Hegel: La religion
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«
A lors que l'art représentait la vérité de manière intuitive, la religion la représ ente de manière pré conceptuelle, dans c e q u e H egel appelle la «
représentation », qui est une conc eptualité encore imagée et baignée de sentiment, ac cessible à la c onscience populaire.
La religion relie les hommes à
Dieu, et par là auss i les relie entre eux.
A .
La représentation
La religion exprime la vérité absolue s ous forme de représentations (mythes, histoire sacrée, vision anthropomorphique de D ieu...) ; elle est, autrement
dit, la représentation des plus hautes valeurs, de la plus haute réalité, de manière concrète et fac ile à appréhender pour l'esprit.
P ar la religion, les hommes se rapportent à l'absolu, qui donne un sens à l'exis tence.
L'esprit s'y apaise.
P ar la foi`, le croyant adhère aux vérités
révélées ; par le culte et la prière, il tente de s'unir à Dieu.
Il y a eu autant de religions que de manières de concevoir l'absolu.
Et l'homme se conçoit lui-même à l'image de cet absolu : ains i l'hindouisme, qui
représente l'absolu comme un grand T out s a n s conscience, dévalorise-t-il la c onscience de soi individuelle et prône-t-il l'abandon de tout désir.
À
l'opposé, le judaïsme se représente l'absolu comme une personne transcendante, qui juge le monde, lui donne des lois et contracte une alliance avec les
hommes.
A uss i la religion juive encourage-t-elle une tens ion constante de l'esprit individuel vers Dieu.
B.
Le passage au concept
Religion et philosophie ont le même contenu, l'absolu, mais elles n'ont pas la même forme.
Il revient à la philosophie d'exprimer dans l'élément du
concept, de la pens ée pure, les vérités contenues dans la religion.
H egel reprend ici l'idée de « témoignage de l'Esprit », chère à saint P aul : c'es t l'es prit
lui-même qui va distinguer dans la religion entre ce qui relève de la contingence, de l'inessentiel, du rituel, de l'historique, et ce qui relève de l'esprit.
Hegel affirme que la religion abs olue est le christianisme : la philosophie hégélienne n'en s erait que l'expression c onceptuelle.
A insi selon Hegel,
l'incarnation, la mort et la résurrection du C hrist représentent-elles le parc ours nécessaire de toute réalité spirituelle, qui doit affronter la finitude, y
souffrir une épreuve, mourir à soi-même par amour, pour en res sortir renforcée.
2.
Religion et politique
A .
Scission
La religion nous tourne vers Dieu, et la politique vers le monde.
Dans sa jeunesse, Hegel voyait une opposition entre ces deux attitudes .
Selon lui la
religion, éloignant les hommes de la politique, était complice de la tyrannie, qui avait ainsi les mains libres.
O n sac rifiait la vie terrestre à l'illusion d'une
vie céleste.
La vie était déchirée.
C 'est pourquoi il soutenait l'idée d'une religion populaire, inspirée de la religion civique athénienne, qui réconcilierait le réel et l'idéal, en faisant de la vie
commune, et de l'État, le divin lui-même.
M ais cette unité parfaite, cette « belle totalité » n'es t plus possible dans le monde moderne, où la conscience personnelle a vu reconnaître sa dignité
infinie par le christianisme.
Il doit y avoir un rapport entre politique et religion qui respecte à la fois la liberté de conscience et la vie de l'État.
B.
Réconciliation
Religion et politique doivent être unies, mais distinctes.
C e que la religion « conçoit », l'État doit le réaliser dans le monde.
La religion fonde ainsi la
politique, car elle lui donne un sens.
Mais ce sens doit s'incarner, se réaliser par l'État de manière non religieus e ( fanatis me).
T out État se fonde sur une religion fondamentale, diffuse, qui n'a peut-être pas, aujourd'hui, statut de religion ou d'Église, mais représente bien une
certaine c onception de l'abs olu (pens ons aux « Droits de l'homme »).
Et « le peuple qui a un mauvais conc ept de Dieu a aussi un mauvais État, un
mauvais gouvernement, de mauvaises lois ».
État et religion ne sont donc réconciliés que s'ils ont les mêmes principes.
À l'ère moderne, le grand principe, c 'est la liberté.
C 'est pourquoi Hegel
affirme que la religion qui convient à des institutions libres est le protestantisme, qui adore un D ieu de liberté et entretient une dispos ition intérieure de
liberté (le libre examen).
