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Hegel: La beauté artistique est-elle supérieure à la beauté naturelle ?

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L'esthétique a pour objet le vaste empire du beau... et pour employer l'expression qui convient le mieux à cette science, c'est la philosophie de l'art ou, plus précisément, la philosophie des beaux-arts. Mais cette définition, qui exclut de la science du beau le beau dans la nature, pour ne considérer que le beau dans l'art, ne peut-elle paraître arbitraire ? I. .. ] Dans la vie courante, on a coutume, il est vrai, de parler de belles couleurs, d'un beau ciel, d'un beau torrent, et encore de belles fleurs, de beaux animaux et même de beaux hommes. Nous ne voulons pas ici nous embarquer dans la question de savoir dans quelle mesure la qualité de beauté peut être attribuée légitimement à de tels objets et si, en général, le beau naturel peut être mis en parallèle avec le beau artistique. Mais il est permis de soutenir dès maintenant que le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature. Car la beauté artistique est la beauté née et comme deux fois née de l'esprit. Or, autant l'esprit et ses créations sont plus élevés que la nature et ses manifestations, autant le beau artistique est lui aussi plus élevé que la beauté de la nature.

« PRESENTATION de "ESTHETIQUE" DE HEGEL Publiées à titre posthume en 1832, les Leçons d'esthétique reprennent les cours professés par Hegel (1770-1831) à l'université de Berlin de 1818 à 1829.

Dans cette introduction, l'auteur défend le projet d'une philosophie de l'art : « mode de manifestation particulier de l'esprit » (I, I, 2), l'art doit faire l'objet d'une étude rationnelle, seule à même d'en ressaisir la signification.

Depuis le milieu du siècle, l'esthétique suscite de nombreux débats portant sur la définition de son objet : le problème est de savoir si l'idée de beau a un fondement objectif, auquel cas l'esthétique peut la déterminer rationnellement, ou un fondement subjectif, auquel cas l'esthétique devient l'analyse du sentiment de plaisir ou du jugement de goût.

Hegel rompt avec ses prédécesseurs en redéfinissant l'esthétique comme la science du beau artistique : en comprenant le beau comme une oeuvre de l'esprit qui se donne une forme sensible pour se révéler à luimême, il s'agit de réconcilier la sensibilité et la raison, la subjectivité et l'objectivité. "L'esthétique a pour objet le vaste empire du beau...

et pour employer l'expression qui convient le mieux à cette science, c'est la philosophie de l'art ou, plus précisément, la philosophie des beaux-arts. Mais cette définition, qui exclut de la science du beau le beau dans la nature, pour ne considérer que le beau dans l'art, ne peut-elle paraître arbitraire ? (...) Dans la vie courante, on a coutume, il est vrai, de parler de belles couleurs, d'un beau ciel, d'un beau torrent, et encore de belles fleurs, de beaux animaux et même de beaux hommes.

Nous ne voulons pas ici nous embarquer dans la question de savoir dans quelle mesure la qualité de beauté peut être attribuée légitimement à de tels objets et si, en général, le beau naturel peut être mis en parallèle avec le beau artistique.

Mais il est permis de soutenir dès maintenant que le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature.

Car la beauté artistique est la beauté née et comme deux fois née de l'esprit.

Or, autant l'esprit et ses créations sont plus élevés que la nature et ses manifestations, autant le beau artistique est lui aussi plus élevé que la beauté de la nature." Georg W.

E Hegel, Esthétique (1829), trad.

V.

Jankelevitch, Aubier Ce que défend ce texte: Ce texte de Hegel nous amène à distinguer deux types de beauté : celle de la nature et celle de l'art.

Il est vrai que, dans la vie courante, nous n'hésitons pas à qualifier de belles certaines réalités naturelles (de belles fleurs, de beaux animaux, etc.). Or, Hegel remet en question ce genre de jugements en constatant que l'esthétique qui, en philosophie, désigne la réflexion sur le beau, ne s'applique qu'aux productions artistiques.

Pourquoi l'esthétique se limite-t-elle à la beauté de l'art, c'est-à-dire à la beauté manifestée par des oeuvres créées par l'homme et par le travail de l'artiste ? Une des réponses possibles consisterait à dire que seules méritent le nom de belles les oeuvres d'art et non pas les réalités naturelles. Hegel ne va pas si loin et préfère ne pas se prononcer sur la question : «Nous ne voulons pas ici nous embarquer dans la question de savoir dans quelle mesure la qualité de beauté peut être attribuée légitimement à de tels objets » (sous-entendu : objets naturels).

Sans aller donc jusqu'à affirmer que le beau naturel n'existe pas, Hegel pose toutefois une hiérarchie dont l'annonce constitue la thèse principale de ce texte : « Mais il est permis de soutenir dès maintenant que le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature ». Sur quel argument s'appuie la position d'une telle supériorité ? La beauté artistique, nous dit Hegel, naît de l'esprit de l'artiste, or l'esprit est supérieur à la nature.

Il nous faut alors nous demander pourquoi l'esprit et ses créations possèdent une supériorité sur la nature et ses manifestations.

La réponse sera donnée par Hegel à la suite de cet extrait : l'esprit est le domaine de la liberté, ce qui sous-entend que la nature et ses lois décrivent le domaine de la nécessité.

En effet, les beautés naturelles dépendent strictement des lois de la nature.

Ainsi, les formes vivantes ne font que dérouler des cycles, toujours les mêmes, de production, de génération et de corruption.

Ce qui signifie que la nature répète indéfiniment les mêmes formes, qui possèdent ainsi un caractère de fixité absolue. La beauté artistique, au contraire, définit le domaine de la création et non plus de la répétition, c'est-à-dire le lieu d'une innovation permanente, où les anciennes règles de production sont remises en question à travers l'apparition d'un nouveau style.

En tant que manifestation de la conscience et de l'esprit, la beauté artistique exprime donc cette capacité purement humaine d'échapper à la nécessité de la production naturelle, capacité qui est celle d'un véritable pouvoir de création. Cette interprétation résolument moderne du sens de l'art permet de comprendre pourquoi Hegel refuse de réduire le travail de l'artiste à une imitation des beautés de la nature.

En effet, si l'art n'avait pour but que d'imiter la nature, il serait lui-même soumis à la nécessité qui anime la production des formes naturelles, à travers la reproduction de leur apparence.

En dernier lieu, c'est donc la supériorité de la liberté sur la nécessité qui justifie la thèse selon laquelle la beauté artistique est supérieure à la beauté naturelle. Ce à quoi s'oppose cet extrait:. »

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