossible de les changer. De même pour les choses
connues comme impossibles, ou pensées telles, parce qu'on sait ou
qu'on pense qu'une telle délibération est vaine. Mais on peut
délibérer sur des choses impossibles qu'on pense possibles, sans
savoir que c'est en vain. On appelle cela délibération, parce que
c'est le fait de mettre fin à la liberté que nous avions d'accomplir
ou d'omettre conformément à notre appétit ou à notre
aversion.
Cette succession alternée d'appétits, d'aversions,
d'espoirs et de craintes n'existe pas moins chez les autres créatures
vivantes que dans l'homme : les bêtes délibèrent donc, elles aussi. On
dit qu'une délibération se termine quand ce dont on délibère est soit
accompli, soit considéré comme impossible : car jusque-là nous gardons
la liberté d'accomplir ou d'omettre selon notre appétit ou notre
aversion.
Dans la délibération, le dernier appétit ou la dernière
aversion, qui se trouve en contact immédiat avec l'action ou son
omission, est ce qu'on appelle la volonté : c'est l'acte (non la
faculté) de vouloir. [...] La définition que les Écoles donnent
communément de la volonté, que c'est un appétit rationnel, n'est pas
bonne : car s'il en était ainsi, il ne pourrait pas y avoir d'acte
volontaire contraire à la raison. Un acte volontaire est en effet celui
qui procède de la volonté, et rien d'autre. Mais si, au lieu
d'appétit rationnel, on disait appétit résultant d'une délibération
antécédente, alors la définition ne diffère en rien de celle que j'ai
donnée. La volonté est donc l'appétit qui intervient le dernier au
cours de la délibération. Et quoi qu'on dise, dans la conversation
courante, qu'un homme a eu la volonté de faire une chose que néanmoins
il s'est abstenu de faire, cela n'est cependant à proprement parler
qu'une inclination, chose qui ne rend volontaire aucune action,
puisque l'action ne dépend pas d'elle, mais de la dernière
inclination, du dernier appétit.
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