HEGEL: Le langage comme condition de la pensée
Extrait du document
«
Hegel engage sa réflexion sur la possibilité de la synthèse entre
l'aspect subjectif et l'aspect objectif de la conscience.
Le langage est un
moyen terme entre ces deux aspects, ce par quoi la conscience obtient
l'existence.
Le langage permet à l'homme de concevoir la nature.
Et on ne peut la
concevoir sans lui, quel que soit l'envie qu'on en a.
De même, il n'est pas
possible d'exprimer la conscience autrement que par le recours au langage,
quelle que soit la prétention de l'ineffable.
Hegel lie le mot et la pensée :
1.
2.
3.
Penser par le mot, c'est lier intériorité et extériorité.
Il est impossible de penser sans les mots.
Le langage clarifie la pensée.
D'emblée, la thèse de Hegel est affirmée clairement, en une phrase lapidaire :
« C'est dans le mot que nous pensons.
»
L'ensemble du texte vise à l'analyse des deux termes : la pensée, le mot, et à
leur articulation.
D'où formellement deux possibilités : penser avec les mots
(penser « dans le mot ») ; penser sans les mots (c'est la tentation de
l'ineffable).
Cette seconde tentative est écartée, par Hegel, comme une
erreur.
Ainsi, seule, la première possibilité demeure, d'où l'affirmation
renouvelée, sous une autre forme, de la thèse : « le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus
vraie.
»
1.
La thèse est examinée en chacun de ses éléments.
D'abord la pensée.
Penser c'est avoir conscience de
penser, ce qui implique un dédoublement.
Si naïvement toute pensée, en tant que personnelle (« nos
pensées »), est crue de l'ordre de notre intériorité (et strictement seulement de cet ordre), philosophiquement,
elle est aussi de l'ordre de l'extériorité (et donc différenciée de l'intériorité).
Penser est une activité (« donner »
à nos pensées) qui assure le passage d'un ordre à un autre, où l'on passe en même temps de l'abstrait
(« penser » dans le vague en général) au concret, de la subjectivité à l'objectivité (des pensées
« déterminées », cad qui sont celles-ci ou celles-là).
Enfin, avec une réflexion particulière qui doit être
consacrée à l'idée de forme (la « forme » objective) qui, en tant que forme, assure une universalité de la pensée
applicable dans la diversité et la multiplicité des situations – s'opposant implicitement à un plein qui ne peut se
référer qu'à l'unique particularité du contenu de ce qui est ici et maintenant.
Forme claire opposée à l'obscur du
plein.
En suite le mot.
Si pour la pensée, il convenait de distinguer intériorité et extériorité, il faut reconnaître au mot
(défini au passage comme « son articulé ») le statut concret (« l'existence ») d'une synthèse de l'intériorité
(« l'interne ») et de l'extériorité (« l'externe »).
D'un rapport privilégié du mot et de la conscience, puisque c'est le
mot qui est le seul à pouvoir à chaque fois unir (intimement) les deux positions de la pensée.
La pensée n'est ni l'intériorité seule (l'intériorité est insuffisante il en faut plus) ni l'extériorité seule (il n'y a
d'extériorité que seconde, puisqu'elle est le produit, le résultat d'une activité qui prend naissance dans l'intériorité).
Mais seul le mot articule en même temps, à la fois, l'intériorité (c'est moi, je, qui parle) et l'extériorité (la « forme »
du langage me permet de dire l'universel).
2.
Penser, cad tenir à la fois l'intériorité et l'extériorité, n'est possible qu'avec les mots.
D'où logiquement
(« par conséquent ») la réfutation d'une thèse, qui pourtant a cours, et selon laquelle, croit-on, il serait
possible de « penser sans les mots ».
Prétention démesurée d'un vouloir (« vouloir » penser) qui s'oppose à un pouvoir limité, et qui prend la figure d'une
tentative (qui est peut-être même une tentation) impossible et insensée.
Tout à la fois dans le sens de tentative
folle (désespérée), qui n'a pas de sens (qui ne s'oriente nulle part, car sans issue) et vide (ça ne veut rien dire,
puisque justement pour penser il faut des mots…).
Prétention de l'ineffable à dénoncer.
Selon la métaphore architecturale d'une construction où il y a un haut et un
bas (et par là même une fondation, « un fondement ») la croyance répandue (« ordinairement ») en l'ineffable (ce
qui échappe à l'expression) est celle d'un haut sur-valorisé (« ce qu'il y a de plus haut »), mais qui ne s'appuie sur
rien (« sans fondement »).
Ce qui fait que ce qui est pris par l'opinion, pour le haut n'est en réalité –à l'opposé de
l'apparent- que superficialité, qui s'oppose à la solide épaisseur du profond.
Cette métaphore, imaginée pour dire l'ineffable, ne pouvant jouer qu'à vide, on peut aussi en proposer une autre,
plus réelle (« en réalité… »), mais ici, à peine suggérée : celle d'un baquet, où une chimie secrète (« obscure »)
opère sa fermentation.
L'ineffable n'est pas apparemment dans la clarté de ce qui est « le plus haut », mais, en
réalité, dans l'obscur de ce qui est au plus profond.
Mais cet obscur fait l'objet d'un travail caché qui s'accomplit audedans, dans le bruissement discret de la fermentation.
Mais cette pensée sobre est incomplète, « obscure » au
sens d'incompréhension, impossible à déchiffrer, comme on parle d'un sens difficile à comprendre, de quelque chose
d'embrouillé ou de fumeux (les vapeurs de la fermentation).
Elle ne sera pensée qu'une fois accomplie, achevée,
rendue claire par le mot qui donne le sens.
3.
D'où la reprise de la thèse, mais en insistant maintenant sur le processus à l'œuvre qui permet un passage,
vers le plus (« le plus haut », « le plus vrai »).
Extrême du mot qui, mené à son terme, fait passer de l'essence à.
»
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