Hegel: L'État représente-t-il l'aboutissement historique de la vie en société ?
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Si l'on confond l'État avec la société civile et si on lui donne pour destination la tâche de veiller à la sûreté, d'assurer la propriété privée et la liberté personnelle, c'est l'intérêt des individus comme tels qui est le but final en vue duquel ils se sont unis et il s'ensuit qu'il est laissé au bon vouloir de chacun de devenir membre de l'État. Mais l'État a un tout autre rapport avec l'individu ; étant donné que l'État est Esprit objectif, l'individu ne peut avoir lui-même de vérité, une existence objective et une vie éthique que s'il est membre de l'État. L'union en tant que telle est elle-même le véritable contenu et le véritable but, car les individus ont pour destination de mener une vie universelle ; les autres formes de leur satisfaction, de leur activité et de leur conduite ont cet élément substantiel et universel pour point de départ et pour résultat. Considérée abstraitement, la rationalité consiste en général dans l'union intime de l'universalité et de la singularité. Considérée concrètement, comme c'est le cas ici, elle consiste, quant à son contenu, dans l'unité de la liberté objective, c'est-à-dire de la volonté substantielle générale et de la liberté subjective, en tant que savoir individuel et volonté cherchant à réaliser ses buts particuliers - et pour cette raison, quant à sa forme, elle consiste dans une façon d'agir se déterminant selon des lois et des principes pensés, c'est-à-dire universels. - Cette Idée est l'être éternel et nécessaire en soi et pour soi de l'Esprit.
[...] En ce qui concerne ce concept et son élaboration, Rousseau a eu le mérite d'établir un principe qui, non seulement dans sa forme (comme le sont la sociabilité, l'autorité divine), mais également dans son contenu, est une pensée et, à vrai dire, la pensée elle-même, puisqu'il a posé la volonté comme principe de l'État. Mais comme il n'a conçu la volonté que sous la forme déterminée de la volonté individuelle [...] et que la volonté générale n'est pas ce qui est rationnel en soi et pour soi dans la volonté, mais seulement ce qui se dégage comme intérêt commun dans chaque volonté individuelle consciente d'elle-même, l'association des individus dans l'État devient, dans sa doctrine, un contrat. Ce contrat a pour fondement le libre arbitre des individus, leur opinion, leur consentement libre et explicite. Ce qui, par voie de conséquence logique, a pour résultat de détruire le divin existant en soi et pour soi, son autorité et sa majesté absolues.
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