Il est bon que les citoyens aient c ette religion, c ar elle enracine les princ ipes éthiques dans leur coeur et renforce la vie étatique, en même temps qu'elle
la relativis e, en rappelant que l'État n'est pas Dieu.
HEGEL (Friedrich-Georg-Wilhelm).
Né à Stuttgart en 1770, mort à Berlin en 1831.
Il fit des études de théologie et de philosophie à T übingen, où il eut pour condisciples H ölderlin et Schelling.
Il fut précepteur à Berne de 1793 à 1796, puis
à Francfort de 1797 à 1800.
En 1801, il devient privat-dozent à l'Université d'Iéna puis, les événements militaires interrompirent son enseigne- ment, et il
rédigea une gazette de province.
En 1808, il fut nommé proviseur et professeur de philosophie au lyc é e c l a s s i q u e d e N u r e m b e r g .
D e 1 8 1 6 à 1 8 1 8 , il
enseigna la philosophie à l'Université de H eidelberg ; enfin.
à Berlin, de 1818 à sa mort.
due à une épidémie de choléra.
P eu de philosophes ont eu une
influence aussi considérable que celle qu'exerça Hegel.
P eu aussi furent plus systématiques dans l'expression de leur pensée.
L'idéalisme hégélien part
d'une conception de la totalité.
Le Tout est l'unité des opposés, la non-contradic tion.
M ais la réalité es t contradictoire, parce qu'elle est vivante, et vice
versa.
L'étude du développement des notions universelles qui déterminent la pensée, cons titue la logique.
Réel et rationnel (la réalité est raisonnable et le
raisonnable est réel), être et pensée, se concilient dans l'idée, principe unique et universel.
L'idée, c'est l'unité de l'existenc e e t d u c o n c e p t .
« N o u s
réserverons l'expression Idée au conc ept objectif ou réel, et nous la distinguerons du concept lui-même, et plus encore de la simple représentation.
» Le
développement de l'Idée détermine l'être.
La science étudie ce développement la logique en précise les lois, qui sont la contradiction et la conc iliation des
contraires .
Le mouvement de l'idée, qui s e traduit par la marche de la pensée, procède par trois é t a p e s s u c c e s s i v e s : la thèse, l'antithèse qui e s t s a
proposition con- traire, et la synthèse, qui conc ilie les deux, les dépas se.« La synthèse, qui concilie les opposés, ne les nie pas.» C e mouvement de la
pensée es t la dialectique.
Le développement dialectique de l'idée engendre la Nature (qui est le développe- ment du monde réel extérieur à l'idée) et l'Esprit
; il explique l'ordre et la suite nécessaire des choses.
La philosophie de l'Esprit, selon Hegel, se divise en trois parties : l'esprit subjectif (anthropologie,
phénoménologie, ps ychologie), l'esprit objectif (droit, moralité, moeurs) et l'esprit absolu (art, religion, philosophie).
L'Esprit est l'intérioris ation de la
Nature.
O n retrouve dans l e s t r o i s notions d'Idée, de Nature et d'Esprit, le schéma parfait de la dialectique.
L ' I d é e e s t la pensée absolue, pure et
immatérielle.
La Nature est sa dis solution, dans l'es- pac e et dans le temps.
L'Es prit est le retour de l'absolu sur lui-même ; il devient la pensée existant
pour elle-même.
Hegel définit l'histoire « le développement de l'esprit univers el dans le temps ».
L'État représente alors l'idée ; les individus ne sont que les
accidents de sa substance.
Les guerres conduis ent à la synthèse, qui es t la réalisation de l'idée.
L'histoire a un sens dernier, auquel contribuent le passé et
le présent.
C e qui réussit est bien.
La force est le symbole du droit.
C 'est certainement par sa philosophie de l'histoire —« la philosophie es t compréhension
du devenir » — que Hegel a laissé libre cours aux plus diverses interprétations.
L'hégélianis me de droite (représenté de nos jours par M .
H.
Niel) effec tue un
retour vers un théisme c hrétien traditionnel ; c'est le courant qui se développa surtout en A ngleterre, avec Bradley et Boyce.
L'hégélianisme de gauche (que
M .
A .
Kojève représente actuellement) s'est orienté vers l'athéisme.
Il c onnut une grande faveur en A llemagne et en Russie, avec Feuerbach, Karl M arx et
A .
Herzen.
O n peut dire que les chrétiens traditionnels, les athées, l e s c onservateurs, l e s socialistes, les humanitaristes ou l e s révolutionnaires s e
réclament tous de H egel..
»
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