HEGEL: une multitude de choses contradictoires...
Extrait du document
«
L'expérience commune énonce elle-même qu'il y a pour le moins une multitude de
choses contradictoires, d'organisations contradictoires, etc., dont la contradiction
n'est pas présente simplement dans une réflexion extérieure, mais dans ellesmêmes.
Mais, en outre, la contradiction n'est pas à prendre simplement comme une
anomalie qui se rencontrerait seulement ici et là, car elle est le négatif dans sa
détermination essentielle, le principe de tout auto-mouvement, lequel ne consiste
en rien d'autre que dans une présentation de cette même contradiction.
Le
mouvement sensible extérieur lui-même est son être-là immédiat.
Quelque chose se
meut seulement, non pas en tant qu'il est ici dans ce maintenant et là-bas dans un
autre maintenant, mais en tant que, dans un seul et même maintenant, il est ici et
non ici, en tant que dans cet ici il est en même temps et n'est pas.
On doit
concéder aux anciens dialecticiens les contradictions qu'ils mettent en évidence
dans le mouvement, pourtant il ne s'ensuit pas que, pour cette raison, le
mouvement n'est pas, mais que le mouvement est la contradiction étant-là ellemême.
[...]
Quelque chose est donc vivant seulement dans la mesure où il contient dans soi la
contradiction et, à vrai dire, est cette force qui consiste à saisir dans soi et à supporter la contradiction.
La question
La contradiction n'est-elle qu'un défaut de la pensée ou bien la rencontre-t-on dans la réalité ? Précisons tout
de suite que ce texte est d'une difficulté exceptionnelle, et choisir de le traiter suppose une certaine confiance
en soi.
Néanmoins, les textes difficiles ne sont pas forcément
les moins bien traités ; d'une part, le correcteur est conscient de la difficulté, et d'autre part celle-ci tend à
forcer à réfléchir, ce qui ne peut amener que des résultats positifs.
L'important est de trouver la clef qui
permette d'entrer dans la logique du texte, à défaut d'en comprendre clairement tous les détails.
Ici, il faut
avoir entendu parler du principe de non-contradiction, énoncé ainsi par Aristote : « Il est impossible que le
même attribut appartienne et n'appartienne pas en même temps, au même sujet et sous le même rapport.
» La
conséquence en est, pour dire les choses simplement, que si un discours se contredit, alors il est
nécessairement faux.
La contradiction se trouve donc rejetée au rayon des anomalies, elle est la preuve que
celui qui parle ne sait pas ce qu'il dit, et la cohérence devient la première exigence de toute pensée sérieuse.
Voilà la thèse que Hegel entreprend d'examiner de façon critique.
Pour comprendre le texte
C'est un simple appel à l'expérience ordinaire qui permet à Hegel de poser le problème : la contradiction se
rencontre partout, et non simplement dans les discours mal construits.
Il semble donc qu'il y ait là un conflit
entre la raison et l'expérience, les exigences de la première se heurtant à l'évidence de la seconde.
Mais il faut remarquer que Hegel ne propose pas de choisir entre l'une et l'autre.
Son projet n'est pas de dire s'il
faut en croire plutôt ses yeux ou plutôt son esprit, ce qui irait à l'encontre du célèbre principe qu'il pose : «
tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel ».
Entre ce principe et le principe de non-contradiction il existe une affinité : dans les deux cas, il s'agit de poser
la possibilité de penser le réel tel qu'il est.
Le principe de non-contradiction déclare que l'impensable, c'est-àdire le contradictoire, est en même temps impossible, c'est-à-dire qu'aucune expérience ne peut lui
correspondre.
Ce postulat d'un accord profond entre notre esprit et la réalité est rendu encore plus évident par la manière
hégélienne de l'affirmer.
Or, l'existence de fait de la contradiction semble le remettre totalement en cause :
pour être impensable, la contradiction n'en est pas moins réelle.
Il ne reste donc que deux issues à qui veut
sauver le principe de l'accord possible entre l'esprit et la réalité ; soit on pose que l'expérience est illusoire, et
c'est la porte ouverte à toutes les constructions théoriques arbitraires, soit on pose que la contradiction est
pensable, et c'est là que Hegel veut nous conduire.
Et pour ce faire, il pose le caractère irréductible de l'expérience : « la contradiction n'est pas présente
simplement dans une réflexion extérieure ».
Elle n'est donc pas une invention de l'esprit qui ne s'y reconnaîtrait
plus, mais bien un principe immanent aux choses elles-mêmes, quelque chose comme leur vie profonde, nous y
reviendrons.
C'est en tous cas sur la nécessité de la prendre au sérieux qu'insiste la suite du texte : « la contradiction n'est
pas à prendre simplement comme une anomalie qui se rencontrerait seulement ici ou là », ce qui revient à dire
qu'elle a nécessairement sa raison d'être, et celle-ci est immédiatement précisée, certes dans le style
hermétique que l'on a souvent reproché à Hegel : « elle est le négatif dans sa détermination essentielle ».
Comment le comprendre ? Il est évident tout d'abord que le mot « négatif » ne renvoie pas ici à un quelconque
jugement de valeur, bien au contraire puisqu'il s'agit en quelque sorte de revaloriser la contradiction.
Cette
expression s'éclaire alors si l'on comprend que toute affirmation est en même temps une négation.
En effet, dire
quelque chose, c'est également nier le contraire de ce que l'on dit ; si par exemple ce fruit est une orange,
alors ce n'est pas une pomme, ni quoi que ce soit d'autre.
Dès lors, penser une chose telle qu'elle est revient à
la penser également telle qu'elle n'est pas, et donc toute pensée est à la fois affirmative et négative.
Ainsi,.
»
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