HOBBES: Dieu tout-puissant est incompréhensible
Extrait du document
«
« Comme le Dieu tout-puissant est incompréhensible, il s'ensuit que
nous ne pouvons avoir de conception ou d'image de la Divinité ;
conséquemment tous ses attributs n'annoncent que l'impossibilité de
concevoir quelque chose touchant sa nature dont nous n'avons d'autre
conception, sinon que Dieu existe.
Nous reconnaissons naturellement
que les effets annoncent un pouvoir de les produire avant qu'ils aient
été produits, et ce pouvoir suppose l'existence antérieure de quelque
Être revêtu de ce pouvoir.
L'Être existant avec ce pouvoir de produire,
s'il n'était point éternel, devrait avoir été produit par quelque Être
antérieur à lui, et celui-ci par un autre Être qui l'aurait précédé.
Voilà
comment en remontant de causes en causes nous arrivons à un pouvoir
éternel, c'est-à-dire antérieur à tout, qui est le pouvoir de tous les
pouvoirs et la cause de toutes les causes.
C'est là ce que tous les
hommes conçoivent par le nom de Dieu, qui renferme éternité,
incompréhensibilité, toute-puissance.
» HOBBES
Ce texte de Hobbes est exemplaire de l'emploi de la notion de Dieu dans
un sens non religieux.
Il ne s'agit pas ici d'évoquer un Dieu de croyance,
mais de savoir ce à quoi renvoie le nom de Dieu.
L'entreprise est donc ici
celle d'un philosophe mécaniste rigoureux, qui va induire des effets naturels une cause surnaturelle.
Dans un
premier temps (jusqu'à « Dieu existe »), Hobbes exprime l'incompréhensibilité de Dieu.
Ce mot doit être pris ici
dans son sens logique plutôt que dans son sens courant, et désigne le fait que les qualités ou caractères qui
s'attachent au concept ne nous sont pas accessibles.
Faute donc de pouvoir éclairer l'essence de Dieu, il faut se
contenter de son existence, dont il est au moins possible de rendre raison.
C'est un raisonnement par l'absurde
qui le permet, dans un second temps du texte (jusqu'à « qui l'aurait précédé »).
Hobbes y fait apparaître
l'épreuve à laquelle la pensée aurait à faire face si elle n'admettait pas de premier moteur : la régression à l'infini
de la série des causes.
La causalité en effet ne fait sens qu'à condition d'admettre l'antériorité de la cause sur
l'effet.
En cela, ce texte annonce la célèbre analyse de Kant, dans la preuve de la thèse de la troisième
antinomie (« si l'on admet qu'il n'y a pas d'autre causalité que celle qui repose sur les lois de la nature, tout ce
qui arrive suppose un état antérieur auquel il succède infailliblement d'après une règle »).
Le dernier temps du
texte peut alors conclure sur la nécessité, ainsi démontrée, de l'existence de Dieu comme moteur.
Mais l'analyse
s'y fait plus franchement nominaliste : Dieu n'est ici qu'un nom, le nom d'un nécessaire bout de chaîne, et il ne
fait que renvoyer à ce à quoi renvoie, dans notre imaginaire collectif contemporain, l'expression de « big-bang ».
Enfin, la remontée des causes naturelles débouche sur une surnature, sur une cause de soi : il est donc
nécessaire à la raison d'admettre de l'irrationnel.
HOBBES (Thomas).
Né à Malmesbury en 1588, mort à Hardwick en 1679.
Il fit ses études à Oxford et devint précepteur du jeune comte de Devonshire qui, plus tard, devait lui confier aussi l'éducation
de son propre fils.
Il fit deux longs voyages en Europe, vécut à Paris de 1640 à 1651, y fréquenta le P.
Mersenne, puis rentra
en Angleterre.
La Chambre des Communes exigea qu'il ne publiât plus aucun livre, après avoir vivement attaqué Léviathan
en 1667.
La fin de la vie de Hobbes fut occupée par des controverses avec les mathématiciens.
— L'oeuvre de Hobbes est
une théorie et une apologie fort logiques du despotisme.
Toutes les substances sont corporelles et la vie est mouvement.
Le
désir, fondement du monde animal, est égoïste et guidé par l'intérêt.
Il n'y a ni amour ni accord possible entre les hommes ;
ceux-ci sont naturellement insociables et méchants.
L'état de nature, c'est la guerre de tous contre tous.
Mai les hommes, qui
considèrent que la paix est le plus grand des biens, confèrent tous leurs droits à un seul souverain.
Ils remplacent l'ordre
mécaniste naturel par un ordre mécaniste artificiel, qui leur convient mieux : c'est l'État.
Le salut de l'État s'identifie avec le
salut du souverain.
La souveraineté absolue d'un seul homme crée un déséquilibre qui assure la stabilité.
Le souverain
établit les lois et définit la justice, se plaçant ainsi au-dessus d'elles.
Le bien et le mal dépendent de ses décisions ; la vraie
religion est celle qu'il autorise.
Ainsi, les hommes sont libres et heureux, puisqu'ils peuvent agir à leur gré dans le cadre des
lois.
Le souverain absolu n'est pas un tyran arbitraire le tyran est l'esclave de ses passions, alors que le souverain en est
délivré par le caractère absolu de son pouvoir.
Car les passions résultent de la finitude humaine.
En somme, le pouvoir du
souverain est légitime parce qu'absolu.
La pensée de Hobbes a eu une influence incontestable sur Hegel..
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