HEGEL: Histoire et Liberté
Extrait du document
«
"L'Histoire est la réalisation de l'idée de liberté." HEGEL
La formule exacte qui figure dans les « Leçons sur la philosophie de l’histoire »
(1837) est : « L’histoire universelle présente le développement de la conscience
qu’a l’esprit de la liberté, et de la réalisation produite par une telle conscience.
»
Dans ce texte formé de notes de cours, Hegel signe la première grande philosophie
de l’histoire, en prétendant montrer que l’ensemble du passé humain n’est pas livré
au hasard, mais présente une rationalité et une nécessité que l’on peut ressaisir.
Progressant dans la voie ouverte par Kant, Hegel propose une sorte de révolution
en faisant de l’histoire un des objets centraux de la philosophie.
Aristote affirmait
dans la « Poétique » : « La poésie est plus philosophique et plus noble que la
chronique.
» En effet, selon lui, alors que l’auteur dramatique construit une intrigue
cohérente et logique, l’historien décrit ce qui se passe effectivement, et qui semble
livré à la contingence.
Contre cette vision traditionnelle, Hegel, plus encore que
Kant, tente de saisir l’histoire comme digne de l’étude philosophique, c'est-à-dire
comme rationnelle.
Hegel affirme d’entrée de jeu : « La seule idée qu’apporte la philosophie est cette simple idée que la raison
gouverne le monde, et que par suite l’histoire universelle est rationnelle.
» La scène du monde ne présente pas
un chaos d’événements livrés au hasard et au caprice ; elle est rationnelle, ce qui signifie aussi que les
événements, les guerres, etc.
sont gouvernés par la nécessité.
« De l’étude de l’histoire universelle même doit
résulter que tout s’y est passé rationnellement, qu’elle a été la marche rationnelle, nécessaire de l’esprit
universel.
»
Cette nécessité est pour Hegel le développement de la conscience de la liberté et sa réalisation au sein de
l’Etat.
« L’histoire universelle est le progrès dans la conscience de la liberté, progrès dont nous avons à
reconnaître la nécessité.
»
Qu’est-ce à dire ? Ce qui caractérise l’homme, l’esprit, est la liberté.
L’histoire est le temps nécessaire pour
que, d’une part l’homme prenne conscience de cette liberté, pour que l’esprit parvienne à la connaissance que :
« L’homme en tant qu’homme est libre », et que, d’autre part, cette connaissance se concrétise dans le
monde, se donne la forme politique qui lui correspond.
Ainsi Hegel propose-t-il une périodisation de l’histoire
humaine, où l’Idée de liberté, présente dès le départ, se déploie, s’éprouve et se réalise.
« Les Orientaux ne savent pas encore que l’esprit ou l’homme en tant que tel est en soi libre ; parce qu’ils ne le
savent pas, ils ne le sont pas ; ils savent uniquement qu’un seul est libre […] Cet unique n’est donc qu’un
despote et non un homme libre.
»
Cela signifie d’une part que l’Idée de liberté, même sous forme unilatérale et frustre (un seul est libre), est
présente dès le départ, mais, de plus, que la conscience détermine l’être : ne pas se savoir libre, c’est ne pas
pouvoir l’être, et qu’enfin à toute conscience de la liberté correspond une forme politique adéquate, ici le
despotisme.
Selon le déploiement de la conscience de la liberté, chez un autre peuple se manifestera une phase plus haut,
plus développée de l’Idée de liberté.
« Chez les Grecs s’est d’abord levée la conscience de la liberté, c’est pourquoi ils furent libres, mais eux, aussi
bien que les Romains, savaient seulement que quelques-uns sont libres, non l’homme en tant que tel.
Cela
même Platon & Aristote ne le savaient pas ; c’est pourquoi […] les Grecs ont eu des esclaves desquels
dépendaient leur vie mais leur belle liberté.
»
Cette phrase implique d’autres conséquences, aussi essentielles.
La philosophie est fille de son temps.
Ainsi
même des philosophes aussi prestigieux que Platon et Aristote ne pouvaient « sauter par-dessus leur temps »
et comprendre que l’homme en tant qu’homme est libre.
La philosophie ne fait que tirer au clair, rationaliser, comprendre la nécessité et les failles de ce qui est.
On ne
saurait condamner plus fermement le mépris du présent et les créations d’Utopie.
mais on commence aussi à
comprendre ce qui fait passer d’une phrase à une autre de l’histoire : c’est la contradiction qui se manifeste
dans la conscience que les hommes ont de la liberté, et par suite, dans la forme étatique qui en résulte.
Ainsi la
belle liberté grecque, cette forme unique qu’est la « polis » se voit dépendante des esclaves, c'est-à-dire de
son contraire : la servilité.
En fin c’est dans le christianisme qu’émerge la conscience que « l’homme en tant qu’homme est libre, que la
liberté universelle constitue sa nature propre ».
Cependant cette connaissance reste d’abord confinée dans la
sphère intime de la religion (par exemple l’esclavage ne disparaît pas).
La tâche politique moderne est de
transformer cette conscience en réalité, c'est-à-dire de la prendre pour fondement de l’ordre juridique et
étatique (comme la Révolution française a tenté de le faire, en ^laçant la liberté et l’égalité pour fondements
de son régime).
Ainsi, « Cette application du principe aux affaires du monde, la transformation et la pénétration
par lui de la condition du monde, voilà le long processus qui constitue l’histoire elle-même.
»
On comprend dès lors, en partie, pourquoi « L’histoire présente le développement de la conscience qu’a l’esprit,
et de la réalisation produite par une telle conscience.
»
On peut déduire de tout cela deux points centraux.
• D’abord, la philosophie de Hegel est idéaliste.
Non pas au sens trivial (selon lequel serait idéaliste celui qui.
»
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