HEGEL: la totalité du Vrai
Extrait du document
«
Le vrai est le tout.
La formule : « Le vrai est le tout » apparaît dans le véritable manifeste qu'est la
Préface de Hegel (1770-1831) à la Phénoménologie de l'esprit (1807).
Dans ce texte, Hegel présente une nouvelle façon de philosopher, qui rompt avec le
romantisme et que l'on nomme dialectique.
L'ambition de Hegel est de ressaisir la
totalité de l'histoire (de la réalité historique, mais aussi de la philosophie, de l'art,
etc.) comme une unité.
« Le vrai est le tout » signifie que l'on ne comprend une
chose qu'en refusant de l'isoler et de la considérer hors du processus dans lequel
elle s'insère.
« Le vrai est le tout » est, à première lecture, une formule énigmatique.
Cependant, celle-ci peut définir la dialectique de Hegel ; la vérité n'est pas
seulement un moment, quelque chose d'immédiat, le but d'une recherche.
La vérité
est à la fois le but et le chemin qui y conduit, et isoler le résultat, c'est se priver
de la «plénitude du détail », de l'intelligibilité du processus dans lequel cette vérité se délivre.
Hegel commence abruptement sa préface par la dénonciation de la façon dont on comprend habituellement le
rapport des doctrines philosophiques.
On cherche seulement en quoi l'une s'oppose à l'autre, et l'on croit que si
l'une est vraie l'autre est fausse.
C'est contre cette conception du vrai et du faux, comme s'excluant
réciproquement, de façon statique, que s'élève toute l'oeuvre de Hegel, attitude que résume notre formule « Le
vrai est le tout.
»
La façon traditionnelle de comprendre l'histoire de la philosophie « ne conçoit pas la diversité des systèmes
comme le développement progressif de la vérité: elle voit plutôt seulement la contradiction dans cette
diversité.
» Or, remarque Hegel, on pourrait tout aussi bien dire, avec la même conception que la fleur réfute le
bouton, et le fruit la fleur.
En effet, la fleur chasse le bouton et en manifeste la fausseté : « Ces formes ne sont pas seulement
distinctes, mais encore chacune refoule l'autre, parce qu'elles sont mutuellement incompatibles.
»
Il est clair qu'un tel point de vue est erroné, en ce qu'il isole de façon brutale et absurde chaque moment
(bouton, fleur, fruit), alors que l'un amène l'autre, que leur enchaînement est nécessaire, et que chaque étape
ne se comprend que comme maillon d'un processus unitaire.
« Cette égale nécessité constitue seule la vie du
tout.
»
Cet exemple simple doit nous mettre sur la voie qu'ouvre la dialectique, et en particulier la façon dont elle
comprend l'histoire de la philosophie.
Un système ne réfute pas plus l'autre que la fleur ne réfute le bouton.
Chaque doctrine n'est qu'un moment unilatéral de la vie du tout, de l'exposition et la compréhension de la
vérité.
Le bouton n'est pas « faux », il est insuffisant, il est amené nécessairement à être dépassé, nié par la
fleur.
Mais celle-ci est littéralement incompréhensible, impossible sans le bouton dont elle conserve quelque
chose.
On peut dire que le fruit est virtuellement contenu dans le bouton, comme l'homme est déjà contenu dans
l'embryon.
Mais cette totalité ne s'est pas encore déployée, n'a pas atteint sa vérité, son acmé, il lui manque «
la plénitude du détail ».
« Le vrai est le tout » signifie donc que comprendre, c'est comprendre la totalité d'un processus, d'un
mouvement, dont chaque figure est nécessaire.
Isoler un moment, voire même isoler le résultat, n'est rien
d'autre que faire violence à la vérité.
Il faut comprendre chaque étape comme résultat (qui nie, dépasse et
conserve ce qui l'amène, comme la fleur nie, dépasse et conserve le bouton), mais un résultat qui lui-même est
régi par la contradiction et doit relancer le processus (comme la fleur amènera le fruit).
A la conception d'une
opposition figée et rigide (le vrai s'oppose au faux, telle doctrine à telle autre), Hegel substitue l'idée d'un
développement organique.
Chaque moment unilatéral amène nécessairement l'autre, et comprendre la vérité est
comprendre le moment comme tel, comme étape, résultat, devenir.
« Le vrai est le tout.
Mais le tout est seulement l'essence s'accomplissant et s'achevant moyennant son
développement.
De l'Absolu, il faut dire qu'il est essentiellement résultat, c'est-à-dire qu'il est à la fin seulement
ce qu'il est en vérité ; en cela consiste proprement sa nature qui est d'être réalité effective, sujet ou
développement de soi-même.
»
Hegel combat donc la philosophie romantique, celle de l'enthousiasme, du sentiment, de l'immédiat.
Il combat
une fausse profondeur, qui se gargarise de grands mots (l'Absolu, Dieu, etc.) et à qui manque « la douleur, le
sérieux et la patience du négatif ».
La profondeur ici n'est que le vide, le refus du travail, le refus de
comprendre comment l'esprit, la conscience, la vérité se développent, c'est-à-dire se produisent eux-mêmes.
« Si je dis : "tous les animaux", ces mots ne peuvent passer pour l'équivalent d'une zoologie ; avec autant
d'évidence, il apparaît que les mots de divin, d'éternel, d'absolu, n'expriment pas ce qui est contenu en eux, et
de tels mots n'expriment en fait que l'intuition entendue comme l'immédiat.
»
Or Hegel en disant « Le vrai est le tout » ou encore « Le vrai est le devenir de soi-même » entend restaurer les
droits de la médiation.
L'immédiat, le simple, c'est le non encore développé, (ce qu'on pourrait comparer au
bouton, à l'embryon), c'est-à-dire ce à quoi manque la détermination, le détail, la vérité.
Contre la fadeur de l'immédiat, Hegel entend restaurer les droits du système, seul apte à reprendre à son
compte le développement de la vérité..
»
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