Heidegger: De l'insouciance du mortel face à la mort
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HEIDEGGER (Martin) : 1889-1976
Philosophe allemand. Né à Messkirch, il fut l'élève puis l'assistant de Husserl, qui dirigea son doctorat de philosophie. Il enseigna à Marburg et à l'université de Fribourg dont il devint recteur en 1933. Il adhéra au parti nazi, le quitta, et fut démis de toutes ses fonctions et emprisonné en 1944. Centrant sa réflexion sur l'Être, qu'il lie étroitement au temps, Heidegger juge que la question, fondamentale, de son sens ne peut être résolue qu'à partir de l'analyse de l'existence humaine, c'est-à-dire des différents modes d'être de l'homme : l'être-au-monde, Têtre-avec-autrui, l'angoisse, la facticité, etc.
• Œuvres principales : L'Être et le temps (1927), Kant et le problème de la métaphysique (1929), Chemins qui ne mènent e part, Acheminement vers la parole, Essais et conférences.
«
En tant que projet, l'existence humaine est sur le mode de l'attente et de l'anticipation de soi comme possible.
La
possibilité la plus ultime de notre existence est notre propre mort.
Orienté vers l'avenir par son mode d'être comme
projet, le Dasein anticipe comme horizon de son attente sa propre fin.
Il se rapporte alors à quelque chose qui n'est
pas et qui ne sera jamais pour lui : son propre néant.
C'est dans l'angoisse que se révèle le caractère abyssal d'une
telle pensée.
L'anticipation de la mort me révélant que la pointe la plus extrême de mes possibilités est mon propre
néant, elle m'ouvre à la compréhension du caractère inconsistant et pourtant ontologique de ma propre existence.
C'est en anticipant par la pensée mon propre non-être que j'accède à une compréhension authentique du sens d'être.
On ne connaît que la mort, attendue ou accidentelle, des autres.
La mort est celle des proches ou des inconnus.
Elle
est un événement naturel, banal, pris dans l'ordinaire des faits divers quotidiens : "La mort se présente comme un
événement bien connu qui se passe à l'intérieur du monde." Cette banalité quotidienne des événements se caractérise
par l'absence d'imprévu, et la mort comme événement ne déroge pas à la règle.
En revanche, ma propre mort est un
événement prévu, qui fait l'objet d'une absolue certitude, mais comme réalité absente, non encore donnée, elle est
indéterminée et pour cette raison n'est pas à craindre.
L'expérience me montre qu"'on meurt", c'est-à-dire que la mort
concerne avant tout le "on" : tout le monde, et personne en particulier.
Et tant que l"'on meurt", ce n'est précisément
jamais moi qui meurs.
"On", c'est tous, donc pas moi en particulier.
Dans l'expérience quotidienne de la vie, le "fait de
mourir" est ramené au niveau d'un événement qui concerne bien la réalité humaine, mais elle advient toujours pour moi
par procuration.
Dans la réalité humaine et sociale, la mort est un événement qui relève du domaine public.
A ce titre
de pseudo-réalité, nous en oublions ses éléments constitutifs : en soi, la mort est un inconditionnel et un indépassable
qui fonde la possibilité de ma propre existence et sa prise de conscience.
Elle est un impensable qui fait le fond de la possibilité de penser mon existence
propre : "Le "on" justifie et aggrave la tentation de se dissimuler à soi-même l'être pour la mort, cet être possédé absolument en propre." Quand on dit que
la mort n'est "pas encore, pour le moment", on s'accroche à la réalité humaine pour se voiler la certitude que l'on mourra un jour.
On fuit la mort, parce que
c'est une pensée fatigante et inaccessible, et que nos soucis quotidiens nous paraissent plus importants que la réflexion sur le fondement de tout être
humain d'être un être pour la fin.
La mort est sans cesse différée, et sa préoccupation laissée à l'opinion générale.
HEIDEGGER (Martin).
Né à Messkirch (duché de Bade) en 1889.
Il fit ses études à Fribonrg-en-Brisgau, et fut le disciple de Husserl.
Professeur de
philosophie à l'Université de Marbourg en 1923, il fut nommé recteur de l'Université de Fribourg en 1933, adhéra au parti national-socialiste, démissionna
de ses fonctions universitaires en 1934, et devint « professeur émérite » en 1952.
Il est le plus important philosophe allemand d'aujourd'hui.
La philosophie
de Heidegger est une réflexion sur le problème de l'être, celui de la relation de l'homme à l'être et de l'être à l'homme.
« Je dois redire que mes tendances
philosophiques ne peuvent pas être classées comme Existenz philosophie.
La question qui me préoccupe n'est pas celle de l'existence de l'homme, c'est
celle de l'être dans son ensemble en tant que tel.
» L'homme est le seul étant qui soit capable d'interrogation et qui ait une relation à l'être.
C'est la saisie
de l'étant comme étant qui est la saisie même de l'être.
Seul, l'étant qui est mise en question de 6on être, existe.« L'homme est un étant de déchirement.»
Du fait qu'il est hé au monde, l'étant humain est souci.
Le souci a trois dimensions : la déréliction ou facticité, l'existence (à laquelle se rattachent
l'interprétation et le projet), et l'être-auprès-de, à quoi se rattache la discursivité.
La déréliction est l'état de solitude et d'abandon de l'être humain jeté
dans le monde ; elle est« notre première et originelle situation dans l'étant en totalité.
» Par le souci, la compréhension de l'être se forme dans le Dasein,
c'est-à-dire dans « l'être de l'existant humain en tant qu'existence singulière et concrète.
» Le Dasein est saisie de son propre être ; c'est un être-dans-lemonde, une existence qui, en tant que telle, comprend l'être.
Nous sommes déjà-là.
Un homme ne peut assister à sa propre naissance.
L'être de l'étant
humain, c'est de s'extérioriser pour devenir soi-même, de s'ouvrir à l'autre.
« Exister, c'est être réel en se projetant hors de soi-même et au-devant de soimême.
» Les trois existentiaux, c'est-à-dire « les catégories relatives à l'être de l'homme », sont : la rétrospection vers la situation originelle, le projet de
soi dans l'ek-sistence et la présence à l'autre.
Ce n'est que dans l'angoisse que nous avons une révélation pure de la situation originelle.
L'angoisse, c'est
l'état d'inquiétude qui résulte de « l'insécurité de l'existant humain sous la menace du Néant.
» Soit déréliction, ek-sistenee et apérité ; le Dasein est
virtuellement ouvert à tout étant.
Ainsi, en se rendant présent aux choses, l'homme détermine la raison et le langage.
Pour Heidegger, les mots contiennent
une vérité cachée.
L'homme est l'étant qui a toujours son être pour enjeu, et son unité est dans une extériorisation ce soi sans cesse reprise et dominée.
L'étant humain est ek-statique.
L'ek-stase est la situation de l'étant placé « en dehors » de lui-même.
Les trois ek-stases de la temporalité sont le passé,
le futur et le présent.
Il est aussi temporalisation.
La temporalité, c'est la solidarité du Dasein avec son passé et son pro-jet vers l'avenir par la
préoccupation.
L'être se comprend par le temps et le temps par l'être.
L'authenticité, c'est l'assumation de la situation d'être-pour-la-mort.
Le On est
inauthentique.
« Le Soi de la banalité quotidienne, c'est le On se constituant dans et par les interprétations qui ont cours publiquement.
» L'homme pro-jette
l'être des choses ; le dévoilement de l'étant (c'est-à-dire « la manifestation de l'étant qui cesse d'être caché par les préoccupations de l'existence
quotidienne») est lié à une mise en perspective.
La science est une perspective de compréhension « où le sujet se choisit lui-même comme inexistence et
pur regard lancé sur les choses », où il ne pèse plus sur elles.
Heidegger distingue le temps historique et le temps historial.
La philosophie de Heidegger se
prétend existentiale, et non existentielle.
Est existential ce qui concerne « l'être dans son ensemble en tant que tel » : « La problématique existentiale tend
à mettre en évidence la structure ontologique de l'être du Dasein.
» 11 semble que Heidegger, qui a conclu à l'impossibilité de toute métaphysique, se soit
trouvé à un certain moment de sa recherche, en présence de difficultés philosophiques qui ne lui ont, jusqu'à présent, guère permis d'élaborer l'ontologie
qu'il se proposait.
Il s'est, d'autre part, attaché à l'interprétation de la poésie de Hölderlin et de Trakl et de la pensée de Parménjde.
De Waelhens a résumé
ainsi la philosophie heideggérienne :« L'œuvre philosophique de Heidegger s'étage sur trois plans...
Heidegger développe d'abord une philosophie théorique,
qui prépare l'étude du sens et de la structure de la notion d être en général...
Conjointement, nous trouvons dans Sein und Zeit, par opposition à cette
philosophie existentiale, une philosophie existentielle...
Enfin, et postérieurement, Heidegger nous donne une philosophie d'inspiration nietzschéenne, qui
recherche dans la transcendance vers la Terre un remède à une finitude malgré tout intenable...
Cette protestation montre...
que la contingence est ce qui
jamais, ce qui à aucun prix, ne saurait être accepté par l'homme.
La finitude est insupportable.
Elle doit, quelque part, être surmontée.
».
»
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